
LXX.
Lettre de feint
Bernard fur la
•Conception»
epifl» 174.
5<Jo H i s t o i r e E c c i e s i a s t i q . o e .
mandoic le fujet qu’ils avoient entre les mains. Et
comme ils ne répondoient pas par là aux queftions
qui n’étoient pas encore émuës, ce qu’ils ont dit ne
paroît pas maintenant fuffiiant pour les réloudre. N ’étant
pas en garde contre ces queftions, ils ont laiilé
dans leurs écrits plufieurs choies fur ce facrement, qui
étoient bien dites à leur place &c félon leurs fens : mais
qui étant déplacées par ceux qui aiment à diiputer,ou
à s’égarer, femblent avoir un autre iens que dans le
lieu d’où elles font prifes, &c que le iens de l’auteur.
Ilsontauftilaifle plufieurs expreihons obfcures, parce
que n’étant que des hommes, ils ne pouvoient
pas prévoir toutes les chicanes des herefies futures.
Ce pairage eft une clef importante pour la contro-
verfe.
L ’abbé Guillaume compofa plufieurs autres ouvrages
, la plùpart de pieté ; 6c l’affedion qu’il avoit
pour S. Bernard 6c pour l’ordre de Cîteaux , l’obligea
enfin à quitter fon abbaye pourfe rendre fimple
mo ineàSigni, fille de Clairvaux, fondée en 1134.
dans le diocefe de Reims; & il y mourut du vivant
de faint Bernard, dont il avoit commencé d’écrire
la vie.
On rapporte au tems de la condamnation d’Abai-
lard, c’e.ft-à-dire, àl’an 1140. ou environ , la fameufe
lettre de faint Bernard aux chanoines de L io n , touchant
la fête de la Conception de la fainte Vierge
nouvellement introduite chez eux. il commence pat
l ’éloge de l’églife de Lion : diftinguée entre toutes
celles des Gaules, par les études , la vigueur delà
difeipline, la gravité des moeurs, l’amour de l’antiquité
& l’averfion des no,uveautez; principalement
dans
L i v r e S q i x a n T e - H u i t i e ' m e . j î i
dans les offices de l’églife. C ’eft pourquoi, continuë-
t-il,, je ne puis aflez admirer à quoi penfent quelques-
uns d entre vous , de vouloir introduireunenouvelle
fête, que l’ufage de l’églife ignore , & qui n’eft auto-
rifee ni par la raifon,' ni par la tradition. Sommes-
nous plus favans, ou plus dévots quenos peres ? C ’eft
une prefomption dangereufe d’entreprendre en ces
matières ce que leur prudence a laiffé; Sc ceci eft de
telle nature, qu’il ne leur auroitpas échapé. Mais,di-
rez-vous, la mere de Dieu mérité de grands honneurs.
Vous avez raifon, mais il. faut l’honorer avec jugement
: elle n a pas befoin d un faux honneur , étant
comblée de titres & de dignitez véritables. Et en-
fuite :
J ai appris de l’églife à honorer le jour de fon
Affomption 6c celui de fa Nativité ; croyant fermement
avec 1-eglife : qu’elle a reçù dans le fein de fa
mere la grâce d’en fortir fainte. Il rapporte les paifages
de l’écriture , qui portent, que Jeremie & S. Jean-
Baptifte ont été fandifiez avant leur naiffance : puis
il ajoute : Je ne voudrais pas décider legeremenr,
qùel a été dans ces deux prophètes, l'effet de cette
fandification contre le péché originel : mais je ne
crains point de dire , que la tache qu’ils avoient con-
tradée en leur conception, n’a pù leur ôter à leur
naiffance. la benedidion qu’ils avoient déjà reçùei
Quoi qu'il en foit, c’eft avec grande raifon,que l'é-
glife célébré la nativité de S. Jean; & il n'eft pas permis
de foupçonner que Dieu ait refufé à la fainte
Vierge ce qu’il a accordé à quelques mortels. Elle a
meme ce privilège fingulier, d’avoir paffé fa vie fans
aucun péché.
A n . i 140.
Jerem. I . j ,
Luc. i . 41.