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616 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
Outre ce qu’il lui en avoir dit à Francfort, il l’y
exhorta encore à Spire, nommémentdans un fermon
public ; ôc le vendredi jour de S. Jean l’évangelifte,
il lui en parla encore en particulier , l’exhortant à ne
pas perdre l’occafion d'une penitence fi legere , fi
courte 6e fi honorable. Le roi lui repondit enfin ,
qu’il y penferoit, qu’il en parleroità fon confeil, ôc
rendroit réponfe le lendemain. Mais enfuite pendant
la mefle, S. Bernard fe fentit vivement preffé
de prêcher ce jour-là fans en être prié, contre fa coutume.
Il prêcha donc, 6e à la fin du fermon il adreffa
la parole au roi comme à un particulier. Il lui re-
prefenta le jugement dernier, comme s’il eûtétédevant
ce terrible tribunal.; 6e fitparler J, C. qui lui reprochoit
les biens dont il l’avoit comblé, la couronne,
les richefles, la force du corps &. de courage-.enfin
il le toucha tellement, que ce prince interrompit
le fermon, 8c s’écria avec larmes : Je reconnois les
bienfaits de Dieu , 8c déformais, moyennant fa grâce,
je n'en ferai plus ingrat : je fuis prêt à le ferv ir , puif-
que j’en fuis averti de fa part- Alors le peuple s'écria
en louant Dieu ; 5c le roi prit auffi-tot la croix , 6c
reçut par la main de l’abbé un étendart pris defTus
l'autel, pour le porter de fa main en cette guerre.
Avec lui fe croiferent Frideric fon neveu duc de
Suabe, 8c une infinité d’autres feigneurs.
Le dimaiiche vingt-neuvième de Décembre , le
roi affemblà tous les feigneurs 5c les chevaliers croi-
f e z , 5c S. Bernard leur fit une exhortation plus divine
qu’humaine. Ce font les paroles de Philippe, qui
ajoute : Quand nous fûmes fortis, comme le roi lui-
même conduifoit le faint ayec les princes, de peur
L i v r e S o i x a n t e - N e u v i e ’me. 617
qu’il ne fût accablé de la foule, on lui prefenta un
enfant boiteux : il fit le ligne de la croix, releva l’enfant
8clui ordonna démarcher devant tout le monde.
Qui pourroit dire avec quels tranfports de joye
on conduifoit cet enfant ? mais le faint abbé fe tournant
vers le roi lui dit : Ceci a été fait pour vous, afin
que vous connoifiiez , que Dieu eft vraiment avec
vous, 8c que votre entreprife lui eft agréable. A la
même heure, avant que nous fortifiions du logis ,
une fille fut redreifée, 8c une femme aveugle recouvra
la vue. Après plufieurs autres miracles faits à
Spire , Philippe continue ainfi, parlant de ce qui arriva
le mardi dernier jour de l’année.
Au même lieu arriva une chofe qui nous fit grand
plaifir : parce que ce fut en prefence d’un duc Grec,
envoyé parj’empereur deC. P. Il parloit à notre pere
dans la chapelle du roi, quand on lui prefenta une
femme aveugle : aufli-tôt qu’il eut fait fur elle le l i gne
de la croix, elle recouvra la vue, Ôc le Grec en
fut extrêmement touché. De même vers le foir , en
prefence du roi, de ce Grec 8c de plufieurs feigneurs ,
on lui prefenta un enfant boiteux. Aufli-tôt le faint
homme dit avec confiance. Au nom de Jefus-Chrift
je te le commande, leve-toi 8c marche. L’effet fuivit,
l’enfant fe leva 6c marchoit librement : d’abord les
jambes-’lui trembloient, mais peu à peu il fe fortifia
devant tout le monde. Anfelme évêque d’Havelfberg
avoit un grand mal de gorge , enforte qu'à peine
pouvoit-il avaler ou parler. Il difoit à S. Bernard :
Vous devriez aufli me guérir. Il lui répondit agréablement
: Si vous aviez autant de foi que les femmelettes
, peut-être pourrois je vous rendre fervice.
K k k k ij
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