
H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e T
~ manda fi le comte de Poitiers étoit venu au concile
N . iii^ . f u i v a n t f0jj mandement : alors Guillaume évêque de
Saintes & plufieurs autres prélats d’Aquitaine fe levèrent
Se excuferent leur duc : difant qu’il étoit parti
| pour venir au concile, mais qu’il étoit demeuré malade
en chemin. Le pape reçut l’excufc, Si donna au
duc un délai pour fe préfcnter à fa cour, & reprendre
fa femme légitimé fous peine d’anathême.
Ce duc d’Aquitaine étoit le mcme qui dix-huit
ans auparavant en iio i. avoit fait le voïage de la
n.iy ' l>v' 1ÏT' terre-fainte avec plufieurs autres feigneurs François,
Avant ce voïage ilétoittellement plongé dans toutes
fortes de vices , qu’il fembloit croire que tout alloit
g util. Maimefb. au hazard, & qu’il n’y avoit point de providence.
hb.S.p.lyo. _ I • I. r • / I I 1 r • Comme il avoit 1 eiprit agreable, il tournoit tout en
raillerie, & faifoit gloire de fes débauches : jufques-
là qu’il difoit qu’il vouloit faire une abbaïe pour y
raifembler des femmes publiques, & les nommant
par leur nom , il difoit qu’une telle feroit l’abbeiTe,
une telle la prieure , ainfi des autres ; Se il faifoit des
chanfonsfurcefujet. La croifade ne le convertit pas,
puifque fi long-tems après il entretencfit la vicom-
teffe de Châtelleraut ; Se il l’aimoit avec tant de paf-
fion , qu’il portoit fur fon écu le portrait de cette
femme, pour l’avoir préfente dans les combats. Gérard
évêque d’Angoulême le reprit de cet adultéré fean-
daleux Si l’excommunia : mais le duefe mocquant de
l ’évêque qui étoit chauve , lui dit : Vous ramènerez
avec le peigne vos cheveux fur le front avant que je
quitte la vicomteife.
Pierre évêque de Poitiers homme d’une grande
vertu, le reprit avec liberté pour le même crime j de
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comme il ne fe rendoit pas, il commença à p ro n o n ---------------
cer l’excommunication contre lui. Alors le duc en A n . 1119.
furie le prit aux cheveux , Si tenant fon épée nue :
T u mourras tout à l’heure, d it-il, fi tu ne me donne
l’abfolution. L’évêqüe feignant d’avoir peur , demanda
la liberté de parler , Se acheva hardiment la
fentencc d’excommunication dans la forme la plus
rigoureufe : puis tout réfolu au martyre, il tendit le
col en difant : Frape , frape. Mais le duc ufant de fes
plaifanteries ordinaires, dit: Je te haï tellement,que
je ne te croi pas digne de ma colere, & tu n’iras pas
en paradis de mamain. Toutefois peu detems après,
à la perfuafion de la vicomteiTe, il envoïa l’évêque
en exil , où il mourut faintement ; Se le duc aïanc
appris qu’il faifoit des miracles, dit : J’ai regret-de
n’avoir pas avancé fa mort : il m’en auroit eu obligation.
T e l étoit donc le duc d’Aquitaine contre lequel
la duchelfefonépoufe vint porterfes plaintes au concile
de Reims. :
Enfuite Audin évêque d’Evreux,fe plaignit d’A -
tnauri comte de Montfort ,qui l’avoit chaifé honteu-
fement Se brûlé fa maifon épifcopale. Mais un chapelain
d’Amauri démentit l’évêque en plein concile, Se
foutint qu’il s’étok attiré la guerre qui avoit caufé ces
défordres. Les François prenant le parti d’Amauri
contre les Normans,il y eut une grande altercation.
Enfin on fit filence, Se le pape exhorta tous les aifif-
tans à la paix , reprefentant les maux de la guerre ,
tant pour le temporel que pourlefpirituel. Il conclut
en ordonnant la treve de D ieu , comme le pape Urbain
I’âvoit établie au concile de Clcrmonr, dont il
confirma tous les décrets, puis il ajouta: L’empereur
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