
AN.1145. ils ne font qu’une fête de Noël Sede l’Epiphanie. Le
pape les reçut agréablement &c les fit aififter à la
meife : où même il voulut qu’ils viiTent de près ce
que le faint facrifice a de plus fecret, afin d’obierver
tout exa&ement. Un de ces députez rapporta depuis,
qu’affiftant ainfi à la meife le dix-huitiéme de Novembre
, jpur de la dédicace de S. Pierre de R ome,
il avoit vù fur la tête du pape officiant un rayon de
foleil & deux colombes, qui montoient & defeen-
doient, fans qu’il pût découvrir par où entroient ces
colombes ou cette lumiere. C ’eft ce que cet évêque
Arménien témoigna devant toute la cour Romaine,
& que cette merveille l’excitoit d’autant plus à ren-
f' î5' dre obéïffance au faint fiege.
.Otton évêque de Frifingue , qui rapporte ce fait,
étoit alors à Viterbe , où il dit avoir vùauffi Hugues
évêque de Gabale en Syrie, qui avoit le plus travaillé
à foùmettre Antioche au faint fiege. Il fe plaignoit de
Gtn. XIV. î). patriarche & de la mere du prince d’Antioche,
ôc prétendoit la dîme des dépoiiilles priles fur les
Sarrafins, à l’exemple de Melchifedech,qui l’avoit reçue
d’Abraham. Il demandoit fur ce fujet la protcc-
* tion du pape. L’évêque de Gabale parloit d’un prince
chrétien , mais Ncftorien nommé le prêtre Jean, qui
regnoit à l’extrémité de l’Or ien t , &c qui avoit remporté
des viétoires confiderables fur les Perfans; on
difoit qu’il vouloir venir au fecours de l’eglife de Je-
rufalem. C ’eft la premiere fois que je trouve dans
nos auteurs ce nom de Prêtre Jean , pour marquer
un prince.
xi. Mais le fujet le plus important du voyage de fer
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^ ife d Orient confternée par la perte d’Edefle. Car AN.1145.
cette ville n’étant point fecourue contre Zengui, qui Otto, v u . c b r .
l’affiegeoit depuis deux ans, il la prit enfin le jour de
Noël 1144. &f i t un grand maffacre deshabitans, qui
écoient tous Chrétiens, parce qu’elle n’étoit jamais
tombée au pouvoir des infidèles. L’archevêque nommé
lëgl
L i v r e S o i X a n t e - N e u v i e m e . c w ---------------
ibid, c 30.
Tyr.
Hugues voulant en fortir lors de la prife, fut
étouffé dans la foule, ce qui fut regardé comme une
punition de fon avarice. Car il avoit amafté de grands
trefors, qui auroient pù iauver la ville, s’il les avoit
employez à payer les troupes. Edeffe étant prife, les
églifes furent profanées, principalement celle de la
fainte Vierge & celle où étoientles reliques de faint
Thomas. L ’évêque de Gabale racontoit avec larmes
ces triftes nouvelles, réfolu de paffer les Alpes, &c
d’aller demander du fecours au roi des Romains &c
au roi de France pour les Chrétiens d’outremer.
Nous avons les lettres que le pape Eugene écrivit à
ce fujet au roi Louis le jeune, datée du premier jour
deDecembreà Vetralle près de Viterbe. Il y exhorte
tous les François , principalement les puiffans & les
nobles, & même leur enjoint pour la remiffion de
leurs pechez, de prendre les armes pourladéfenfede
l’égliie Orientale, que leurs peres ont délivrée aux
dépens de leur fang. Il accorde à ceux qui s’engage*
ront à cette fainte entreprife , la même indulgence
que donna le pape Urbain II à la première croifade.
Il met leurs femmes, leurs enfans & leurs biens fous
la proteéfion de l’églife : défend d’intenter aucune
a&ion contre eux pour ce qu’ils poffedent paifible-
ment : décharge les croifez des ufures qu’ils doivent
1 1 ' 1 r- r pour le paffé, &c leur permet d’engager leurs fiers a
H h h h i j
Epift. r.
Sup.liv, l x i y .