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Ils vivent en commun dans une focieté agréable,-mais
frugale : fans femmes, ni enfans, fans poileder rien en
propre, pas même leur volonté. Ils ne font jamais oi-
fifs , ni répandus au dehors parcuriofité: mais quand
ils ne marchent point à la guerre , ce qui eft rare,
ils raccommodent leurs armes, ou leurs habits, ou les
mettent en ordre, ou font enfin ce que le maître leur
ordonne. Une parole infolente, un ris immodéré, le
moindre murmure, ne demeure point (ans correction.
Ils détellent les échets, les de z, -la chaffe & la
fauconnerie,: ils rejettent avec horreur les boufons,
les charlatans,les chanfonsridicules & lesfpectacles.
Ils coupent leurs cheveux, feb a ign en t rarement,
font pour l’ordinaire n é g lig e z , couverts depouffiere
6c brûlez du foleil. A l’approche du combat ils s’arment
de foi au-dedans,de fer au dehors , fans ornement
fur eux ni fur les chevaux, ils fe préparent a
l’aétion avec toute forte de loin & de prévoyance ,
mais quand il eft tems, ils chargent vigoureufemenc
l ’ennemi, fans craindre le nombre ni la fureur des
barbares ; fe confiant non en leurs forces, mais en la
puiflance du Dieu des armées,: ainfi ils joignent en-
femble la douceur des moines & la valeur des foldats,.
Et enfuite: ce qui fe paffe à Jerufalem excite tous
les peuples à y prendre part; & ce qu’il y a de plus
confolant, c’eft que la plûpart de cenx qui s’enrôlent
à cette fainte milice , étoient des fcclerats, dès impies,
des raviffeurs, des facrileges, des homicides,
des parjures, des adultérés. Ainfi leur converfion
produit deux biens, d’en délivrer leur païs &c de
fecourir la terre fainte. Ç ’eft ainfi que Jefus-Chrift
fe vange de fes ennemis en triomphant d’eux & fe
fervant
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fervant d’eux enfuite pour triompher des autres.
En ce tems-là un gentilhomme de Languedoc
donna un exemple mémorable de penitence. Il fe
nommoit Pons feigneur de Laraze, château imprenable
dans le diocefe de Lodeve : il étoit diftingué
par fa nobleffe, fes richeffes, fon efpr it,fa valeur:
mais n’ayant pour réglé de fa conduite que fes paf-
fions, il étoit incommode à plufieurs de fes voifins.
il furprenoit les uns par fes difcours artificieux, il
forçoit les autres par les armes, & dépoüilloit de
leurs biens tous ceux qu’il pouvoir, n’étant occupé*
jour &c nuit que de brigandages. C ’étoit fon vice dominant
entre plufieurs autres. A la fin étant touché
de Dieu il rentra en lui-même ; & après y avoir bien
penfc il refolut de quitter le monde, &c paifer le refte
de fa vie en penitence. Il en fit confidence à fa femme,
la priant inftamment d’en faire de même; 6c la
dame dont le coeur étoit auffi noble que lanaiffance,
y confentit volontiers. Seulement elle le pria de pourvoir
à leurs enfans : car ils avoient un fils & une fille.
Il le f it , ôc mit la mere & la fille au monaftere de-
Drinone avec une grande partie de fon bien ; & fon
fils à S. Sauveür de Lodeve.
Ses voifins & fes amisfurpris de fa conduite l’étant
Venu trouver pour en apprendre le m otif & quel
étoit fon'deffein : il ne leur diffimulairien, profitant
de l’ocçafion, comme il étoit éloquent, bien que
fans lettres, il leur parla fi fortement du mépris du
monde & des avantages de la penitence, que quelques
uns en furent touchez, & fix fe joignirent à lui,
promettant de ne s’en fepàrer ni à la v ie ni à la mort.
Pons de Laraze ainfi affermi dans fa refolution, fit
Tome X I V . P p p
A n .i i 3 j.
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Penitence de
Pons de Laraze#
Narrat, tom. j.
Mifcel Baluz>,
P- ioj. .