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pieds par les villes & les villages, invitant les .pécheurs
à penitençe, &prêchoient avec un grand zcle
contre le concubinage des prêtres, qui avoir pafle en
coutume dans toute laNormandie : en forte qu’ils fe
marioient publiquement, & juroient en préfence des
parens de ne jamais quitter leurs femmes : ils laif-
ioient leurs églifes à leurs fils comme par droit héréditaire,
& fouvent les donnoient en dot à leurs filles.
Nos faints miflîonnaires mirent leur vie en péril en
s’oppofant a cet abus.
Peu de jours après que faint Anfelme fut arrivé en
Angleterre, il alla trouver le roi Henri, qui le reçut,
avec joie , & lui fit goûter la raifon qu’il avoit eue
de ne le pas attendre pour être couronné dé fia main.
Enfuite on lui demanda qu’il fît hommage au roi
comme fies prédeceifeurs, & qu’il reçût de lui l’invef-
titure de l’archevêché. Anfelme répondit qu’il ne le
p o u v o it, & rapporta ce qu’il avoit appris fur cefujet
dans le concile de Rome ; puis il ajouta : Si le roi ne
veut pas obierver ces reglemens , je ne voi pas que
mon féjour en Angleterre puiiTe être utile ni honnête
; car s’il donne des évèchez ou des âbbaïes, il faudra
que je m’abftienne de fa communion, & de ceux
qui auront reçû ces dignitez. Je le prie donc de s’expliquer,
afin que je fçache à quoi m’en tenir.
Le roi fut embaraffé de ce difeours. D ’un côté il
ne pouvoit fe refoudre à abandonner les inveftitures
des églifes ; il lui fembloit que c’étoit comme perdre
la moitié de fon roïaume : d’ailleurs il craignoit
que s’il laiifoit retirer Anfelme, il n’allât trouver le
duc Robert foii frere , qui étoit en Normandie au
retour de la croifade , & que l’aïant rangé , comme
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il feroit facile , à l’obéïifance du faint fiege , il ne l e -----
fît roi d’Angleterre. Le roi Henri demanda donc à A n .
l’archevêque un délai jufqu’à Pâques, pendant lequel
on envoïeroit à Rome pour prier le pape d’avoir
égard à l’ufage d’Angleterre, toutes chofes cependant
demeurant en état. Quoiqu’Anfelme vît bien que cette
députation feroit inutile, il ne laiffa pas d’y con-
fentir, pour ne donner au roi ni aux feigneurs aucun
foupçon contre fa fidélité.
Le roi Henri avoit réfolud’époufer Mathilde fille
de Malcolme roi d’Ecoife & de la fainte reine Marguerite
; mais comme elle avoit été élevée, dans un n f“t-
monaftere, &c y avoit porté le voile , plufieurs
croïoient qu’elle étoit effeétivement religieufe. La
princeife alla trouver Anfelme , & lui dit : Ileft vrai
que j’ai porté quelque tems fur ma tête un voile
noir; mais c’étoit ma mere dont je dépendois qui
m’y obligeoit malgré m o i, pour me mettre à couvert
des infultes des Nôrmans. Quand j etois hors
de fa préfence, je jettois à terre ce voile & le foulois
aux pieds ; & le roi mon pere me l’aïant vû fur la
tête,me l’arracha de colere , maudiifant qui me l’a-
voit mis. Anfelme connoiifant l’importance de l’affaire
, affembla des évêques,des abbez & des feigneurs
à Lambet au diocefe de Rocheftre , où plufieurs témoins
dignes de foi affinèrent que la princeife avoit
dit-la pure vérité. La même chofe fut confirmée par
deux archidiacres qu’Anfelme avoit envoïez s’en
informer au monaftere où elle avoit été élevée.
Tout le concile de Lambet jugea que Mathildeétoit
libre , & rapporta un jugement femblable de l’archevêque
Lanfranc en faveur de plufieurs filles qui
noo.
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