
A n . i i x 8 .
Chr. Cajf. 17. c.
6 4 .
L.
Gelafe à Rome.
Lan d u lf.n . 1 1 .
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pouë, où il excommunia l’empereur & fon antipape.
Maurice Bourdin étoic cependant à Rome, où ii
demeura tout le refte de l’année le jour de la Pentecôte
il couronna comme pape l’empereur Henri,
qui fe retira quelque tems après en Ligurie , & de là
en Allemagne. Bourdin envoïoit des bulles de tous
côtez en qualité de pape Grégoire , & fut reconnu
en quelques lieu x , comme en Allemagne , par Her-
rnan évêque d’Ausbourg, & en Angleterre par quelques
uns , qui tenoient Gelafe pour antipape, &c
d’autres ne reconnoiffoient ni Gelafe ni Grégoire r
toutefois la France & la plûpart de la chrétienté reconnut
Gelafe.
Quand il fçut que l'empereur s'étoit retiré , il re^
vint à Rome fecretement, & fe cacha dans Une petite
égîife nommée fainte Marie du fécond Cierge ,
entre les maifons d’Etienne & Pandulfe le Normand
& de Pierre Latron , qui le protegeoient. Le
jour de fainte Praxede vingt-uniéme de Juillet , il
réfolut d’officier dans l’églife de cette fainte , par le
confeil du cardinal Didier, qui en étoit titulaire ,
contre l’avis de pluneurs, qui reprefentoient que cette
églife étoit dans les fortereffies des Frangipanes.
L ’office n’étoit pas encore fin i, quand les Frangipanes
vinrent avec une troupe de gens armez à pied &
à cheval attaquer le pape & les fiens à coups de pierre
& de trait. Etienne le Normand & Crefcence Gaétan
neveu du pape rélîfterent vigoureufement, quoique
leur troupe fût beaucoup moindre : il y eut un
rude combat qui dura une grande partie du jour. Le
pape s’enfuit, faifant compaffion aux femmes qui
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lé voïoient demi vêtu de fes ornemens, courir feul
par les champs autant que fon cheval pouvoir aller.
Son porte-Croix tomba en le fuivant, & une pauvre
femme qui le trouva, le cacha jufques au foir avec fa
croix & fon cheval.
Le combat duroit encore, quand Etienne le Normand
dit aux Frangipanes : Que faites-voüs ? Le
pape à qui vous en voulez s’eft fauvé : voulez-vous
auffi nous perdre ? nous fdmmes Romains comme
vous & mêmes vos parerts : retirons-nous de part &
d’autre , nous fournies affez fatiguez. Ils fe retirèrent
en effet, & on trouva le pape dans la campagne près
l ’églife de S. Paul las & gémiffant. Le lendemain fes
amis tinrent confeil, & le pape parla ainfi .après tous
les autres : Mes freres, fui vons l’exemple de nos peres,
& le précepte de l’évangile, puifque nous ne pouvons
vivre en cette v ille , fuïons dans une autre i
fuïons cette. Sodome & cette Egypte. Je le dis devant
Dieu , j’aimerois mieux , fi jamais il étoit poffi-
ble , avoir un feul empereur, que d’en avoir un fi
grand nombre : un méchant au moins perdroit les
autres plus méchans , jufques à ce qu’il fentît lui-
même la juftice du fouverain empereur. Tous approuvèrent
l’avis du pape ,& auffi-tôt il diftribuafes
commiffions pour le gouvernement de l’églife pendant
fon abfence. Il fit fon vicaire Pierre évêque de
Porto , &i lui donna quelques cardinaux pour lui aider
: il donna la garde de Benevent à Hugues cardinal
des faints Apôtres : à Nicolas la conduite des
chantres : il laiffa la préfeéfure de Rome à Pierre
qui l’avoit prife malgré le pape Pafcal, quoique ce
fût un méchant homme ; mais il donna lcçenclart &
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