
i 8 6 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
--------------diacre fe joignit à lu i , outre les deux laïques qu’il
A n . 1115). avoit déjà: ainfi il arriva à Valenciennes avec trois
compagnons le famedi devant le dimanche des Ra-
vitac.+.n. 14. meaux , qui étoit le vingt-deuxième de Mars 1119.
£17 “ 15 p Le dimanche il fit un fermon au peuple , quoiqu’il
fçût encore fort peu de François ; & on ne laiffa pas
de l’écouter avec tant d’édification , qu’on le prefla de
féjovxrner pour prendre un peu de repos- Il ne le vou-
loit pas , mais il y fut contraint par la maladie de fes
compagnons , qui moururent dans la femaine de
Pâques, & il les enterra tous trois à Valenciennes.
Tandis qu’il y gardoit fes malades , Bouchard
évêque de Cambra y y arriva le mercredi de la femaine
fainte ; & Norbert l’aïant appris l’alla trouver,car ils
s’étoient connus lorfqu’ilsétoient dans le monde. A la
porte du logis de levêque il trouva un de fes clercs
nommé Hugues, à qui il s’adreifa , & qui le fit entrer
: mais après quelques difcours l’évêque le reconnut
& ne put retenir fes larmes le voïant nuds pieds,
quoique la terre fût gelée. Il fe jetta à fon cou ôc
s’écria: Ah No rb e rt, qui eût jamais penfé cela de
vous_? Hugues voïoit combien l’évêque fon maître
étoit touché de la préfence de cet homme , mais il
n’entendoit point ce qu’ils difoient, car ils parloient
Allemand : c’eil pourquoi il s’approcha refpeétueu-
fement de le v êq u e , & lui demanda ce que c’étoit.
Il répondit : L’homme que vous voïez en cet é ta t, a
été nourri avec moi à la cour du roi. Il eft noble &
étoit dans une fi grande fortune, qu’il refufa mon
évêché qu’on lui offrit. En effet l’évêché de Cam-
bray vaqua par le décès du bienheureux Odon le
dix-neuviémede Juin 1113. & Bouchard en fut pourvû
L i v r e s o i x a n t e - s e p t i e ’ m e . 1 8 7
en n i j. après plus d’un an & demi de vacance. —
Au difcours de 1''évêque, Hugues fondit en larmes, A
tant à fon exemple , que par l’affe&ion qu’il conçut
lui-même pour Norbert. Car il avoit de fon côté
un grand defir de quitter le monde , & s’étoit pro-
pofé depuis long-tems un genre de vie femblable,
niais il n’en avoit encore parlé à perfonne , & at-
tendoit l’occafion. Norbert après la mort de fes compagnons
, tomba malade lui-même , levêque l’en-
voïa fouvent v ifite r, & Hugues obfervoit de jour
en jour avec empreffement l’état de fa maladie.
Quand il fut guéri, Hugues le vint trouver, lui découvrit
fon defTein & promit de le fuivre. Norbert
leva les mains au ciel & rendit grâces à D ieu , difant :
Seigneur , je vous avois prié aujourd’hui de me donner
un compagnon. Hugues vouloit auparavant régler
fes affaires, mais à la perfuafion de fon nouveau
maître, il le fit très-promptement : en forte qu’il s’attacha
à lui pour toujours à Valenciennes au mois de
Juin 1119.
Norbert encouragé par ce fecours, & fe Tentant af-
furé de la volonté de Dieu, parcouroit avec Hugues,,
les châteaux, les villes & les villages, prêchant, terminant
les différends , & appaifant les inimitiez invétérées.
Ils ne demandoient ni' ne recevoient rien
de perfonne, fi ce n’eft ce qu’on leur offroit à la meife :
encore le diftribuoient - ils tout aux pauvres : fe regardant
comme étrangers fur la terre, & croïant indigne
d’eux d’être touchez de quelque petit intérêt ;
après avoir tout quitté pour Dieu. Aufîi les admi-
roit-on tellement, que quand ils approchoient d’un
village,les bergers quittoient leurs troupeaux & cou