
* 3 8 4 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e ,
An. n ty . ces. Bertoul prévôt de Bruges, archi-chapellain 8c
chancelier de la cour de Flandres, avoit amafle de ■
grandes richefles fous les comtes precedens ; il poi-
fedoit de grandes terres, 8c avoit quantité deparens
d'amis 8c de vaiTaux ; enforte que bien que ,fa famille
fût originairement de condition fe r v ile ,, ilalloit de
pair avec les plus grands feigneurs , 8c étoit le plus
puiflant après le comte. Pour s appuyer d avantage,
il avoit marié fes nieces a des gentilshommes : dont
l ’un ayant un différend pour la treve enfrainte avec
u n autre noble, l'appella en duel juridiquement en
prefence du comte, fuivantl ufage du tems. L autre
refufa de fe battre avec un homme , qui avoif perdu
fa nobleffeen époufant une femme de condition fer-
vile : car telle étoit la loi du pays. Ce fut donc une oc-
cafion de rechercher la condition du prévôt 8c de
toute fa famille , que le comte pretendoit etre ferfs
ôc de fon domaine»
Le prévôt depuis long tems en pofleifion de fa liberté
, ne putfouffrir cet affront j 8c traitoit Charles
d’ in g r a t , qui fans lui n’auroit jamais été comte
de Flandres. Enfin fa haine vint à tel point, que le
C o m t e étant venu à Bruges, il tint pendant la nuit
unconfeil avec fa famille, ou la mort du prince fut
réfoluë. Le lendemain le comte étant levé , diftribua
fon aumône, car il commençoit toujours par là fa
journée : faifoit cette adtion nuds p ieds, 8c baifoit les
xnains des pauvres, Enfuite il alla a 1 eglife de faint
Donatien : où tandis que fes chapellains chantoient
prime 8c tierce, il fe mit en prières devant l'autel de
la Vierge ; 8c après de fréquentes génuflexions, il fç
profterna fur le pavé pour dire lesfept pfeaumes dans
un
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un liv re , ayant auprès de lui des pièces de monoye
que fon chapelain y avoit mifes félon fa coutume :
pour donner l’aumône pendant fa priere.
Les conjurez étant avercis que le comte étoit à
l ’églife , Bouchard neveu du prévôt y vint avec fix
autres, portant des epees nuës fous leurs manteaux.
S’étant approché du comte , il le toucha d’abord le-
gerement de fon épée, afin de lui faire lever la tête,
comme il fit pour voir ce que c’étoit. Alors Bouchard
lui donna un fi grand coup fur le front, qu'il lui fit
fauter lacervelle fur le pave ; 8c quoique ce premier
coup ne fut que trop fuffifant, les autres lui en don*
nerent encoreplufieurs, 8c lui couperentle bras qu’il
etendoitpour donner l’aumône à une pauvre femme.
Ainfi mourut Charles le bon comte de Flandres, le
mercredi de la fécondé femaine de Carême, fécond
jour de Mars 11 17. On voulut emporter le corps à
G an d , mais le clergé de Bruges s’y oppofa , 8c on
1 enterra d abord fans ceremonie, au lieu où il avoit
ete tué : mais on fit le fervice dans une autre églife,
parce queeelle de S. Donatien étoit profanée. Le roi
Loiiis le gros appellé par les feigneurs de Flandres,
alla à main armée foumettre les feditieux ; 8c ayant
pris les principaux auteurs du crime, Bouchard 8c le
Prevot Bertoul fon oncle, il les fit mourir cruellement.
La vie du bienheureux comte fut écrite quel-
quesmois après par ordre de S. Jean évêque de T e -
roüanne; 8c il a toujours été depuis révéré dans le pays
comme faint. Il ne laifla point d’enfans de fa femme
Marguerite de Clermont , 8c le comté de Flandres
paiTa a Guillaume Cliton fils de Robert duc de Normandie.
T om e X i r .' C c c
A n. 1117.
Suger• vit a Lu-
dov.Ç» 315«
Molan. a d XI-
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