
ioî, H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
- — ;— nié les évêques de Normandie, pour n’y avoir pas
A n . my. voulu venir après avoir été appeliez trois fois. Le roi
avoit été extrêmement choqué de cette excommunication
, principalement parce qu’il lui fembloit que
le pape violon les privilèges accordez par l’églife R o maine
à fon frere Si à lu i, quoiqu’il n’eût pas mérité
ce traitement. Il réfolut donc par le confeil des évêques
d’envoïer à Rome des députez pour s’expliquer
plus furement avec le pape. On choifit pour cette négociation
Guillaume de Varelvaft évêque d’Excefter ,
quoiqu’il eût perdu la vûë,parçe qu’il étoit fort connu
du pape, vers lequel il avoit été pluiîeurs fois envoie
dutems de S. Anfelme, & le roi étoit alluré de fon
habileté & de fa fidélité.
x x x i i . Cependant l ’ordre de Cifteaux croilfoit de jour
afr°îl°!ntabbf c» jour. Dès l’année précédente 1114. l ’abbaïe de
Pontigni fa fécondé fille , fut fondée à quatre lieues.
d’Auxerre,dansla terre d’un chanoine de cette églife
nommé HeberE, & Hervé comte de Nevers contrib
u a i cette fondation : on en reconnoît toutefois pour
fondateur Thibaut comte de Champagne,parce qu’il
en fit depuis bâtir l’églife. Le premier abbé de Pontigni
fut Hugues de Mafcon, depuis évêque d’ Auxerre.
Cette année my. furent fondées les deux autres filles
de Cifteaux, Clairvaux & Morimond , toutes deux
dans le diocefe de Langres. Les fondateurs de M o r imond
furent O rri d’Aigremont & Adeline fa femme
feigneur de Choiieul : le premier abbé fe nommoic
Arnold. Vo ilà les quatre premières filles de Cifteaux,.
la Ferté dont, j’ai déjà parlé, Pontigni, Clairvaux &
Morimond : toutes les autres en dépendent, & la
plupart en font forties.
L 1 v R E s o i x a n t e - s i x i e ’m e. *.03
La fondation de Clairvaux mérité d’être rappor- A
tée plus au long. Cette terre fituée fur la riviere ,
d’Aube, fut donnée par Hugues comte deTroyes; &
la maifon établie le vingt-cinquième de Juin my.
C ’étoit auparavant une retraite de voleurs , & le lieu
fe nommoit la vallée d’abfinte, foit à caufe de cette
herbe qui y croifloit abondamment, foit à caufe deja
détreiTe de ceux qui tomboient entre les mains des
voleurs. Etienne abbé de Cifteàux y envoïa de fes
moines, & leur donna pour abbé S. Bernard, quoiqu’il
n’eût que vingt-quatre ans d’age & un an de
profeifion. A u ifi fes confrères s’en étonnoient, &
eraignoient qu’il ne pût foutenir cette charge ; tant
à caufe de fa jeuneiTe, que de la foibleife de la fanté.
Comme Joceran évêque de Langres étoit abfent, vit»
Bernard s’adreifa à l’évêque de Chaalons , Guillaume
de Champeaux,pour recevoir la benedidtion abbatiale,
& l’alla trouver accompagné d’un autre moine.
Quand ils entrèrent dans la maifon de l ’évêque , ce
fut un fpeétacle qui attira le reipeét des uns & la ri-
fée des autres, de voir un jeune homme confumé
d’aufteritez & moribond , & d'ailleurs -méprifable
par fon habit , fuivi d’un autre plus âgé , mais de
grande taille & d’une fanté robufte. On demandoit
lequel étoit l’abbé : mais l ’évêque ne s’y trompa pas.
Il arrêta fes yeux fur Bernard ;& quand il l’eut entretenu
, il reconnut bien- tôt que c’étoit un grand fer-
viteur de Dieu j premièrement par fa modeftie & fa
retenue à parler, & enfuite par fes difeours. De ce
jour ils ne furent qu’un coeur & qu’une ame -, & depuis
ils fe vifiterent fouvent : en forte que Clairvaux
devint la maifon de l’évêque , & Chaalons l’hofpice
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