
A n. 1148. reçut l’intelligence du pfautier, de l’évangile & des
autres Livres de l’ancien ôc du nouveau teftament :
enforte qu’elle en expliquoit le fens, quoiqu’elle ne
pût expliquer les mots grammaticalement, ne fça-
chant ni latin ni grammaire. Après plufieurs années
elle entendit une voix, qui lui-ordonnoit d’écrire ce
qu’elle verroic & ce qu'elle entendroit : mais la pudeur
de Ton fexe & la crainte des difcours du peuple
ôc des jugemens temeraires la retenoit. Toutefois fe
Tentant preiTée intérieurement d’obéïr; ôc ayant été
long-tcms malade, ellé découvrit fa peine à un moine
qui était ion diredeur, ôcjpar lui à fon abbé. L ’abbé
ayant pris confeil des plus fages de.fa communauté,
ôc interrogé Hildegarde, lui ordonna d’écrire)
ce qu’elle fit pour la première fois; & auifi-tôt elle
{e trouva guérie ôc fc leva de ion lit. Cette guérifon
parut à l’abbé fi miraculeufe , qu’il ne voulut pas
s’en tenir à fon jugement : il vint à Mayence faire
le rapport de ce qu’il avoir appris à l’archevêque &
aux principaux de fon clergé, & leur montra les écrits
d’Hildegarde.
C ’eifc ce qui donna lieu à l ’archevêque de conful-
ter le pape, qui voulant s’informer plus exadement
de cette merveille, envoya au monaftere d’Hilde-
*4. garde Albefon évêque de Verdun avec Albert fon
primicier ôc d’autres perfonnes capables, pour apren-
dre d’elle-même,ce que c’étoit, fans bruic ôc fans eu-
riofité. Elle leur répondit avec grande fimplicité; &
après que l’évêque en eut fait fon rapport au pape, le
pape fe fit encore apporter les écrits d’Hildegarde,
ôc les prenant entre fes mains il les lut lui-mêmepubliquement
en préfence de l ’archevêque, des cardi-
L i v r e S o i x a n t e - N e u v iY m e ; 675
naux ôc de tout le clergé: il raconta auifi ce que lui
avoienc rapporté ceux qu’il y ayoit envoyez, ôc tous
les aiïîflans en rendirent grâces à Dieu. S. Bernard
étoic préfent, ôc rendit auifi témoignage de ce qu’il
fçavoit de cette fainte fille; car il l’avoit vifitéecpiand
il alla à Francfort, ôc lui écrivit une lettre , ou il la
félicité de la grâce qu’elle a reçue , ôc l’exhorte à y
être fidelle. Il pria donc le pape, ôc tous les aififtans
le prièrent avec lu i, de publier une fi grande grâce
que Dieu avoit faite de fon tems àl’églite , ôc de la
I confirmer par fon autorité. Le pape fuivit leur con-
I feil, ôc écrivit à Hildegarde, lui recommandant de
i conferver par humilité la grâce qu’elle avoit reçue,
I ôc de déclarer avec prudence ce qu’elle connoîtroit
I en efprit. Il lui permet auifi de s'établir avec fes foeurs
I par la permiifion de fon évêque, au lieu qui lui avoit
I été révélé , ôc d’y vivre en clôture fuivantlaregledc
I faint Benoît. Ce lieu étoit le mont S. Rupert près
I de Bingue fur le R h in , à quatre lieuës au deiTous de
I Mayence, ainfi nommé d'un feigneurqui v ivo it au
neuvième fiecte, Ôc qui efl: honoré c’omme faint le
quinzième de Mai. Hildegarde paifa en ce lieu-là
I avec dix-huit filles nobles quelle avoir attirées par
I fa réputation, ôc en fut la première abbeife.
Le pape Eugene étant de retour en France, vint
| à Clairvaux, où il édifia toute lacommunauté par fon
humilité & fa régularité. Il portoit fur la chair fa
h tunique de laine fans Îergette par deiTous ; ôc ne
quittoit la coulle ni jour ni nuit. Pour garder la bien-
féance on lui portoit des carreaux en broderie, ôc
! fon lit étoit entouré'de pourpre ôc couvert de riches
étofes,- mais par deiTous il n’étoit garni que de paille
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A n . i 148.
BoJl. tom. 1 4 ,
p. 503.
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