
<>4o H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e ,
i i i j . C ’étoit alors un jeune homme de grande taille,
qui avoit les yeux agitez, la voix forte, la barbe longue
, les pieds nuds(, tout l’exterieur négligé : il avoic
déjà une-grande réputation de fainteté & de doctrine.
Arrivant au Mans il envoya devant deux de
fes difciples, qui porcoient comme lui un bâton, au
haut duquel étoit une croix de fe r , & paroiifoient
des penitens. Ils arrivèrent le jour des cendres , l’é-
vêque Hildebert les reçut favorablement ; Sf comme
il partoit pour aller à Rome, il ordonna à fes archidiacres
qu’ils permiffent à Henri d’entrer dans la ville
&c d’y prêcher. Comme il étoit fore éloquent , le
peuple accourut en foule pour l’entendre , joint l’amour
de la nouveauté ; & l’effet de fes fermons fu t ,
que Iç peuple entra en fureur contre les clercs, les regardant
comme des excommuniez , & refufant de
rien vendre à leurs domeftiques.On vouloit abattre
leurs m aifons, piller leurs biens, les lapider eux-mêmes,
ou les pendre : fi les feigneurs ne fe fuffent op-
pofez à la violence du peuple. L’évêque lui-même à
fon retour de Rome , fut mal reçu par ceux que
Henri avoit infatuez ; & ils refuferent avec mépris
fa benediétion. Hildebert le chaffa donc de fon dio-
c e fe , & reçût deux de fes difçiples qui l'abandon-
nerent, ayant reconnu fes erreurs & fes moeurs infâmes.
Ç ’eft ce qui fe paffa dans le dipçefe du
Mans.
Le légat Alberic étant donc envoyé contre ces hérétiques,
prit avec lui Geofroi, évêque de Chartres g
& perfuada auffi à S. Bernard de l’accompagner en
ce voyage, nonobftant fes infirmitez : mais l’églife
de Touloufe l’avoitdéja fouvent prié d’y venir. Il
envoya
> envoya devant une lettre qu’il écrivit à Alfonfe com- An 1 147.
! te de S. Gilles St de Touloufe, dans les terres duquel
étoit Henri ; &c il décrit ainfi lès ravages qu’il y fai-
| foit. Les églifes font fans peuple, le peuple fans prê-
I très, les prêtres méprifez: les églifes ne font plus
I eftiméès des lieux faints, ni les facremens des chofes
Itfacrées, on ne célébré point les fêtes. Les hommes
I [meurent dans leurs péchez fans pénitence & fans
I [communion : on réfufe le baptême aux enfans. Et
I enfuite: Aprenez maintenant quel eft cet homme.
I C’eft un apoftat, qui après avoir été moine , en a
I quitté l’habit & eft retourné auximpuretez du fiecle.
■ N’ofant enfuite demeurer avec fes parens, il eft de-
Bvenu vagabond & mendiant ; & comme il avoit des
■lettres , il s’eft mis à prêcher pour vivre. S’il avoit -
■quelque chofe de refte, il l’employoit au jeu , ou à
■des ufages-plus honteux. Car fouvent après qu’il
■avoit attiré le jour les applaudiflemens du peuple, on
■l’a trouvé la nuit fuivante avec des proftituées, ou
■même des femmes mariées. Informez-vous , mon-
■feigneur, comment il eft forti de Laufanne, du Mans,
■de Poitiers, de Bordeaux. Il n’ofe retourner nulle
■part, tant il eft décrié partout. Ainfi parle faint
■Bernard.
■ En ce voyage de Languedoc il fut par tout reçu „ xxv-,
^ ' 1 • 1 r* . » o. Bernard a ■comme un ange envoyé du ciel, & ht encore plu- Touloufe.
■iîeurs miracles : en forte qu’il fut accablé delà foule w“ uh‘ ll1’
■du peuple, qui demandoit jour & nuit fa benedic-
■tion. Geofroi alors moine & depuis abbé de Clairf
t v aux, le dit expreffément dans la vie du Saint; &
[dans une lettre écrite pendant ce voyage ou il l’ac- vitaiib.ym.
coaipagnoit, il fpécifie plufieurs miracles faits à Ber-' *
I Tome X I V , M m m m
s