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------------- . de quantité de feigneurs vaiTaux de ce prince. Nor-
A n . 1124. bert fçavoit d’ailleurs qu’il étoit très-liberal à faire
l ’aumône, à bâtir des églifes & des monaftercs : qu’il
étoit le proteéleur des orphelins, des veuves , & de
tous les miferables. A in iî il crut que ce feroit aller
contre l’ordre de D ie u , que de tirer ce prince de l’é-
xercice des bonnes oeuvres où il l’avoit appcllé. Quand
le tems de rendre réponfe fut venu, le comte s’atten-
doit qu’il lui confeilleroit de renoncer à tout : mais
le faint homme lui dit : Il n’en fera pas ainfi , vous
porterez le joug du feigneur avec celui de la focieté
conjugale , & votre pofterité poiTedera vos grands
états avec la benedi&ion de vos peres. Le comte fe
fournit ; & par les foins de Norbert il époufa Ma-
thilde fille du duc de Carinthie, dont il eut plufieurs
enfans.
vitaNori.c.ij. Cependant Norbert fut appellé à Anvers pour y
¡p ro fre n°'' établir fon inftitut. Cette ville , quoique dès-lors
grande & bien peuplée , n’avoit quelques années auparavant
qu’un ièul prêtre pour la gouverner quant
au fpirituel, mais ce prêtre étoit fans autorité , parce
qu’il vivoit en concubinage avec fa niece. U n here-
tique nommé Tanchçlme en pçitoccafion défaire de
grands ravages dans ce troupeau abandonné. C ’étoit
un homme très-corrompu, mais fubtil &c artificieux 3
& quoique laïque , plus éloquent que beaucoup de
clercs. Il comptoit pour rien le pape , les évêques &
tout le clergé 3 & difoit que lui & fes fe&ateurs
croient toute l’éghfe. Il fe fervoit pour infinuer fes
erreurs, des femmes qu’il avoit corrompues ; & par
elles il gagnoit les maris. Quand il eut feduit une
grande quantité de peupl#, i l ne fe contenta plus
& d’enfeigner
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d’enfeigner en-cachette , il prêchoit en pleine cam -
pagne avec un appareil roïal r portant de lo r f u r A n . 1114*
fes habits & à fes cheveux cordonnez, environné
de gardes qui portoient devant lui un étendart &
une épée : le peuple infenfé l’écoutoit comme un
ange envoïé du ciel. Il difoit que les églifes étoient
des lieux de proftitution , les facremens des profanations
, fur-tout le faint facrement de l’autel, qui
félon lu i , n’étoit rien , ni d’aucune utilité pour le
falut : il foutenoit que la vertu des facremens dépen-
doit de la fainteté des miniftres. Il défendoit aulfi de
païer les dixmes, & le perfuadoit aifément î en général
il s’attachoit à prêcher ce qu’il jugeoit qui feroit le
mieux reçu , foit par fa nouveauté, foit par la difpo-
fition des auditeurs. Il les attiroit non-feulement par
fon éloquence, mais par la bonne cherej & fe faifoit
fuivre d’environ trois mille hommes armez, prêts
à faire main-baife fur ceux qui vouloient lu i ré--
fifter.
Enflé du fuccès, il pouffa fon audace jufqu a s’attribuer
la divinité : difant qu’il l’avoit àaufli bon titre
<jûe J. C. puifqu’il avoit reçu comme lui la plénitude
du faint Efprit. La féduétion du peuple alloit jufqu’à
boire de l’eau de fon b a in , & la garder comme
•une relique. Il abufoit des filles en préfenee de leurs
meres, & des femmes aux yeux de leurs maris : ce
qu’il appelloit une oeuvre fpirituelle , &c celles qui
n’avoient pas reçu cet honneur s’eftimoient malheu-
reufes. U n jour il s’avifa d’un nouveau moïen de
s’enrichir. Il fit apporter au milieu de la multitude
une image de la Vierge , lui toucha la main , & dit
les paroles de la célébration du mariage : puis i l
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