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premiers au pape Innocent, il demande la légation
& ne l’obtient pas. Il fe fâche, il quitte le pape 6s
pafle au parti de fon compeciteur , il fe vante d’être
l'on légat. S’il ne l’avoit pas demandé auparavant au
premier, ou s’il ne l’a'voit pas enfuite reçu de l’autre
, on pourroit croire que dans fa prévarication il
auroit eu quelque autre vûë, quoique mauvaife : mais
à prefent fon ambition n’a point d’excufe. C ’eft qu’après
avoir long tems paifé pour grand entre les fiens,
il rougit de fe dégrader; & voila cette honte criminelle
dont parle l’écriture, qui fait que celui qui n’elfc
que terre 6s cendre craint non feulement de fe foû-
mettre , mais de ne pas dominer. Déjà ce légat fait à
fon pape de nouveaux évêques chez v o u s , afin qu’il
ne foit pas pape lui feul ; 6s il n’attend pas que les évêques
foient morts pour leur donner des fucceifeurs,
il met de leur vivant des ufurpateurs dans leurs fie-
ges : s’appuyant de la puiifance tirannique des fei-
gneurs, injuftement irritez contre les évêques de
leurs villes.
Eft-ce gratuitement que ce légat agit ainfi pour
fon pape ? il fe vante que ce pape a ajouté â fon ancienne
légation, la France 6s la Bourgogne. Il peut
y joindre s’il veut les Medes 8s les Perfes , 8s tous les
lieux où il mettra le pied, pour fe glorifier au moins
de vains titres. Il ne voit pas qu’il eft la rifée de tous
fes voifins : femblable à un négociant qui marchande
avec plufieurs vendeurs , jufques â ce qu’il ait
trouvé celui qui lui donne ce qu’il defireauplus bas
prix ; il choifit pour pape celui qui veut bien le faire
légat. Ainfi Rome ne pourra avoir de pape à moins
que tu ne fois légat -.d’oii te vient ce privilège dans
L i v r e S o r x a n t e-H u i t i e’ me. 443 — " — -
l ’églife de Dieu ? Tant que tu as eu quelque efperan- A n .u j i .
ce d’obtenir d’innocent la grâce que tu lui demandois
impudemment, il étoit faint 8s pape dans tes lettres :
comment donc i’accufes-tu maintenant d’être fchif-
matique ? fa fainteté 6s fa dignité fe font-elles évanouies
avec ta vaine efperance ? Hier il étoit catholique
ôs fouverain pontife : aujourd’hui c’eft un méchant,
un fchifmatique, unfedirieux. Hierc’étoit le
faint pere Innocent, aujourd’hui c’eft Grégoire diacre
de faint Ange. C ’eft reiTembler à ce juge inique,
qui n avoit ni crainte de Dieu,ni égard pourles hom- ¡.«c.urm.i,
mes.
Saint Bernard dépeint enfuite l’ambition , qui fe
décrie àmefure qu’elle fe découvre, 6s neréüffitque
par le fecours de l’hypocrifie : puis venant au fond de
la queftion du fchifme, il parle ainfi du prétendu
pape Anaclet : Celui-là n’eft-il pas l’homme de péché,
qui après i’éleêiion canoniquement faite par tes
catholiques, aufurpé le lieu faint, non comme faint;
mais comme le plus éminent ? qui l ’a ufurpé, dis-je,
par }e fer & le feu , à force d’argent; fans mérité & fans
vertu , & qui s’y maintient de même. Car l’éleélion
dont il fe vante n’en eft qu’une ombre 8c un pretexte
pour couvrir la malice de fes par ci fans. On peut l’ap-
peller é leftion, mais impudemment 8c fa u fie m en t.
Car la maxime ecélefiafttque eft confiante qu’après
une première éleèfion il ne peut y en avoir une fécondé.
Suppofé donc qu’il eut manqué quelque formalité
a la première, comme prétendent les ennemis
de l’unité: falloir-ri procéder à une autre éleélion,
fans avoir auparavant examiné la première & l avoir
caffé juridiquement ? C ’eft pourquoi ceux-l'à-font les
K k k ij