
— — — * 36 6 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e ^
A n . i u î . jeur *tre favorable. Le prieur Matthieu parla pour
tous les autres 8c fortement. Le pape ayant oüi les
parties, feleva auffi-tôt avec toute la cour Romaine,
8c fe retira à part pour examiner l'affaire. Il demeura
long-tems ; 8c quelques heures après il revint avec
toute fa fuite,repritfon fiége, 8cordonna à l ’évêque
de Porto de prononcer la fentence : ce qu'il fit en ces
termes : La fainte églife Romaine dépofe à perpétuité
de toute dignité Sc fonètion ecclefiaftique , Pons
ufurpateur, facrilége, fchifmatique 8c excommunié;
8c rendClugni, les moines 8c tout ce qui appartient
au monaftere , à l’abbé préfent', à qui ilsavoientété
injuftement ôtez.
La fentence étant prononcée, cei>x qui s’étoient
féparez fe réünirent à l’abbé Pierre , 8c le fchifmefut
éteint en un moment. Pons toujours rebelle, fut enfermé
dans une tour par ordre du pape. Peu de jours
après ils furent tous attaquez, tant les moines que les
ordenc.a.ii. dornefl;iqUeSj d’une maladie dangereufe qui couroit à
Rome; l’abbé Pierre en guérit, mais Pons d’ailleurs
confumé de chagrin , mourut le vingt-huitième de
Décembre; 8c quoiqu’après avoir été plufieurs fois
averti il n’eût pas voulu faire pénitence, le pape ne
laiffa pas de le faire enterrer honnêtement en confi-
dération du monait.ere de Clugni.
xivi. Le prieur Matthieu ne penfoit qu’à s’en revenir,
Z r hieucar- après le jugement de la caufe qu’il avoit fi bien fou-
tenuë : mais le pape Honorius le retint à Rome pour
l’aider dans le gouvernement de l’églife , 8c -le lacra
c. 4. j. évêque d’Albane. Matthieu étoit né de parens nobles
dans la province de Reims , 8c fut d’abord clerc
de l’églife de Laon : où il s’attacha à Raoul le Verd ,
L i v r e S o i x a n t e -Se p t i e ’me . 367
qui y faifoit apparemment fes études, Sc qui étoit
alors tréforier de l’égliie de Reims. Raoul étant devenu
archevêque, Matthieu le fu iv it, 8c fut quelque
tems chanoine de l’églife de Reims , 8c chéri du pré-
la par la conformité de leurs vertus. Mais le jeune
chanoine voyant dans le clergé peu de religion , peu
de fincerité, beaucoup d’ambition, de cupidité 8c de
jaloufie ; réfolut d’embraifer la vie monaftique. il
communiqua fon deflein à l’archevêque, fans toutefois
lui découvrir le fond de fa penfée, de peur qu’il
ne l’en détournât ; 8c lui dit feulement , qu’il craî-
gn o it, fur ce qu’il avoit oüi dire, que fon pere ne lui
eût acheté à fon infçu les bénéfices qu’il poffedoit,
8c qu’il étoit réfolu de quitter. Quoi que lui pût dire
l’archevêque , il demeura ferme 8c prit congé de lui;
8C comme il avoit toûjours oüi ce prélat loüer l’obfer-
vancede C lu g n i, il réfolut de l’embraiTer. Toutefois
il n’alla pas à Clugni même, qui étoit trop loin, mais
à S. Martin des champs près de Paris, où l ’obfervan-
ce étoit parfaitement femblable.
Après fept ans de profeifionil fut faitprieur de ce
monaftere compofé alors de près de trois cens moines,
tant au-dedans, qu’au-dehors; c’eft-à-dire, dans
les prieurez qui en dépendent. Quoique cette mai-
fon fût pauvre, il ne laiftoit pas d’exercer magnifiquement
l’hofpitalité entre les évêques, les abbez,
les feigneurs 8c toutes fortes de perfonnes: auffi étoit-
il fort aimé , particulièrement du roi de France Loüis
Sc du jroid’ Angleterre Henri; 8c il reçut de l’un 8c de
l’autre plufieurs bienfaits. Entre les créanciers du
monaftere, qui étoit endetté , il trouva qu’il y avoit
des Juifs ; de quoi il fit de grands reproches aux