
-------------- CqG, H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
A n. î i 4j . pontificales avec toute l'autorité neceffaire. Quels
penfez-vous que foient maintenant les ientimens
q’un homme, que l’on arrache tout d’un coup du
fecretde la contemplation Scde la lolitude du coeur,
comme un enfant du foin de ia mere : pour le produire
en public & le mener comme une viétime à
des occupations nouvelles & defagreables î Helas :
fi la main de Dieu ne le foutient, il faut qu’il fuc-
combe fous ce fardeau, formidable aux anges même.
S. Bernard conclut en exhortant ‘ les cardinaux
à conferver leur ouvrage , Se affilier le nouveau pape
de leurs confeils.
Il n’écrivit pas fi-tôt au pape même , s’attendant
qu’il lui écriroit le premier, Se lui envo y co i t quel-
ip.ii.s.Bica. qu’un lui apprendre les circonftances de fa promotion.
Enfin preifé par fes amis, il lui écrivit à l’occa-
fion del'archevêque d’Yorc. En cette lettre il lui dit :
Mon fils Bernard , par un changement heureux eft
devenu mon pere Eugene : il refte que ce change-
mentpaife auifi à l ’églifevotre époufe,qu’elle chan-
geen mieux; 8c que vous ne la regardiez pas comme
étant à vous, mais vous comme étant à elle, &
comme étant obligé à donner, s’il eft befoin , votre
vie même pour elle. Si J. C. vous a envoyé , vous
croirez être venu, non pour être fervi , mais pour
fervir, Sc il y a d’autant plus de fujet de l’efperer,
que vous aviez déjaappris à n’être plus à vous-même.
L’églife a donc raifon de fe réjouir , puifqu’elle
attend plus de vous que d'aucun de ceux qui vous
ont précédé depuis long-tems ; & je m’en rejoins auf-
f i , mais avec crainte, confiderant le péril d’une di-
gnifé fi éminente,
L i v r e S o i x a n t e - N e ü v i e ’m e , e o y
Il vient enfuite à l’affaire d’Yorc,dont il avoit écrit
deux ans auparavant au pape Celeftin 8c aux prélats
de la cour de Rome : fe plaignant qu’au lieu d’execu-
ter le jugement du pape Innocent , on écoutoiten-
core Guillaume intrus dans ce fiege , à la honte de
l’églife Romaine. Dans la lettre au pape Eugene il
ajoute : Puiffai-je avant quedemourir, voir l’églife
cotnrtie en fes premiers jours : quand les apôtres
étendoient leurs filets, non pour prendre de l’or ou
de l’argent , mais pour prendre des ames ! Que je
fouhaite que vous difiez comme celui dont vous
rempliffez la chaire : Ton argent periffe avec toi i
Parole magnifique, parole foudroyante, capable de
confondre tous les ennemis de Sion. C ’eft: ce que
l’églife attend de vous : vous êtes établi fur les nations
& les royaumes, pour'arracher 8c détruire j
édifier 8c planter. A la nouvelle de votre promotion,
plufieursontdit eux-mêmes : La cognée eft maintenant
à la racine des arbres, le tems détailler la v i gne
eft venu. Prenez donc courage, faites fentirvotre
pouvoir à vos ennemis: mais fouvenez-vous toû-
jours que vous êtes homme. Penfez combien de pa-,
pes vous avez vu mourir à vos yeux; 5c fouvenez-
vous que comme vous occupez leur fiege, vous les
fuivrez bien-tôt dans le tombeau. Cettelettrefut fui-
vie de près de deux autres, touchant la même affaire
de l’archevêque d’Yorc. Dans la première S. Bernard
dit : Je fuis importun , mais j ’ai une bonne ex-
eufe. On dit que c’eft moi qui fuis pape 5c non pas
vous : ceux qui ont des affaires viennent fondre fur
moi de toutes parts, Ôc dans cette multitude d’amis ,
il y en a à qui je ne puis en confidence refufer mes
A n. n 44.
ef.iij.ij S.
III«Z©a
Jerem. i*