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i ciples de Bafile, principalement fes douze apôtres, &
A n . : i i i i . s’efforça de les convertir, mais inutilement-, feulement
on trouva que le mal s’étendoit loin , &c qu’il avoit
p. 41. gagné de grandes maifons SC beaucoup de peuple..
Enfin l’empereur les condamna tous au feu.
Mais entre ceux qui avoient été pris comme Bo-
gomiles, un grand nombre nioient qu’ils le fuffent „
& déteftoient cette heréfie : c’eft pourquoi l’empereur
qui connoiffoit leur diffimuîatioH , s’avifa d’un
ftratagême , pour difcerner les vrais catholiques. It
s’affit fur fon trône en public accompagné du fenat,
du clergé & des moines les plus ef t imezpui s il fit
amener tous ceux que l’on accufoit d’être Bogomiles,.
& dit : Il faut allumer aujourd’hui deux fournaifes r
devant l’une on plantera une croix , de celle là fera
pour ceux qui fe prétendent catholiques ; car il vaut
mieux quils meurent innocens, que de vivre avec la
réputation d’héretiques& caufer du fcandale-: L’autre
fournaiiè fera pour ceux qui fe confeffent Bogomiles É
allez donc chacun à la votre. L’empereur parloit
ainfi , parce qu’il fçavoit que les Bogomiles avoient
la croix en horreur. Les deux fournaifes furent allumées;
& il accourut un grand peuple ace fpeétacle..
Les accufez croïant qu’il n’y avoit pas moien d’échapper,
prirent chacun leur parti, Sc le peuple mur-
muroit contre l’empereur , dont il ne connoiffoit pas-
l ’intention. Mais on arrêta par fon ordre tous ceux-
qui fe préfentoient à la fournaife de la croix , & il
îesrenvoïa avec beaucoup de louanges. Il fit mettre-
en prifon les autres, Sc les apôtres de Bafile feparé—
ment : chaque jour il en faifoit venir quelques-uns.
pour les inftruire, foit par lui-même, foit par des ec-,
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clefiaftiques choifis. Il y en eut qui fe convertirent,
ôc furent mis en liberté ; d’autres moururent en prifon A
dans leur heréfie.
Bafile comme beréfiarque impénitent, fut jugé
digne du feu par le clergé, les moines choifis, &c
le patriarche même. L’empereur y confentk,ôc après
lui avoir encore parlé plufieurs fois inutilement, il
fit allumer un grand bûcher au milieu de l’hipo-
drome : on planta une croix de l’autre côté , & on
donna le choix à Bafile de s’approcher de l ’un ou de
l ’autre. Quand on l’eut amené , voïant le bûcher de
loin il s’en mocquoit, Sc difoit que des anges l’en re-
tireroient; citant ces paroles du pfeaurne : Il n’appro- ?/•
chera pas de roi ; feulement tu le verras de tes yeux.
Mais quand il vit de plus près cette flamme horrible
s’élever aulîi haut que la pyramide de l’hipodrome ;
& quand ilfentit la chaleur, il regarda plufieurs fois
en arriéré , battit des mains Sc fe frappa la cuiffe ,
commedtonné Ôc éperdu , fans toutefois revenir de
fon endurciffement. Il regardoit tantôt le bûcher,
tantôt les afiiffans , fans avancer ni reculer, Ôc fem-
bloit avoir perdu le fens. Alors les bourreaux craignant
que peut-être les démons ne l’enlevaffent par
la permiflïon divine , voulurent faire une épreuve.
Et comme il continuoit de fe vanter qu’il fortiroit
du feu fain ôc fa u f , ils y jetterentfon manteau. Ne
voïez vous pas, leur d it-il, comme mon manteau
s’envole en l’air ? A ces mots ils le prirent lui-même
tout vêtu & le jerterent au milieu du feu , où il fut
tellement confumé, que l’on ne fentit aucune odeur ;
& on ne vit point de fumée nouvelle, finon comme
un petit trait. Le peuple vouloit jetter dans le même