
i$6 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
1,1 1 Sigeberg près de Cologne avec l’abbé Gonon depuis
A n . iii8. évêque de Ratiibonne, attendant le tems de fe déclarer
; & comme il étoit encore peu inftruit dans les
voies de Dieu , il réfolut en quittant le monde de
prendre les ordres, croïant faire plus de fruit. Ain ii
le tems de l’ordination étant venu , il alla avec un
pieux empreffement trouver Frideric archevêque de
Cologne , le priant de l’ordonner avec les autres.
L ’archevêque lurpris qu’il demandât de lui-même ce
qu’il avoit fouvent refufé quand on lui offrait, le lui
promit avec joïe. Norbert ajouta : Je defire d’être
ordonné en même tems diacre & prêtre. L ’archevêque
encore plus é ton n é , lui demanda la caufe d’un iî
foudain changement ; 8c le preffa tellement que fe
jettant à fes pieds, il lui demanda avec larmes l’abfo-
lution de fes pechez & l’aïant obtenue lui déclarafon
deilein. L ’archevêque touché de l’amitié qu’il portoit
à Norbert, & perfuadé qu’il y avoit quelque infpi-
ration divine dans un changement fi extraordinaire,
crut devoir en cette occafion fe difpenfer de la réglé,
qui ne permettoit pas de donnerces deux ordres tout
à la fois.
L’heure de l’office étant venue on rangea les autres
ordinans revêtus d’aubes fuivant la coutume ; 8c
Norbert iè préfenta au milieu du peuple , d’autant
plus attentif à le regarder qu’il étoit plus connu.
Quand le facriftain lui préfenta les ornemens dont
il devoit fe revêtir , il étendit la main vers un de fes
domeftiques dont il reçut une pelice de peau d’agneau
qu’il avoit fait apporter exprès , & s’étant dé-1
pouillé d’un habillement très-riche qu’il portoit, il
| | revêtit de celui-ci, qui félon l’ufage du tems 8c du
païsf
L i v r e s o i x a n t e - s i x i e ’me 1/7
pais etoit très méprifable : enfuite il tendit l’autre
main au facriftain 8c reçut les ornemens.
Après fon ordination il retourna au monaftere de
Sigcbert, ou il demeura fix femaines pour y apprendre
l’exercice de fes fondions & fe formera la pieté -
puis il revint chez lui à Senten ; & parce qu’il en étoit
chanoine , le doien & fes confrères le prièrent comme
nouveau prêtre de celebrer lagrand’meiTe. Il l’accepta,
& après l’evangile il fit un fermon, oùilparla
avec un zele merveilleux fur la vanité du monde, la
brievete de la vie & l’impoffibilité d’y être heureux :
appuiant fortement fur les défauts qu’il connoiifoit
dans les chanoines fes confrères, fans toutefois en
defigner aucun en particulier. Le lendemain quand
ils furent au chapitre il prit le livre de la réglé , 8c
s adreifant au doïen, il lui montra par les paroles de
faint Grégoire 8c de faint Ifidore, qu’il devoit rappel-
1er les autres au droit chemin.
C etoit apparemment la réglé d’Aix-la-Chapelle
tiree entr autres de ces lieux iaints. Les anciens chanoines
ecoutoient Norbert paifiblement, voïant qu’il
avoit raifon : mais les jeunes murmuroient & s’en
mocquoient, lui gardant toutefois encore quelque
refped extérieur. Le jour fuivant il les proclama en
plein chapitre , marquant leurs fautes en particulier
ÿvec les circonftances; 8c comme il continua pendant
plufieurs jours, il leur devint infupprtable : en forte
qu ils exciterent contre lui un clerc de baffe naiffance
$c meprifable en toutes maniérés, qui le chargea d’injures
8c lui cracha au vifage. Norbert s’effuïa Amplement,
imputant cet affront à fes pechez ; & toutefois
felui qui 1 avoit infulté étoit te l} que s’il l’avoit fait
Tome X IV , K k
A n . itj8.
Sup. liv . '%XSÀ
n. ij.