
180 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
fInguliercmentmodcfte.il demandoit à Dieu de con-
. ferver fa jeuneffedans la pureté, & étudioit les lettres:
humaines pour lu i fervir à l’intelligence des faintes,
écritures.
Il étoit encore enfant quand un violent mal de tête
l ’obligea à garder le lit : on lui fît venir une femme
qui prétendit le guérir par des charmes j mais iï-tôc
qu’il s’enapperçut,il la repouffa avec de grands c ris ,
qui marquoient fon indigation, & auffi-tôt il fe leva
parfaitement guéri. Il n’avoit gueres que quatorze
ans quand il perdit fa mere , qui mourut faintement
comme elle avoit vécu. Bernard commença dès lors,
a ctre maître de fa conduite j & comme il avoit toutes
les grâces extérieures du corps avec un efprit excellent
8c un grand talent pour la parole , on le rc-
gardoit comme un jeunehomme de grande efperan-
ce .T o u tlu irio ità fo n entrée dansIemonde;& quelque
chemin qu il iu iv it, il n y avoit aucun avantage
qu’il ne femblâtfc pouvoir promettre. Il étoit alïiegé
d amis dangereux qui cherchoient à le corrompre
comme eux : mais il eut toujours un attrait particulier
pour la pureté. Aïant un jour arrêté k s yeux
quelque tems fur une femme avec trop de curiofité^
i l en eut une telle confufion, qu il fe jetta dans un
étang glacé qui fe trouva proche, & y demeura juf-
ques au cou affezlong-tcmspour être pénétré de froid..
Il réfifta en deux occafions différentes aux plus v io lentes
& plus preffantes tentations, où la chafteté:
d’un jeune homme puiffe être expofée.
Ces périls dont il trouvoit le mondé rem pli, le
firent penfer ferieufement à chercher une retraite, &c
i l n en trouva point de plus sûre que le nouveau mo»
L i v r e s o i x a n t e -s i x i e ’m e .. i 8j
naftere de Cifteaux. Ses freres 8c fes amis s’en étant —
apperçûs, firent tous leurs efforts pour l’attacher au A u . u u .
monde p a ri’étude des fciences profanes, & il penfa
donner dans ce piege. Mais le fouvenir de fa mere le
ramena, & il s’imaginoit la voir , qui lu i reproehoit
qu’elle ne l’avoit pas élevé avec tant de foin pour un
amufement fi frivole. Enfin il s’affermit dans fa ré-
folution en priant avec larmes dans une églife ; 8c
dès lors il travailla même à gagner les autres. Il commença
par fes freres, biffant feulement le dernier
encore trop jeune & neceffaire à la confolation du
pere qui étoit avancé en âge : enfuite il s’adreffa à fes
autres parens 8c à fes amis , où il v it quelque efpe-
rance de converfion.
Le premier qu’il perfuada fut fon oncle Gaudri s B
feigneur deToüillon en Auftunois , puiffant dans le tic plufieurs com-
monde, & renommé par fa valeur : enfuite Barthele- pas"en5‘
mi le pénultième des freres de Bernard qui n’étoit pas
encore chevalier. Ces deux fe rendirent d’abord fans
réfiftance. André plus jeune que Bernard, & nouvellement
armé chevalier, étoit plus difficile à perfua-
der, quand il s’écria tout d’un coup: Je voima mere,
& donna les mains. Gui l’aîné des fix freres étoit
déjà marié, homme puiffant & plus engagé dans le
monde que les autres. Ilhéfitaun peu d’abord ; mais
enfuite y aïant fait reflexion, il promit d’embraffer ■»
la vie monaftique, fi fa femme y confèntoit : ce qui
ne fembloit pas être à efperer d’une jeune dame qui
avoit de petites filles qu’elle nourriffoit. Bernard promit
qu’elle confcntiroit,ou qu’elle mourrait bien-tôtj, i
& comme elle continuoit de réfifter, fon mari réfo-
lu t , fans la quitter, de mener une vie pauvre à la
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