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îo6 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
' tions & les affronts, ne comptant pour rien tout ce
qui leur manquoit, pourvû qu’ils laiffaffent à leurs
fucceffeurs la fubfiftance neceffaire fans préjudice
de la pauvreté. A u premier afpeét en defcendant la
montagne pour entrer à Clairvaux , on voïoit que
Dieu habitoit en cette maifon,par la fimplicité & la
pauvreté des bâtimens. En cette vallée pleine d’hommes
, dont chacun étoit occupé au travail qui lu i
étoit prefcrit, on trou voit au milieu du jour le filence
du milieu de la n u it , excepté le bruit du travail, ou
les louanges de Dieu , quand les moines chantoienc
l ’office. Ce filence imprimoit un tel refpeft aux fecu-
liers , qu’ils n’ofoient eux-mêmes tenir en ce lieu
aucun difcours, non feulement mauvais ou inutile ,
mais qui ne fût à propos. Les moines ne laiffoicnt
pas d’être iolitaires dans leur multitude , parce que
l ’unité d’efprit & la loi du filence confervoit à chacun
la folitude du coeur.
A peine pouvoient-ils par un rude travail tirer
leur nourriture de cette terre fterile , & elle n’avoir
gueres d’autre goût que celui que la faim ou l’amour
de Dieu leur donnoit: encore trouvoient-ils que c’é-
toit trop , & leur première ferveur leur faifoit regarder
comme un poifon tout ce qui caufoit quelque
plaifir en mangeant. Car étant arrivez par les foins
de l’abbé à fouffrir, non feulement fans murmure j
mais avec joie , ce qui auparavant leur eût paru in -
fupportable :ce plaifir même leur caufoit du fcrupu-
le , d’autant plus dangereux qu’il paroiffoit plus fpi-
rituel -, & pour les en délivrer , l’autorité de l’évêque
de Chaalons fut neceffaire. C ’eft ainfi que Guillaume
de S. Thierri témoin oculaire, reprefente ce qu’il
L i v r e s o i x a n t e - s i x i e ’me . 3.07
appelle le fiecle d’or de Cifteaux.
Sur la fin de l’année , c’eft-à-dire, le vingt-troi-
fiéme de Décembre, mourut Yves de Chartres,
après avoir gouverné cette églife vingt-trois ans, &
il fut enterré à S. Jean en Vallée. Outre fon décret
dont j’ai parlé , on lui attribue un autre recueil de
canons nommé Panormie , dont il n’eft pas fi certain
qu’il foit l’auteur : nous avons auffi de, lui vingt-
quatre fermons ; mais les plus précieux de fes ouvrages
font fes lettres, qui contiennent plufieurs faits
importans , & plufieurs décidons fur des points de
difeipline ecclefiaftique. Il nous en refte deux cens
quatre-vingt-huit ; Si outre ce que j’en ai rapporté ,
j’y remarque encore ce qui fuir. Il parle ainfi au pape
Pafcal contre l ’abus des appellations : Je vous fup-
plie de ne pas écouter des gens intereffez & mal in-
tentionnez, pourrenouveller une affaire décidée, &
de ne plus permettre que ma vieilleiïc foit fatiguée
par la licence impunie des appellations fuperfluës.
Car l’oppofition que nous trouvons dans la puiffancc
fuperieurc affoiblit notre autorité , parce que nous
n’ofons exercer la difeipline ecclefiaftique contre
ceux qui s’adreffent à vous non par confiance en la
juftice de leur caufe , mais pour en éloigner le jugement.
Si j’étois encore dans la vigueur de ma jeu-
neffe pour traverfer les Alpes, & me prefenter à
vous avec mes délateurs, j’arrêterois fans foute lés
murmures de ceux qui ne fçavent pas la différence de
la charité & de la cupidité. Si donc vous n’apportez
quelque tempérament à ces inconyeniens, & fi vous
m’expofez à la vexation des vieillards corrompus Si
des jeunes libertins, qui a. peine méritent de confer-
A N. u n .
xxxm.
Fin d’Yyes &
Charries.
Tejlim. apud*
Iv r e t.
Sup. liv . ixiy»
». x.
V. Cave Sac. Hil~
M r . f . 457•
epifl.