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--------------■& rendit grâces à Dieu de vouloir bien fe fervir de
A n . 1114. fonminiftere pour Une telle éntreprife. Il prit le con-
feil de (on clergé , & envoia à Rome pour obtenir
la permiffion & la benediétion du pape Callifte -, &
l ’aïant reçue , il communiqua l’affaire à l’empereur
& aux feigneürs , dans une diete qui fe tint à Bam-
*i Vrfptrf. m. berg au mois de M ay 1114. La cour &i toute l’affem-
blée y confentit avec joie : il n’y eût que l’églife de
Bamberg qui pleura fon prélat j comme s’il eût deja .
été mort. Il le prépara donc au voïage. Or il fçavoit
qu’en Pomeranie il n’y avoit point de pauvres, &
qu’ils y étoient fortméprifez ; en forte que quelques
ferviteurs de Dieu y étant entrez en cet état, n’a-
voient pas été écoutez , parce qu’on les regardoit
•comme des miferables qui ne cherchoient qu’à fou-
lager leur indigence. Cette confideration fit qu’Ot-
•ton crut devoir paroître en ce pais, non-feulement
comme n’étant pas-pauvre , mais comme riche: pour
montrer aux barbares qu’il ne cherchoit pas à profiter
de leurs biens, mais à gagner leurs ames à Dieu.
I l prit donc avec lu i des ecclefiaftiques capables avec
des provifions fuffifantes pour le voïage : il prit des
meffels & d’aUtres li vres, des calices, des ornemens &
tout ce qûiétoit neceffaire pour le fervice de l ’autel,
-& qu’il fçavoit bien qu’on ne trouveroit pas chez des
païens : il prit des robes, des étofes précieufcs &
•d’autres préfens convenables pour les principaux de
la nation.
*«*• Après ces préparatifs il partit le lendemain de faint
<3eorge vingt-quatrième d’A v r il i n j . & aïant cra-
verfé la Boheme, il entra en Pologne & arriva à
Gnefne, qui en étoit alors la capitale. Il fut reçu par
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tout avec les procédions comme un homme apofto-
lique, & le duc de Pologne avec tous les grands vinrent
nuds pieds au-devant de lui à deux cent pas de
la ville. Le duc le retint une femaine , & lui donna
pour l’accompagner des hommes qui fçavoient les
deux langues, la Polonoife & la Teutonique , trois
de fes chapelains & un capitaine nommé Paulicius ,
capable de l’aider même dans la prédication. Après
avoir traverfé à grande peine pendant fix jours une
forêt immenfe , ils s’arrêtèrent fur le bord d’une r ivière
qui féparoit la Pologne de la Pomeranie : dont
le duc averti de leur venue , étoit campé de l’autre
côté avec cinq cent hommes. Il paffa la riviere avec
peu de fuite &c vint faluer l’évêque , plus par fe?
geftes que par fes paroles , & ils demeurèrent long-
teras embraffez : car ce prince étoit chrétien , mais
encore caché par la crainte des païens. Pendant
qu’ils s’entretenoient à part avec Paulicius qui leur
fer voit d’interprete,les barbares qui accompagnoicnt
le duc , voïant les clercs étonnez , prenoient plaifîr
à augmenter leur crainte : tirant des couteaux pointus
dont ils feignoient de les vouloir écorcher, ou
du moins couper leurs couronnes , ou de les enterrer
jufqu a la tête, & Les tourmenter de plufieurs autres
maniérés 5 en forte que ces pauvres ecclefiaftiques
fe préparoient au martyre. Mais le duc les raffina
bien-tôt , en leur faifant entendre que lui
& tous ceux qui étoient là étoient chrétiens ; &c
cette vaine fraïeur fe tourna de part & d’autre
•eu rifée. L ’évêque fit des préfens au duc , qui ordonna
de le recevoir par toutes les terres de fon
obéiilance , & lui fournit toutes chofes abondam-
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