
V.
Le pape accorde
Eps mveilitures.
lyjti H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
avec Honneur par les feigneurs Allemans, à la tête
defquels étoit Ulric patriarche d’Aquilée.' Conrad
archevêque de Salsbourg defaprouva ouvertement
la capture du pape ; ce qui lui attira la difgrace du
roi j & une telle perfecution , qu’il fut obligé de fuir
pendant plufieurs années & fe cacher emdivers lieux.
Cependant l’évêque de Tufculum ne ceifoit point
d’écrire des lettres de tous cô te z , pour exciter les
fideles à fecourir l’églife. Quoique le roi pillât les
terres des Romains, & s’efforçât de les gagner eux-
mêmes par argent & par divers artifices, ils demeurèrent
toujours fideles au pape ; & le roi ne fçaehant
quel parti prendre, jura que fi le pape ne fe rendoit
à fa volonté,il lui feroit fouffrir à lui & aux autres
prifonniers la m o rt, ou du moins la mutilation des
membres. Enfin il convint de les délivrer tous, pourvu
que le pape lui relâchât les inveftitures : affurant
qu’il ne prétendoit donner ni les droits ni les fonctions
de l’çglife,mais feulement les régales, c’eft-à-
dire les domaines & les droits dépendans de la couronne.
Le pape réfifta long-tems , difant qu’il aimoit
mieux perdre la vie que de donner atteinte aux droits
de l’églife. Mais on lui reprefenta la mifere des prifonniers
qui étoient aux fers, hors de leur patrie,
féparez de leurs femmes & de leurs enfans, la d é f la tion
de l’églife Romaine, qui avoit perdu prefque
tous fes cardinaux, le péril du fchifme dont toute
l ’églife Latine étoit menacée. Enfin le pape vaincu
par leurs litm e s , & fondant en larmes lui-même ,
dit : Je fuis donç contraint de faire pour la paix &C
la liberté de l ’églifç, ce que j’aurois voulu éviter aux
dépens
L i v r e s o t x a x t e -s i x i e ’m e . 137
dépens de mon fang. On drelfa le traité portant que
le pape accordera les inveftitures à l’empereur 8c lui
en donnera fes lettres, puis on ajoutoit- : Le pape
n’inquietera point le roi Henri pour ce fujet, ni pour
l’injure qui lui a été faite à lui ou aux liens, 8c ne
prononcera jamais d’ânathême contre le roi : il ne
fera point en demeure de le couronner, & l’aidera
de bonne foi à conferver fon roïaume 8c fon empire.
Cette promelfe fut fouferite par feize cardinaux,dont
les deux peemiers étoient les évêques de Porto & de
Sabine.
La promelfe de l’empereur portoit: Je mettrai en
liberté mercredi ou jeudi prochain le pape Pafcal,
les évêques, les cardinaux , tous les prifonniers 8c les
otages qui ont été pris pour lui 8c avec lui. Jenèpren-
drai plus ceux qui font fideles au pape, & je garderai
au peuplé Romain la paix 8c la fûreté. Je rendrai
les patrimoines & les domaines de l ’églife Romaine
que j ai pris, je l’aiderai de bonne foi à recouvrer 8c
polfeder tout ce qu elle doit a voir, 8c j’obéïrai au pape
Pafcal, fauf l’honneur du roïaume 8c de l’empire,
comnie les empereurs catholiques ont obéïaux papes
catholiques. Cette promefie fut jurée par quatre évêques
8c fept cojirtes , & dattée du mardi après l’o d a -
ves de Pâques onzième d’Avril, indiétion quatrième
qui eft l’an u n .
Avant que de délivrer le pape,l’empereur voulut
avoir la bulle touchant les inveftitures, fans attendre
qu il fut rentre dans R ome, ou fon fceau étoit demeure.
Le lendemain donc on fit venir de la ville unferi-
niaire ou fecretaire, qui écrivit cette bulle pendant la
nuit; 8c le pape y fouferivit, quoique bien à regret.
Tome X IV . " ‘ ' 5 *