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lui 'donne environ 35 lieues.de circuit ; mais elle
n eft pas peuplée en proportion de fa grandeur,
quoique plufieurs Caraïbes y vivent encore difperfé_s.
L a J a m a ïq u e eft une des plus importantes
colonies qu aient les Anglais, au nouveau monde.
Cette ifle eft fituée entre les deux Tropiques aux
ii7 e & 18« degrés,, ayant Tifle de Cuba au fud &
Saint Domingue à Toueft. Dans un circuit de 100
lieues dé France qua la Jamaïque , on trouve une
infinité de baies & de ports excellens. Les Anglois
l’ont enlevée aux Efpagnols & en font reliés tranquilles
poftefTeurs depuis 165 5 ; ils y font au nom-
'bre.de 3,0000', .fans compter une'rnultitude ,d’ef-
claves nègres/ Santiago de la Vegq , que lès An-
glois appellent Spanish-Town , çft la capitale de
rifle j qn. y compte^ environ 800, mâifo-ns. Elle eft
tres-bien peuplée ^avantage, qu elle doit en o-rande
partie à Ta proximité de la mer dont elle n’eft
diftante que de quelques milles. Port - Royal &
dtingftqp font enfuite les deux villes les plus ccn-
•fidérablès de lTfle ; les autres font peu., de chofe.
Le fucre dont la ..qualité eft excellente., le cocon,
le gingembre , la graine dè bois d’inde , le poivre
ou piment & les cuirs de la Jamaïque forment le
principal commerce de cette' ifle. On en tire auflî
du- bois pour la teinture , des.drogues pour la médecine
& d’autres objets commerçâmes. J.l s’expédie
tous les ans de la Jamaïque pour l’Europe 4 à 500
navires du port,d’environ 100 tonneaux chacun.
L es B e rm u d e s , que les Anglois nomment
Summers-,.fonft de£ ifles fituées entre les 31e & 32e :
degrés de latitude : feptentrionale à la fortie du. détroit
de Bahama. La ville de St. Geo-rpc bâtie 1
dans la plus grande de ces ifles appellée- aufll St.
George., èft une *des.-plus fortes & des mieux
construites qui fe voient dans les colonies An-
gloilès def l’Amérique. Le bois de conftrudion , uij
peu- de tabac / d’exeellen-s fruits , des tlimons &
des orangés , font; les productions principales des
Bermudes, . '
Les ifles L uca ÿ è s ' ou de Bahama , font au
nombre'de 4 à 500-3 Bahama , la Providence &
Lucaye où Lucayonnette en font les principales.
La fituation de ces ifles dans le voifînage de St.
Domingue & dé la Havane, fàvorife beaucoup le
commerce clandeftin des Anglois dans ces deux
Jftes. C’èft le feul avantage qu’elles procurent à la
nation.-
L ifle de* T e r r e -n e u v e eft fïtuéè par les 4 6 8c
53 dégres de latitude nord , vis-à-vis du Golfe de
St. Laurent ; elle neft féparée du Continent que
par un tres-petît détroir qu’on nomme paffage du
nordi on lu i donne environ' 300 îrèûes dè tbur.
Tout le commerce de l’ifle'confifte en poiffon fec
les habitans fe fouciant peu de cultiver une terre
ingrate qu’iisTôîghéroient inutilement ;mâis quand
le fol de Terre-neuve fèroit atrffi fertile que Èeft
celui du Canada , il eft vmifembîable qu’ils préfé-
iéroient encore la pêché de la morue aux travaux
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de l’agriculture. La préparation de la morue feche
occupe les habitans pendant prefque toute l’année
afin que les navires marchands trouvent leur charge
en arrivant, & qu’ils ne foient pas obligés de faire
une paufe de trois à quatre mois , comme ceux qui
viennent pour faire là pêche eux-mêmes; La pêche
pour la morue , qu’on nomme morue fich e , fe fait
a deux lieues des côtes ; les habitans & les navires
y envoient tous les jours leurs chaloupes qui en
reviennent toutes pleines. En abordant, les pêcheurs
jettent leur poiffon fur la grève. Là le décoleur 9
armé d’un couteau pointu & à deux tranchans ,
coupe la tête de la morue & lui fend le ventre pour
la vuideri Un autre homme , qu’on nomme le
trancheur , la prend dans cet état , & avec un
couteau à un feul tranchant, long de ftx pouces,
large de- * 18 lignes & fort épais du côté du '■ dos
pour en augmenter le poids , en détache avec dextérité
l’arrête, à‘prendre depuisTes deux tiers du
côté de la tête jufqu’à la queue. Le faleur la reçoit
de fes mains & la porte tout .de.fuite dans un tonneau
où il la met la peau en defFoiis ; il la fauppüdre
enfuite de. f e l, mais très-légèrement , ayant foin à
mefure qu’il met les mordes dans le tonneau de les
arranger couche par couche. Ce poiffon refte dans le
fel 3 a 4 jours , quelquefois jufqu’à huit & même au-
delà , félon le ’temps'; après quoi on le met dans un
endroit qu’on nomme le lavoir, 8c on le lave bien 5
enfuite on en fait des piles qu’on appelle pâte ou.
arime. Quatid il fait beau on l’étend d’abord îa
peau en-défions fur des elpéces de claies qu’on
appelle vigneaux, élevées de terre d’environ deux
pieds, ou fur des pierres appellées graves. Avant la
nuit on le tourne la peau en haut , 8c on en ule
ainfi toutes les fois qu’il tombe de la pluie. Quand
la morue eft tant foit peu lèche , on la met par paquets
de 5 à 6 , & on continue de l’étendre jufqu’à
ce quelle foit'à demi lèche, toujours avec la précaution
de lui tenir la peau en dehors durant la nuit
8c dans le mauvais temps. Cette opération dure plus
ou moins félon le beau ouïe mauvais temps. Quand
la morue eft à demi-feche on en fait des piles en
rond de 12 à 15 pieds de h au t, & on là laiffe ainfi
pendant quelques jours ; après quoi on la remet
encore à Pair , & quand elle eft prefque feche on
la met en ras 8c on la laiffe fuer ; on la change
erifuité pour la ‘dernière fois de place ; on appelle
cette dernière' opération récapiler., Enfin , cette,
morue" aitffi apprêtée eft ordinairement bonne &
appériflànte,plus ou moins cependant , félon le
temps qu’on; à e u , .& l’habileté du maître de. grave*
La morue que l’on prépare au printems & avant1
lés grandes chaleurs, eft communément la plus belle,
dé là meilleure' qualité & îa plus brumée, fur-tout
uand elle n’a' ni trop ni trop peu de fel. Le trop
ê fel la rend plus blanche , mais fujette à fe rompre
8c â paroître gluante dans les mauvais temps. Au
jreftê, le tingard, qui , dit-on, eft le mâle de la
morue, eft meilleur & plus délicat que l’efpèce en
général. L a "morue qu’on pêche pendant l’automne.
A N G
eno&obre, novembre & décembre, & quelquefois
en janvier, refte dans le fel jufqu’à la fin de mars
ou au Commencement d’avril. On la lave alors & on
y fait les opérations ci-devant décrites. Sans etre
plus falée que l’autre , elle eft moins eftimée, ce
•qui eft un indice certain que cette forte de poiffon
ne peut être parfaitement apprêtée, qu’au tant que
la préparation s’en eft faite dans un temps Convenable
& promptement. Il eft eflentiel auflî d’avoir de bon
Tel pour l’apprêt de la' morue : le fel dont fe fervent
les Anglois étant minéral * & par conféquent cor-
rofîf, lui donne un goût acre ; c’eft la raifon pourquoi
leur morue n’eft ni fi bonne ni fi eftimée que
la morue préparée par les François : cependant
■comme ils font maîtres des grèves 8c des etabiiffèmens
de Terre-neuve y 8c qu’ils peuvent donner leur poiffon
à meilleur marché que les François , ils -en vendent
plus qu’eux aux Efpagnols, aux Italiens & dans les
ifles de l’Amérique.
' Outre-cette pêche que les FJabitans de Terre-
neuve font fur leurs propres côtes, & qu’on appelle
par cette raifon pêche fédentaire Y il s’en fait une
autre très-confidérable p.tr les navires qui viennent
d’Europe, & de divers lieux de l’Amérique feptentrionale
, fur les bancs de Terre-neuve , -dans la
faifon la plus convenable pour cette pêche : on
l’appelle pêche errante ; elle fe fait ordinairement
proche le grand banc , où la morue fe pêche en
plus grande quantité que par-tout ailleurs. Ce fameux
banc n’eft pas un fable mouvant comme quantité
d’autres* bancs ; c’eft un terrein ferme, pierreux,
mêlé de fable & de gravier qui s’élève du milieu de
la mer, & qui a plus de 200 milles anglois d’étendue
du nord au fud. La mer, eft très-profonde aux
environs, & l ’on y trouve depuis 150 jufqu’à 200
braffes d’eau. Le banc eft d’une largeur très-inégale,
ayant de profondes découpures en. beaucoup d’endroits,
& s’étréciffant beaucoup aux deux extrémités,
de manière cependant que l’extrémité feptentrionale
eft plus étroite de moitié que la méridionale. Ce
n’eft pas feulement au grand banc que l’on va pêcher
la morue; il y a plufieurs petits bancs où l’on en
peche d’aufii bonne , & même , félon quelques-uns,
de meilleure, entr’autres le banc verd, le banc neuf,
le petit-bànc & les banquereaux. Quoique tous les
petits bancs s’appellent en général banquereaux , il
n’y a néanmoins que ceux qui font fitués entre l’ifle
de terre & T e r r e -n e u v e qui portent proprement
le nom de banquereaux. En général les meilleures ,
les plus graiTes & les plus grandes morues font celles
qui fe pêchent proche le grand banc du côté de
fud; auflî font-elles toujours plus eftimées. Celles
qui fe pêchenc au nord de ce même banc, font
ordinairement petites & ne fe vendent pas à beaucoup
près auflî, cher que les grandes. L a ‘morue fe prend
a la ligne ; la pêche eft quelquefois fi abondante
qu en ;eux heures dé temps on en peut prendre
250 : un pêcheur habile’ en prend jufqu’i 400 par
jour.
Les navires- qui font la pêche de la.* morue, &
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ceux qui viennent acheter Li morue préparée à'
Terre-neuve , après' avoir pris leur chargement de
ce poiffon vont le porter dans les ports de l’Europe,
où ils efpèrent le vendre avec plus davantage. Cn
fait divers affortimens de ' morue qu’on diftingue
ordinairement par les noms de poiffon p r i v é , dont
la qualité eft la plus eftimée, 8c elt en effet fiipé-
rieuré à toutes les autres ;--de poiffon g ra n d m a rc
h a n d ; de p o i ffon m oyen marchand ; de p o iffo n
p e t it marchand 8c de p o iffo n de rebut. Outre ces
diftin&ions particulières qui appartiennent Spécialement
à la morue J eche-, il y en a une très-grande
qui regarde la préparation de cette même morue &
celle de la morue verte. Cette dernière fe vend
dans les mêmes barils où on. l’a falée 8c encaquée.
Cet encacage fe fait ainfi : on commence par couper
la tête du poiffon ; puis on lui arrache lés entrailles
qu’on fale avec la langue ; on fend enfuite la morue
pour en ôter l’arrête ; cela fait ’, on la fale & on
en fait une première couche dans le baril, obfervànt
à mefure qu’on la place de la mettre tête à queue
8c queue à tê te, avec la précaution de mettre entre
les couches afîèz de fel pour que les peaux du
poiffon ne fe touchent‘pas , & 1 attention auflî de
n’en pas trop mettre, car le défaut & l’excès du
fel feroient également préjudiciables â la morue , &
elle en feroit infailliblement avariée. Les entrailles
de ce poiffon qu’on nomme n o u es, les lano-ués &
les rogues ou ra ves, ou oeufs , fe falent dans les
lieux de la pêche , & fe vendent avantageufement
de même que l’huile qu’on- tire dés foies, dans les
ports où les navires portent leurs.chargemens.
Le commerce de la morue eft infiniment précieux *
il occupe plus de 500 navires, 8c procure à ceux
qui le font, des bénéfices fouvent cenfidérables. Les
Anglois s’en étoient rendus les maîtres, & le poffe-
doient prefque fans concurrence avànt la Guerre
actuelle. Ils en ont retiré de très-grands profits tout
: le temps qu’ils en ont été paifiblés pofleffèurs.
Les colonies Angloifes du continent de l’Amérique
feptentrionale’, font tellement étendues & peuplées ^
& elles faifoient un fi grand commerce avant qu’elles
euflènx entrepris de iecouer le joug dé leur métropole,
que nous ne pourrions' entrerTà-defliis dans
quelque détail fans paffer les bornes dé' notre plam
Nous- cous contenterons donc de dire que là nouvelle
A n g le te r r e , dont Bofton eft la capitale, faifôit
avant la révolution un grand'commerce en fourrures-
8c pelleteries, particulièrement en peaux de caftors
& d’orignaux ; en farines , bifeuits , fromens 8ç
diverfeS autres fones de grains ; en fel 8c viandes
falées ; en poiffons , eritr’autres en morue verte 8i
feche ; en chanvre , lin , poix , goudron, cendres
calcinées & gràvelées. Le même commerce le faifoit:
à la baie dè Maflàchufer, air Cormcéticut, à l’ifle
de Rhode & à la nouvelle Hampshite , provinces
ou colonies qu’on peut regarder comme faifant partie
I de la nouvelle Angleterre.. La Pènfilvanie, pro»
j vince fertile en grains 8c légumes, foninîfoit dit
i froment, de l’orge, du ris, du maïs, dès-fèves. &