
» p rè s , pour ne pas faire ceffer le travail des
» ouvriers, ou l’argent ne doit jamais manquer.
» Secondement, de faire follicicer les debiteurs ,
*> parce que fi l’argent de la caijfe s’eft écoulé par
t> les paiemens qui ont été faits pour l’achat des
» marchandifes, il faut qu’il revienne , & qu’elle
» fe rempliffe par le moyen de la vente qui s’en
» fait ; l’argent étant un mouvement perpétuel
» d’écoulement & de retour.
» Enfin , celui qui tient la caijfe 9 eft comme un
» bon pilote , qui doit prévoir tous les orages qui
peuvent fiirvenir pendant le cours de la fociété ;
*> particulièrement quand l’on tient des manufactures
» de marchandifes fujettes à la mode, comme des
» étoffes façonnées, qui font au caprice du monde ,
dont le débit ne fe fait pas toujours en tout
»> temps. Par exemple , ceux qui font commerce
a> de draps d 'o r, d’argent & foie, façonnés & des
» points de France, s’il furvient des deuils caufés
» par la mort des princes & des rois , éprouvent
s> que la vente celle ; il ne faut pas biffer dé payer
» ce que l’on doit,, & d’entretenir les manufactures,
-» qui ne doivent pas cefïèr pour cela.
» C’eft un temps bien fâcheux pour ces fortes de
» négôcians , car les marchandifes demeurent fans
» mouvement dans le magafin ; les débiteurs , qui
» font marchands en détail, ne peuvent payer ce
» qu’ils leur doivent, parce qtfè leur commerce a
» auffi cefle ; leurs créanciers veulent être fatisfaits,
» ainfi la caijfe demeure ftérile & fans fonds.
» Quand ces temps-là arrivent, c’eft à celui qui
» tient la caijfe d’avoir des réffources pour trouver
» de l’argent.
» Il y en a de trois fortes. La première, ceux
» qui doivent à la fociété ; la fécondé , la place , &
<» la.troifîéme, les amis particuliers.
» Il ne faut pas faire beaucoup d’état des débi—
>> teurs , parce qu’ils ne peuvent paye r, par la
» même raifon de ceffation de leur commerce; c’eft
» un temps ou ils doivent être traités doucement.,
3) pour ne les pas réduire à faire faillite.
. » Le .crédit de la pla.ce eft incertain, parce qu’il
ai dépend du caprice des hommes ; ainfi il ne faut
» pas tout-à-fait s’y attendre. .
» La plus grande reffource eft celle des amis par- ■
» ticuliers qui font puiftans en argent, qui- n’en j
» refufent pas quand ils y trouvent leur fureté.
- » Toutes les confidérations ci-defftis repréfentées,
» que doit avoir, un caiffier pour la manutention du
» commerce, l’obligent à prévoir de bonne heure
» à routes chofes, pour n’être pas furpris ; & pour
» cela l’ordre qu’il doit tenir , eft d'avoir toujours
» devant les yeux- un carnet , ou bilan des débiteurs
» & créditeurs de la fociété, à l’effet de connoître l’état
» des affaires',, foie pour folliciter les dettes aétives,
>? ou renouveller les billets des paiïives, lorfque le
» temps du paiement eft échu.. Et en cas que le fonds.
» manque , il faut être diligent dans l’un & dans.
» l’autre, & prendre foigneufement garde, fi ceux
» à qui on prête les marchandifes font ponctuels, au
jpf paiement, & s’ils font lapes & prudent dans leur
I » négoce , pour ne pas syengager imprudemment
! » à leur trop prêter, car il eft important de connoître
» le fujet fur lequel l’on agit.
» Celui des affociés qui a la caijfe, doit fçavoir
» que s’il eft négligent en la follicitation des dettes
» aétives, il fait deux notables préjudices à la fociété,
» qui ne fe peuvent réparer : le premier , qu’un
» marchand eft bon aujourd’hui, & ne le fera peut-
» être pas demain, & qu’il peut faire faillite par
» quelque difgrace imprévue , qui emporte une
» partie du profit que peut avoir fait la compagnie :
» le fécond, que n’ayant point d’argent en caijfe ,
». il en faut emprunter ; les gros intérêts que la
» compagnie paye , achèvent d’abforber tout le
» profit, & bien fouvent le fonds capital.
» Je me fuis un peu étendu ( c’eft toujours l’auteur
» du Parfait Négociant ) fur les foins & l’ordre que
» doit avoir un caiftîer ; mais comme c’eft la boufïole
» & le gouvernail d’une fociété, pour la manuten-
» tion du commerce, j’ai cru qu’il étoit très-important
» d’en donner les préceptes que j’ai remarqués ci-
» deflus , afin que les jeunes gens puiffent apprendre
» à fe bien conduire dans le gouvernement de la
» caijfe ».
CAISSE DE CRÉDIT. C’eft une caijfe établie-
en faveur des marchands forains qui amènent à Paris;
des vins & autres boiffons.
Le premier établiffement de cette caijfe eft dur
mois de féptembre 171^. L’édit porte que les;
marchands forains & autres pourront y recevoir finie
champ le prix de leurs vins & boiffons, & y
prendre crédit, moyennant fix deniers pour livre
de remife, fans néanmoins que ceux qui n’y pren-
droient point de crédit, pufïent être tenus de payer:
aucune chofe de ladite remife.
La nouvelle caijfe trouvant peu de faveur parmi?
les marchands de vins, dans l’efpérance de ranimer
fon crédit, il fut donné un arrêt du confeil le 4
avril 172.1 , & enfuite des lettres- patentes fur içelul
le 28 juin, enregiftrées à la cour des aides le 14
août de la même année ; mais tout cela n’étant pas-
encore fuffilafrt, il parut enfin un fécond arrêt du
confeil, du 17 feptembre 1713 ,. qui.explique dans;
un grand détail les avantages que les marchands de:
vins y peuvent trouver, & la police qui doit y être,
obfervée.
Sa majefté déclare d’abord que le fonds de cette-,
caijfe fera, pris fur les deniers provenans des droits,
rétablis par les arrêts des 20 & 22 mars 1722-, &.
par la déclaration du 15 mars fuivant-
Dans cette caijfe tous marchands forains & autres-
généralement quelconques, ont la liberté d’aller
prendre le crédit dont ils ont befbin , qui pourtant
ne peut excéder la valeur, de la moitié des vins &.
boiffons qu’ils ont amenés à. Paris,. foit par eau foit.
pâr terre.
La remife que l’on, paye pour y prendre crédit
eft de fix deniers pour livre , fans néanmoins que:
Êèux qui n’en prennent point, puiffent être ténus
de ladite remife.
Le crédit des vins s’établit purement & Amplement
par un aéte de reconnoiffanee & de foumilïion fous
fèing-privé, fur un regiftre expreflémènt tenu à cet
effet,, en grand papier timbré, & paraphé par le
prévôt des marchands.
Après le rembourfement du premier crédit qui .
doit être pris par préférence à toute autre dette,
fur les deniers qui proviendront des premières ventes
des vins, il peut être encore accordé aux marchands
un fécond crédit & enfuite un troifiéme ; même
encore d’autres qui fe feront à la même remife de
fix deniers par livre , mais toujours jufqu’à la concurrence
de la moitié de la valeur des vins qui
relieront.
Pour fureté des crédits, tous les vins des marchands
pour lefquels ils ont été pris , font rouannés
d’une rouanne particulière , &. mis ou à la halle au
vin, ou à l’eftape aux folles de l’h ôte l-de-ville,
ou aux caves du mont faint-Gervais ; auxquels
lieux les ventes en gros peuvent être faites à l’ordinaire
à la volonté des p ro p rié ta ire s& fans aucune
contrainte.
Lors du rembourfement des premiers crédits,
les vins qui ont été rouannés de la rouanne de la
caijfe, feront démarqués d’une raye en barre éçhan-
crée fur l’empreinte de ladite rouanne , & rouannés
de nouveau autant de fois qu’on prendra de nouveaux
crédits.
Les marchands de vins, leurs affociés, faôteurs
ou commiflionnaires, demeurent toujours dans la
liberté de gouverner leurs vins de crédit , comme
ceux pour lefquels ils n’en ont point pris , excepté
les délivrances après les ventes qu’ils en auront
faites, auxquels le caiflier créditeur doit être appellé
pour retirer fbn crédit fur le prix des vins.
Après les rembourfemens des crédits en entier ,
la foumiffion que le marchand a donnée fur le regiftre
doit être déchargée, & il doit lui être délivré
un certificat du caiflier, portant que les deniers
de la vente lui ont été remis ; mais fi lefclits rembourfemens
ne font faits qu’en partie , on doit faire
feulement une note, tant fur le certificat du caiflier,
que fur le regiftre de la caijfe, des fournies qui ont
été reçues à compte.
Les vins de crédit qui fortent des lieux de dépôts,
après que le prix en a été mis entre les mains du
caiflier, doivent être démarqués par les infpeéteurs
gardiens defdits dépôts , & depofitaires des rouannes
de la caijfe & non autres : fa majefté défendant
expreffement a tous marchands, faôteurs, commif-
fionnaires, tonneliers, & autres prépofés à la direction
des vins dans lefdits lieux, de démarq uer eux-
mêmes aucun vin de crédit, à peine de confifcation
& de cent livres d amende pour chaque pièce de
vin.
-S’il fe trouve des vaiffeaux de vin de crédit en
mauvais é tat, & qui ne puiffent être réparée, le
praj^fvafemçnt 5’en doit faire dans un autre en préfen.
ee d’un des commis de la caijfe, lequel nouveau
tonneau doit être par lui rouanne, & la douve de
l’ancien tonneau ou étoit l’empreinte de la première
rouanne, rompue pareillement en fa préfençe.
Enfin, fa majefte ordonne que le rembourfement
des crédits que la caijfe aura donné fur les vins ,
fera privilégié & préférable a toutes autres dettes .&
créances de telle autre nature quelles puiffent être ;
& qu’en cas de faifie defdits vins, aucune vente
n’en pourra être faite ni ordonnée , qu’à la charge
expreffe & non autrement , dudit rembourfement
par privilège & préférence ' même à tous frais de
juftice, de faifie &mifes d’exécution.
C a i s s e d e s e m p r u n t s . O11 nommoit ainfi en
France, un e caijfe publique, établie-à Paris dans
l’hôtel des fermes-uniés du ro i, où toutes fortes de
perfonnes , de quelque qualité & condition qu’elles
fuffent, tant François qu’étrangers, étoient reçues
à porter leur argent pour le faire valoir; & d’où
ils le pouvoient retirer à l’échéance des promeffes
folidàires , que les fermiers généraux de fa majefté
leur en fourniffoient, lignées des quatre de la
compagnie , prépofés à cet effet.
Ces fortes de p r o m e f f e s , dont le nom de celui qui
en avoit payé la valeur reffoit en blanc, étoient
faites payables au porteur dans un an ; & les intérêts
qui y étoient compris pour l’année , ne fe payoient
qu’à leur échéance, foit en les renouvellant, foit
en retirant fon capital.
Cette caijfe avoit été établie , non-feulement
pour faciliter la régie dès. fermes de fa majefté
mais encore pour donner au public le moyen de
placer fies deniers avec quelque profit, en attendant
qu’il fut dans le d e f fe in de les employer en acquU
fitions de maifons , terres, offices, rentes ou autrement.
Le premier établiffement de la caijfe des empmnts
fe fit au mois d’oôtobre 1673 , fous le régne dè
Louis'XIV, M. de Colbert étant contrôleur général
des finances ; mais après avoir fubfifté pFufïeurs
années avec une.^égale utilité pour l’état, & pour les
particuliers , l’un y ayant trouvé de promptes
reffources dans les guerres que la France avoit eu
à foutenir depuis 1671, & les autres un emploi
prompt, & un,intérêt fur de leur argent, elle fut
fupprimée fur la fin du dix-feptiéme fiécle , & les
fonds rembourfés à ceux qui les avoient dépofés ,
& tous les intérêts payés.
La commodité de cette caijfe éprouvée fi longtemps,
jointe aux dépenfes immènfes' cm l’état fe
vit de nouveau engage au commencement du dix-
huitième fiècle , pour foutenir l’acceptation du
teftament de Charles I I , roi d’Efpagne, en f a v e u r
du duc d’Anjou, fit penfer aux miniftres à la
remettre fur pied , quoiqu’avec quelque différence
pour les intérêts des fommes dépoféès, qui furent
payés fur un pied plus haut dans la nouvelle caijfe
des emprunts , qu’ils ne l’avoient été dans l ’a n c
ie n n e .
Ce fécond établiffement fut fait en 1702, en Mb . :