
font forcés de confommer du vin médiocre a un
prix que le défaut de concurrence rend exceffif ;
mais qui même feroient obligés de fè priver entièrement
de v in , fi malgré la défenfe de faire entrer
! droits de tous nos fujets , qui*, comme vendeurs
clans cette ville des vins prétendus étrangers , ceux
qui font fi jaloux de cette défenfe & du privilège
exclufif qu’elle leur donne, ne fe réfervoient pas
aufli le privilège de l’enfreindre par une contrebande
notoire , puifqn’il eft notoirement connu que le
territoire de Marfeille ne produit pas la quantité
de vin néceffaire pour les befoins de fon immenfe
population.
Aufli n’eft-ce que par les voies les plus rigou-
reufes. que le bureau du vin peut maintenir ce
privilège odieux au peuple , & dont l’exécution
a plus d’une fois occafionné les rixes les plus
violentes.
Bordeaux , dont le territoire produit des vins
recherchés dans toute l’Europe par leur délicatefle,
& d’autres qui dans leur qualité groflière ne font
pas moins précieux par la propriété ineftimable
qu’ils ont de réfifter aux irapreflïons de la me r, & à la
chaleur meme de la Zone Torride ; cette ville, que
la fituation la plus favorable pour embrafïèr le
commerce de toutes les parties du monde, a rendue
le rendez-vous de toutes les nations de l'Europe ;
cette ville, dont toutes les provinces qui peuvent
vendre leurs denrées en concurrence des fiennes,
font forcées d’emprunter le port, & ne peuvent en
faire ufage fans payer à l’induftrie de fes habitans
un tribut qui ajoute à fon opulence; Bordeaux enfin
dont la profpérité s’accroît en raifon de l’activité,
de l’étendue.de fon commerce, & de l’affluence
des denrées qui s’y réunifient de toutes parts , ne
peut avoir de véritable intérêt à la confervation d’un
privilège qui ', pour l’avantage léger & douteux de
quelques propriétaires de vignes, tend à reftreindre
& à diminuer fon commerce.
Ceux donc qui ont obtenu de nos prédécefleurs
1 autorisation des prétendus privilèges de Bordeaux,
de Marfeille & de plufieurs autres villes , n’ont
point ftipulé le véritable intérêt de ces villes, mais
feulement l’intérêt de quelques-uns des plus riches
habitans, au préjudice du plus grand nombre & de
tous nos autres fujets.
Ainfi, non-feulement le bien général de notre
.royaume, mais l’avantage réel des villes mêmes qui
font en pofTeffion de ces privilèges, exigent qu ils
foient anéantis.
Si dans l’examen des queftions qui fè font élevées
fur leur exécution , nous devions les difcuter comme
des procès , fur le vu des titres ,• nous pourrions
être arrêtés par la multiplicité des lettres-patentes
&. des jugemens rendus en faveur des villes
intérefîees.
Mais ces queftions nous paroiflènt d’un ordre
plus élevé ; elles font liées aux premiers principes
du droit naturel & du droit public entre nos diverses
provinces. C’eft l’intérêt du royaume entier que
& comme acheteurs , ont un droit égal à débiter
leurs denrées & à fe procurer les objets de leurs
befoins à leur plus grand avantage ; c’eft l’intérêt
du corps de l’état , dont la richeflê dépend du débit
nous avons à pçfer ; ce font les intérêts & les J
le plus étendu des produits de la terre & de
l’induftrie, & de l’augmentation de revenu qui en
eft la fuite. Il n’a jamais exifté de temps, il ne peut
en exifter, ou de fi grandes & de fi juftes confi-
derations aient pu être mifes en parallèle avec l’intérêt
particulier de quelques villes , o u , pour mieux
dire, de quelques particuliers riches de ces villes.
Si jamais l’autorité a pu balancer deux chofes aufli
difproportionnées, ce n’a pu être que par une fur-
prife manifefte, contre laquelle les provinces, le
peuple , l’état entier lézé , peuvent réclamer en
tout temps , & , qu’en tout état de caufe , nous
pouvons & voulons réparer, en rendant, par un
aéte de notre puifiance légiflative, à tous nous fujets,
une liberté’ dont ils nauroient jamais du être
privés.
A c e s c a u s e s , & autres à ce nous mouvant ;
de l’avis de notre confeil , & de notre certaine
fcience', pleine puifiance & autorité royale, nous
avons , par notre préfent édit perpétuel & irrévo
cable , d it, ftatué & ordonné ; difons, ftatuons &
ordonnons, voulons & nous plaît ce qui fuit; 1
A r t i c l e p r e m i e r . Avons révoqué & abrogé,
révoquons & abrogeons tous édits , déclarations ,
lettres-patentes, arrêts & réglemens accordés à des
villes, bourgs ou autres lieux , portant empêchement
à l’entrée , au débit, à l’entrepôt , au tranf-
port par terre, par mer, ou par. les rivières, des
vins & eaux-de-vie de notre royaume , à quelque
titre & fous quelque prétexte que lefdits édits, déclarations,
lettres-patentes, arrêts & réglemens aient
été rendus.
II.' Avons éteint & aboli , éteignons & abolif-
fons le droit de banvin appartenant à des villes ,
bourgs ou autres lieux , à quelque titre que ledit
droit leur appartienne, & foit qu’il ait été acquis des
rois nos prédécefleurs ou de quelques feigneurs;
de tels droits n’ayant du être acquis par lefdites
villes que pour en procurer aux habitans l’affran-
chiflèment.
III. Et à l’égard du droit de banvin appartenant
à des feigneurs eccléfiaftiques ou féculiers, même
à nous , à caufe de nos domaines ,.•» voulons que
nonobftant ledit droit, lés vins & eaux-de-viè puif-
fen t, en quelque temps que ce foit , pafîer en
tranfit dans l’étendue defdites terres , par les chemins
, fleuves & rivières navigables ; que lé chargement
defHits vins & eaux-de-vie puiffe y être fait,
foit de bord a bord , foit autrement. Défendons à
tous 510s fujets , de quelqu’état & qualité qu’ils
foient, d’interdire lefdits pafîages & chargement ,
& d’y apporter aucun obftacle , à peine de répondre
perfonnellement envers les parties, de tous dépens
, dommages & intérêts.
IV. En conféquence des difpofitions portées 'aux
a rticles p réc éd en s , la c irc u la tio n des vins fe ra &
d em e u re ra lib re dans n o tre ro y aum e : vo u lo n s q u e
tous nos, fujets & tous autres p ro p rie ta ire s , m archands
, v o itu r ie r s , capita ine s d e n av ire , p a tro n s
& g én é ra lem en t to u te s p e rfo n n e s , puiffent dans
tous les temps & faifons d e l ’a n n é e, faire tra n fp o rte r
lib rem e n t des vins 8c ea u x -d e -v ie , ainfi q u ils
aviferont ; même des p ro v in c e s de l’in té rie u r , dans
c elles q u i fe ro n t rép u té e s é tran g è re s , & le s faire
e n tr e r o u re n tre r d e celle s-c i , dans les provinces
d e l’in té rie u r ; les e n tre p o fe r p a r to u t o ù b e fo in .
f e r a , & n o tam m en t dans les villes de Bord e au x &
d e Marfeille , fans p o u v o ir être fo rc é s à les d e -
p o f e r dans au c u n magafin , à fe p o u rv o ir p o u r
leu rs co nfommations o u p o u r leu rs provifions 'dans
le u r ro u te , d’autres vins q u e d e ceu x qu’ils y
a u ro n t deftinés , à faire fo rtir leu rs vins à certaines
é p o q u e s , de la ville o ù ils fe ro n t dépofes ,
o u à les c o n v e rtir en e a u x - d e - v ie , ni p o u v o ir
ê tre afîujettis à a u tre s rég ie s o u formalités q u e
c elles q u i fo n t o rdonnée s p o u r la fure té & p e r c e p tio
n de nos d r o it s , d e ceux d’o é tro is apparcenans
au x villes , & a u tre s d ro its lég itim em e n t établis p a r
no u s o u p a r les rois nos prédé c e fleurs.
V. P o u rro n t aufli lefdits p ro p rié ta ire s , m a rchands
, v o itu r ie r s , c ap ita in e s de nav ire , p a tro n s
& autres , a c h e te r 8c vendre en toutes faifons , l e f dits
vins ta n t en gro s qu’en d é ta i l , dans lefdites
villes de Bordeaux , de Marfeille & autres q u i a u -
ro ie n t o u p ré te n d ro ie n t les mêmes privilège s : à
l ’ex c ep tio n n éanmoins des terres des feig n eu rs eccle-
fiaftiques o u fé c u lie rs., dans lefq u e lle s ledit d ro it :
de banvin fero it établi , & dans lé temps o u dans :
l a faifon feu lemen t q u i fo n t fixes p o u r l’exe rc ice
d u d it d ro it ; le t o u t , en a c q u itta n t p a r lefdits p r o - ■
p rié ta ire s & autres , P en tré e , fo rtie , tra n fp o rt &
v en te en gro s o u en d é ta i l , to u s les drpits q u i nous
fo n t d u s , à q u e lq u e titre q u e ce fo it , les droits
d ’o ftro is p a r no u s accordés à q u e lq u e s p ro v in c e s ,
villes , communautés , & les au tre s droits généra
lem e n t q u e lc o n q u e s , établis p a r titres valables.
VI. Faifons défenfes à tous m aires , lieu ten an s
de m aire , échevins', jurats , confuls , à tous autres
officiers m u n ic ip au x , mêm e aux officiers c om p o -
fa n t le b u re a u des vins établi à M a rfe ille , & autres
a dminiftra tions ' femblables , q u i fo n t & d em eu re ro
n t fup p rimé e s p a r le p ré fe n t é d it, de p o r te r au cu n
ob fta c le à l a lib e rté de lad ite c ir c u la tio n , emm a -
gafin emen t , a c h a t & v en te ; de re q u é rir au cu n e
confifcation , amende o u a u tre s co n damnations ,
p o u r raifo n de c o n tra v e n tio n aux édits , d é clarations
, a rrê ts o u réglemens aux q u e ls i l eft dé rogé
p a r l’a rtic le p rem ie r du p ré fe n t édit , ainfi q u e p o u r
ra ifo n de co n tra v e n tio n au d ro it de banvin q u ’ils
p ré te n d ro ie n t a p p a rte n ir su sd ite s villes ; & ce , en
q u e lq u e tem p s & fous q u e lq u e p ré te x te q u e ce
p u ifle être ; à p e in e de d em e u re r p e rfo n n e llem e n t
refponfables de tous frais , dépens , dom mage s &
in té r ê ts , q u i fe ro n t adjugés aux p a r tie s , p o u r lefe
quels ils n’auront aucun recours contré lefdites
villes & communautés.
'S i d o n n o n s è n m a n d e m e n t à nos amés & féaux
confeillers les gens tenant notre cour de parlement
à Touloufe , que notre préfent édit ils aient à faire
lire, publier & regifirer , le contenu en icelui garder,
obferver & exécuter félon fa forme & teneur, nonobftant
toutes chofes à ce contraires. C a r t e l e s t
n o t r e ' p l a i s i r ; & afin que ce foit chofe ferme 8c
ftable à toujours , nous-y avons fait mettre notre
feel. D o n n é à Verfailles au mois d’avril , l’an de
grâce mil fept cent foixante-feize , & de notre régne
le deuxième. Signé LOUIS. E t plus bas, par le
roi.' Signé d e L a m o i g n o n . V ifa H u e d e M t r o -
m é n i l . Vu au confeil , T u r g o t . Et Icelle du
grand fçeau de cire verte en lacs de foie rouge 8c
verte.
BAPTÊME. Cérémonie qui fe fait dans les voyages
de long cours fur les vaifieaux marchands, à
ceux qui paliène pour la première fois le tropique
ou la ligne , & aux vaifîeaux mêmes qui ne les ont
point encore pafles. '
Le baptême des vaifjeaux eft fimple, & fe fait
en le 1 ayant par-tout d’eau de mer* Pour celui des
paffagers , il fe fait avec plus de cérémonie & de
myftere, comme on le dira dans la fuite : mais l’un &
l’autre ne s’achèvent point, fan? donner pour boire à
l’équipage; les matelots , à l’égard du baptême du.
vaijfeau, fe croyant en droit d’en couper l’éperon , fi
le capitaine ou le maître ne le racheté de plufieurs
bouteilles d’eau-de-vie , 8c de quelqu’argent. Ce
préfent du maître ne pafîe point pour avarie ; & les
fretteurs n’en font point tenus, mais le propriétaire
du vaifleau.
Pour ce qui eft du baptême des perjonnes „ voici
comme il fe fait.
Le plus ancien des matelots, qui ont déjà pane
la ligne ou le tropique, bifarrement équipé, le
vifage noirci, un bonnet grôtefque en tête, un rou-
tier ou autre livre de marine en main, & fuivi
de plufieurs autres matelots mafqués comme lu i,
& chacun quelqu’uftênfile de cuifine pour armes ,
vient tambour battant, fe placer gravement fur un
fiége préparé pour lui fur le tillac, au pied du grand
mât.
C’eft entre les mains de ce plaifant magiftrat, que
chaque paflager , non encore initié à ce myftère ,
va jurer de faire obferver la même cérémonie, lorf-
qu’il fe trouvera dans le cas. Si le paflager donne
comptant quelque- gratification , ou la promet ', il
en eft quitte pour fon préfent, & quelques goûtes
d’eau : les autres, au contraire, ainfi que le commun
des matelots, font inondés de.fceaux d’e a u ,
qu’on tient prête dans des baies ou bacquets. Pour
les moufles , on les met fous un panier, où ils font
mouillés à diferétion ; & de plus, en mémoire d’une
fi rare cérémonie; ils font obligés de fe fouetter
les uns les autres, à quoi ils ne s’épargnent pas.
L’argent mis au baflln, ou fe partage entre les
matelots de l’équipage, ou fe réferve pour leux