
1614 Charles II. fait pareillement ceffion a la
compagnie Angloife, de rifle de Sainte-Hélène,
comme lui appartenant par droit de conquête.
C’eft cette ifle, qui depuis a fervi d’entrepôt
aux vaiffeaux de la compagnie. Les Portugais la
découvrirent dans les premiers tems de leur navigation
aux Indes par le Cap de Bonnc-Efpérance.
L ’ayant abandonnée , elle fut poffédée par les
Hollandois , qui la quittèrent à leur tour , pour
s’établir au Cap. Les Anglois y prirent pofte après
eux; mais ils en furent challés en 1 6 7 1 , par la
compagnie de Hollande. Enfin, le capitaine Mondai
, qui commandoit une efcadre de fa majefté
Britannique , l’ayant reprife l’année fuivante , ce
fut le droit que Charles II. y avoit acquis par
cette conquête, qu’il vcedà à la compagnie Angloife
par la charte de 1674.
Enfin, la quatrième charte , que la compagnie
obtint, de ce prince, ordonne l’ere&ion d’une cour
de judicature, compofée d’un legifte, & de deux
marchands, dans toutes les places, comptoirs,
& autres lieux , qu’elle pofiède dans toute l’étendue
de fa çoneemon , pour juger tous les 'cas de
faifiës & conteftatious au fujet des. vaiffeaux , ou
marchandises allant aux Indes., contre le privilège
exclufif accordé par les. Lettres Patentes de 166% ;
comme auflï pour çonnoîtpe de. toutes les caulès
de marchandises , de marine, de navigation , d’achats
, de ventes ; d’échanges, de polices d’affu-
rance, de lettres de change, -&c. même de tous
crimçs commis en pleine mer., o u . dans les pays,
régions & territoires appartenans à la compagnie,
dans PAfïe, l’Afrique & l’Amérique , le tout néanmoins
félon les us & coutumes des marchands, &
les Jolx d’Angleterre.
Ces quatre chartes depuis lurent confirmées par
Jacques II. par une charte de la première année de
fçii régne , dans laquelle il rapelle en détail les cef-
fipns de Bombaye & de Sainte-Hélène, Sç l’érec-
tion de la cour de judicature , faite par les trois
dçrnières. ; ordonnant feulement en général l’exécution
de la première , dont on va ajouter ici
1 extrait fuivant la promefle qu’on en’a faite ci-rdeffus.
Cette charte confifte en vingt-huit articles : voici les
principaux.
Par le premier, là majefté Britannique érige la
compagnie en une corporation, ou corps politique
, fous le nom de gouverneur & compagnie
des marchands de Londres, trafiquans dans les
Indes Orientales.
Le tr officine lui accorde un fceau commun,
pour fervir dans toutes ffis expéditions ; avec la
faculté de le rompre 8ç changer , quand elle ie
youdra? .& d’en faire fabriquer & graver un nouveau.
Le quatrième établit un gouverneur & -vingt-
quatre afTiftans, tirés des actionnaires de la compagnie
, pour avoir la direction des affaires, & ordonner
du chargement & envoi des vaiffeaux , &
de tout le commerce qui £ë fera dans }’étç»due de fa
fqflcçffio»,
Le Cinquième , le fixiénie , le feptiéme, le huj-‘
tiéme & le neuvième nomment pour la première
fois le gouverneur & les alfiftans, & règlent pour
l’avenir l a forme qui s’obfèrvera dans- l’éleélion
defdits gouverneur & affiftans, & d’u n . député-
gouverneur , ou fous - gouverneur , pour préfîder
en l’abfènce,- ou en cas de mort du gouverneur.
Ils ordonnent auflï devant qui les élus feront tenus S
de prêter ferment, & quel il doit être. Enfin, ils
marquent le tems que tous ces officiers doivent
relier en charge, & celui que fe tiendront'les
cours , ou affemblées générales de la compagnie.
A l’égard des afTemble.es générales , elles font
fixées au mois d’avril de chaque année , depuis le
ï a jufqu’au dernier ; le jour reliant au choix du
gouverneur. Pour la durée des fonctions des officiers,
elle efl annuelle, &ils ne peuvent être continués fans
de grandes raifons, feulement dans des occasions rares
& importantes.
Le dixiéme article fixe l’étendue de la concef-
fion ; & permet à tous ceux qui feront de la <70772 «
pagnie , leurs fils qui auront vingt-un an s, leurs
apprentifs, faèleurs & domeftiques, de trafiquer
& négocier librement par mer par toutes les routes
& paffages déjà découverts, ou qui le feront
par la fuite, foit aux Indes, ou des Indes dans
les autres parties de régions de l’Afie , de l’Afrique,
àç de l’Amérique , au-delà du Cap de* Bonne-El-
pérançe, jufqu’au détroit de Magellan, & tous
autres endroits dans lefdites bornes , où il fe peut
faire & exercer quelque commerce , ou trafic de
marchandifes , pourvu qu’il en ait été auparavant,
arrêté & délibéré par la compagnie ; & pourvu
auflï que ledit commerce ne fe fafTe pas dans les;
lieux déjà oçcupés par les fujets de quelqu’autre
prince.
L ’onzième article donne pouvoir à la compagnie,
de faire toutes les loix & ordonnances-qu’elle jugera
a propos , p o u r. être obfervées par fes facteurs, *
capitaines & maîtres de vaiffeaux , & autres officiers
qui feront à fon fervice ; même de les révoquer % 8c
en faire de nouvelles ; & en cas dé'contravention
auxdites loix , ordonner contre les çontrevçnans telles
peines , amendes, ou punitions * qu’elle jugera juftes
& raifonnables, , fans * être obligée d’en rendre
compte à qtfi que ce fo it, non pas même aux officiers
de fa majefté Britannique ; à condition néanmoins
que lefdites loix, ordonnances 8c conftitutions
ne feront point contraires â celles d’Angleterre.
Par le douzième , fa majefté veut, que pour to.us
droits de douane, de pefage , ou autres , qui pour-
roient lui être dus, a caufe des marchandifes venant
des Indes fur les vaiffeaux de Ja compagnie , il lui
foit accordé un délai d’une année pour leur entier
paiement ; fçavoir fix mois pour la première moitié
& fix autres mois pour l’autre p o id é , en donnant
néanmoins caution ; ce qui s’obferveroît aufti pour
les marchandifes fortant d’Angleterre , pour aller
•aux Indes 3 pour lefqueiles même il ne s’en payeroie
aucuns droits, fi elles périffoienc ayant d’être arrivées
aux
Rux lieux de leur dellination 3 & qu’en cas cju’il en
eur été payé , qu’ils lui • feroienc refticues 3 eu
fhftifiant néanmoins par ladite compagnie , parde-
vant le grand tréforier du royaume , de la perte
defdxtes marchandifes.
Il efl encore accordé par le même article un
terme de treize mois , pendant lequel la. compagnie ,-
ou ceux des fujets de S. M. B. qui auront acheté
d’elle des marchandifes venant des Indes, pourront
les faire fortir du royaume , fans payer aucuns
droits , pourvu qu’ils foient chargés fur. des vaiffeaux
Anglois, & qu’on rapporte les acquits du paiement
de' leurs droits d’entrée.
Le treiziéme article permet le transport des efpè-
ces cl argent étrangères hors du royaume , pour
e.tre employées au commerce de la compagnie dans
les Indes .3 même de celles qu’elle aura fait battre
au coin d’Angleterre , dans la tour de Londres ,
provenant des matières defdices monnoies étrangères
j .pourvu néanmoins que la fomme totale
nexcède point 50,000 liv. fterlings dafis chaque
voyage. ,
Parles quatorzième & quinziéme articles, il efl
permis a la compagnie d’avoir fix grands vaifleaux
& fix flûtes, montés & équipés de toutes fortes de
munitions , foit de guerre , foit de bouche , avec
cinq cens bons matelots Anglois , pour faire fon
commerce dans toute l’étendue de fa conce-ffion 3
fur lefquels fa majefté Britannique ne pourra mettre
d embargo , fous- quelque prétexte que ce foit , à
moins qu elle ne puifle absolument fe paffer defdits
vaiflWax dans quelque oçcafion de guerre preffante
& imprévue , ou elle en auroit befoin pour augmenter
fa flotte. r &
Le feiziéme accorde à la compagnie, un privilège
exclufîf, pour faire feule le commerce aux
Indes, & ordonne la faifie & confifcation des vaiffeaux
& marchandifes que les autres fujets de fa
majefté Britannique y pourroient envoyer 3 l’empri-
fbnnement des capitaines & maîtres de vaiffeaux , qui
Jes y auroient conduits 3 les amendes en cas de récidive
3 enfin, la caution de 1000 1. fterlings , pour
affiner & répondre .qu’on n’ira plus dans la con-
cefîion de la compagnie , en contravention de cet
article.
.Le dix-neuviéme article oblige la compagnie
de rapporter en Angleterre, au moins autant de ma- j
tieres dor ou d’argent, qu’elle en aura tiré dans ;
chacun de fes voyages 3 & marqué les ports de !
Londres, de Darmouth & de Plimouth, pour les.
fétus du royaume , • par lefquels il lui fera à l’avenir
permis de faire fortir les espèces dont elle aura
befoin pour fon négoce 3 lefquehes matières .& efpèces
d or & d argent feront enregiftrées dans lefdits
ports, foit eu fortant, foit en entrant 3mais cependant
lans payer aucuns droits.
Par le vingtième , il eft défendu aux commis
des douanes de S. M. B. de laiffier entrer aucunes
marchandifes provenantes des, lieux compris dans
poute 1 étendue de la- conceffioh de là coin pagnie >
Commerce. Tome ƒ, Part* JI»
à moins qu’il n’apparoifTe , d’une pemi!filon par
écrit , fcellée de fon fceau, & lignée par fes
; officiers*
Le vingt-uniéme fixe ,à 5*00. liv. fterlings , les
• fommeS qu il eft n.éceffiaire d’avoir dans le fonds
capital de la compagnie, pour chaque voix déli-
.. berative 3 accordant néanmoins la faculté a ceux qui
y auront apporté une moindre fomme , de fe joindre
plufieurs enfemble , pour former une voix.
Le Vingt-quatrième article permet i la compagnie,
d’envoyer des vaiffeaux de guerre & des
troupes, & de bâtir des châteaux & des forts dans
tous les lieux de fa conceftlon 3 même d’y faire la
paix ou la guerre avec toutes fortes de peuples,
qui ne font pas chrétiens 3 .& de tirer raifon par
les armes de ceux qui lui auroient caufé quelque,
perte , ou interrompu fon commerce.
Enfin, le vingt-fixiéme lui accorde pareillement
la permiffion d’arrêter ou enlever tous les Anglois,
& autres ..fujets de S. M. B. qui trafiqueront
dans les vaiffeaux Indiens ou Anglois , ou
qui habiteront dans tous les lieux dont le commerce
lui a été cédé, fans la permiffion de ladite
compagnie.
On a négligé d’extraire plufieurs des vingt-
huit articles, dont eft compofée la charte de Charles
Iï. du 3 avril 1662, ou parce qu’ils font peu
importants, ou parce qu’ils ne fervent que d’explications
à quelques-uns des autres. •
Lorfque cette charte devint publique en Angleterre
, le .parlement fembla trouver- mauvais le
privilège exclufif que le roi accordoit â la compagnie
par le feiziéme article.
Cette queftion n’étoit point nouvelle , & elle
avoit été déjà agitée fous le régne de Jacques 1.3
mais ce prince , nouvellement appellé au trône
d’Angleterre , par la mort d’Elifabech. , craignant
de compromettre fou autorité , aima mieux révo-,
quer un pareil privilège, qu’il avoit accordé aux
colonies de la Virginie, que de foutenir la prérogative
royale. . '
Charles II fut plus hardi, ou plus heureux que
fon ayeul : la queftion fut portée dans la cour de
la loi commune d’Angleterre , où elle fut jugée
en faveur du roi : mais malgré ce fuccès , la compagnie
ne profita guères de ce privilège 3 & l’indulgence
naturelle de ce prince, jointe aux fournies
confidérables que les Interlopes lui fourniffoient de
temps en temps , firent que ceux - ci continuèrent
leur commerce aux Indes , & que pendant tout
fön régne , la compagnie ne les en put empêcher.
Elle prit mieux fes mefures fous celui de Jac-
cjües II. 3 ayant repréfenté à ce prince, combien
il étoit de .l’intérêt de fa majefté ^Britannique , &
de celui de l’Angleterre , de la maintenir dans toute
l’étendue de fon droit, elle en obtint le premier
avril 1ÖS5 , la charte dont on à parlé ci-devant 3.
par laquelle , outre la -confirmation des quatre
chartes de fon prédéceffeur , il fît de. fi expreffies 8c
de fi rig.oureufes défe.ules â tçus fes fujets, .qui