
& à celle de la rente de 80 liv. qui lui a été
ftffèétée.
On voit combien cette reffource eft inluffiiânce.
On attribue à cet emprunt un intérêt fixe &
certain de quatre pour cent , & un fécond intérêt
égal à prendre fur le produit des ventes. Les prêteurs
fentiront bien qu’ils ne peuvent compter que
fur le premier, & en effet ils feront prefque anu-
rés de ne pas toucher , au moins en temps de
guerre , les quatre pour cent à prendre fur les
ventes j ainfi cet emprunt offre beaucoup moins
d avantages que Tâchât fur la place , des promeffes
de paner contrat, qui , avec une hypotheque plus
ancienne , offrent près de fept pour cent & un
accroiflèment d un quart du capital en cas de rem-
bourfement.
D’ailleurs les actionnaires fe font déjà refufés à
confentir de fubroger de nouveaux prêteurs à l’hy-
potheque qui leur a été refervée par l’édit d’aôât
17^4 > & Ton ne doit pas compter qu’ils changent
d’avis, lorfqu’ils feront inftruits du peu de bénéfice,
ou plutôt des pertes que donne le commerce ,
même en temps de paix.
Enfin ces fècours feroient infuffifans : ils ne pro-
cureroient que douze millions , en fuppofant que
l’emprunt eut le plus grand fuccès 5 & fuivant les
calculs des députés-eux-mêmes , ils auroient encore
befoin de dix millions au mois de mars & autant
au mois d’aodt de Tannée prochaine , & cela indépendamment
des vingt - huit millions qu’ils ont
compté en recette & qui ne leur rentreront pas.
Comment efpèrent-ils trouver ces nouveaux fonds ?
ils n’en indiquent pas même les moyens. Ainfi
quand le roi leur accorderoit des demandes auflî
exorbitantes , ils fe trouveraient bientôt encore plus
embarafïes.
Les demandes de la compagnie, au gouvernement
font donc d’une part mal fondées , tandis que
de l’autre elle ne ferait pas en état de continuer
fon commerce, quand le roi les lui aceorderoit. Il
en faut conclure quelle eft dans i’impoffibilité de
trouver les moyens de. continuer fon commerce.
C’eft le but auquel nous avons voulu arriver par
Texamen de notre fécondé queftion,
T R O I S I È M E Q U E S T I O N .
EJi- i l de Vintérêt de Vétat de foutenir le
privilège e x c lu s if de la compagnie des Indes ?
L ’examen des deux premières queftions & la
folution que nous y avons donnée, pourroit nous
difpenfer de traiter celle-ci. En effet , s’il eft vrai
qu’il ne foit pas de l’intérêt des actionnaires de
continuer le commerce de l’Inde , il eft inutile
d’examiner fi l’état peut fouffrir de la fuppreffion
ou de la fufpenfion du privilège.
Cette utilité ne feroit pas une raifon fuffifante
our obliger un corps de négocians , & un 110m-
re confidérablé de particuliers à y facrifier une
parue de leur fortune 3 toute entreprifg devant
être de quelque profit, ou du moins ne devant pas
être une caufe de ruiné pour des entrepreneurs qui
ont fourni des fonds librement , • & qui ne les ont
fournis que dans la vue de retirer quelque avantage
de cet emploi de leurs capitaux.
A la vérité on entend des actionnaires , & fur-
tout de ceux qui ont quelque intérêt a Tadminif*
tration , dire « qu’ils doivent continuer l’exercice de
» leur privilège, quelque perte qu’il puiffe en ré-
» fulter pour eux ; que le fentiment flatteur de
» l’utilité du commerce de l’Inde pour l’état, doit
» les dédommager de ce facrifice 3 qu’il faut fe
» montrer patriote, &c. «
De toutes les manières de défendre la nécefîité
de conferver l’exercice du privilège exclufîf de la
compagnie , la plus mauvaife, fans doute , eft
celle de mettre en avant ce prétendu patriotifme
que l’état ne demande point , & qu’on peut regarder
avec raifon , dans plufieuts de ceux qui s’e'11
fervent, comme l’ouvrage du préjugé, ou ce qui
feroit pis encore , d’une inutile affectation.
Que fait le patriotifme dans une affaire pareille ?
Un commerçant doit être patriote comme tout
autre citoyen ; mais ce n’eft pas en fa qualité de
commercant j en tout cas fon patriotifme ne peut
pas confifter à faire pour le bien de l’état, un commerce
ruineux pour lui-même.
On aurait fans doute de meilleures raifons d’exiger
du patriotifme d’un propriétaire de mauvais
terrein, d’employer tout Ion produit net à le cub
tiver, quand il ne devroit lui rendre que les fiais
de récolte , ou le conftituer en perte réelle. Un
pareil emploi de fonds ne feroit pas plus déraifon-
nable, que l’exploitation d’un commerce qui donne
des pertes continuelles. Cependant perfonne ne
propofera férieufèment une entreprife femblable de
culture , & perfonne n’alléguera le patriotifme
comme un motif fuffifant pour y déterminer un
propriétaire.
Mais, ce qu’il y a de plus étrange encore dans
cette allégation de patriotifme e ft, qu’elle eft employée
le plus fouvent par ces perfonnes qui fe
donnent le droit d’être patriotes aux dépens d’autrui,
Je veux dire par les admjniftrateurs des intérêts
des actionnaires. En effet , les membres de
l’adminiftration comme tels, ne font que les chargés
d’affaires des actionnaires qu’ils repréfentent.
Or , quoiqu’ils puifïènt fans doute faire en leur
propre & privé nom de grands facrifices au bien
public, & que plufieurs d’e titre eux fufïent capables
de cet effort , ils ne font pas en droit en leur
qualité d’adminiftrateurs , de perdre un moment
de vue l’intérêt particulier des actionnaires ; tout:
ce qu’ils négligeraient de faire gagner, & tout ce
qu’ils feroient perdre aux actionnaires, feroit autant
d’arraché à la propriété de leurs commettais , qu’ils
font obligés & de conferver & d’augmenter.
Au fefte , je décrie ce patriotifme prétendu,
avec d’autant moins de fc'rupule, que je le trouve
Érès-mai entendu fondé fur une idée fauffe de la
fociété*
fociété. Ceux qui s’en parent fuppofent que îa fo-
ciéte peut avoir quelque intérêt à. continuer un
commerce qui ruine ceux qui le fo n t, c’eft-à-dire,
que le mal particulier & confiant d’un grand nombre
des membres de la fociété, pourroit être un
bien pour la choie publique. Or , je le demande,
y a-t-il un paradoxe plus révoltant & une affertioft-
plus fauffe ? La fociété entière eft conftituée ou doit
l ’être pour le bien de chaque individu, c’eft là le
premier ou plutôt Tunique motif de fon établif-
fement.
Loin que des négocians doivent fe ruiner pour
l etat, ceft à l’état à protéger les négocians & à
empêcher, leur raine par tous les moyens qui ne
font pas ntiifîbles à la fociété elle-même, c’eft-à-dire,
par la protection & la liberté j mais le cas eft chimérique
, ou la ruine confiante & fuivie d’une claffe
de citoyens fèroit de quelque utilité à la fociété.
Toujours le bien général réfulte du bien être des
Individus , & le bonheur particulier eft la feule
route qui conduife furement au bonheur général.
D’un autre côté , fi les actionnaires font dans
1 impoflïbilité de' continuer leur commerce, il eft
encore fuperflu de rechercher fi l’état a quelque
intérêt à cette continuation. En effet , quelque folution
que Ton donne à cette dernière * queftion ,
les défenfeurs du privilège exclufîf de la c om p a g
n ie n’eti pourroient encore tirer aucun avantage 3
car , que leur fèrvira qu’on convienne avec eux
que ce privilège eft d’une grande utilité pour l’état,
fi eux-mêmes ne le peuvent pas foutenir , & fi
letat de fon côté ne peut pas continuer de faire
pour eux les facrifices onéreux qu’il leur a faits fi
long-temps. O r , l’impuiffance de la c om p a g n ie à
foutenir l’exploitation de fon privilège exclufîf,
demeure prouvée par tout ce que nous avons dit
de fa fîtuation aCtuelle dans l’examen des deux
premières queftions j & quand à Timpoffibiiité'oii
fe trouve le gouvernement de facrifier aucune partie
du revenu public au foutien de la c om p a g n ie ,
elle n’eft ignorée de perfonne , & les defenfeurs
du privilège de la c om p a g n ie ne peuvent pas fe
la diffimuler.
D’après ces deux obfervations, la queftion que
nous annonçons devient au fonds oifeufè pour décider
le parti qu’on doit ou qu’on peut prendre relativement
à la c om p a g n ie . Cependant comme elle
eft fouvent agitée, que c’eft de cette utilité qu’argumentent
continuellement les défenfeurs du commerce
exclufîf de l’Inde, nous nous déterminerons
à entrer dans cette difeuffion.
Si les depenfes que le gouvernement a faîtes pour
le-foutien du commerce exclufîf de l’Inde , ont été
infiniment plus onéreufès à l’état que le privilège
exclufîf ne lui a apporté d’avantages , en fuppofant
qa’ij. |ui çn ait apporté quelques-uns. .
Si ces avantages , quels qu’ils ayent été & même
de plus grands, pouvoient & peuvent être procurés
à Tétat par le commerce particulier & l i b r e 1 & fan§
Çomgierce. Tome L P a r t . J/*
1 intervention d’une compagnie exclufîve , il n’efî:
pas de l’intérêt-de Tétat de foutenir le privilège
exclufîf de la compagnie. Or * je vais prouver ces
deux propoficions.
$ I.
Le privilèg e e x c lu ( if de la compagnie a été
p lu s onéreux à V é ta t , q u 'il ne lu i a apporté
d'avantages.
Nous pourrions établir cette prop'ofîtion , en calculant
les frais & le produit du commerce de l’Inde ;
ce qu’il exporte de matières d’or & d’argent, & dé
marchandifes nationales 3 ce qu’il importe de mar-
chartdifès étrangères 3 .ce que les capitaux employés
au commercé de l’Inde produifent d’excedent de
valeur dans la nation , fi tant eft qu’ils ÿ en ayent jamais
produit, &c.
On calculerait d’un autre côté les effets qui pourraient
réfulter d un emploi différent des capitaux mis
dans le commerce de l’Inde. Par exemple , ce que le
royaume .aurait pu tirer d’avantages de ces mêmes
capitaux verles dans des entrepifes de culture , de
navigation, de manufactures, de commerce étranger
de quelque autre efpece. On rechercherait aufli la
fomme des valeurs prifies fur le revenu public pour
foutenir le commerce de l’Inde depuis un certain
nombre d’années 3 on en feroit une année commune
qu’il faudrait ajouter aux dépenfes néceflàires pour
l’exploitation du privilège exclufîf, & la comparai-
fon de ces différents élémens de calculs , donnerait
un refultat qui parait, au moins au premier coup
d’oeil , ne pouvoir être favorable au privilège
exclufîf. ' ' ,
Mais cette maniéré de traiter la queftion , nous
jetterait dans des difcufljons longues & abftraites ;
nous ferions obligés de remonter à des principes
généraux, d’en. tirer des conféquences., & d’en
faire au cas dont il s’agit ici , des applications
qui demanderaient des' détails trop étendus.
Nous prendrons une voie plus, courte & plus
! aifée à fuivre : nous nous contenterons de donner
un refultat exaCt , 1.0 de ce que l’etat a dépenfé
pour l a compagnie depuis fon établiffement, z° du.
produit des ventes en marchandifes de l’Inde : la
comparaifon de ces deux objets mettra le public &r
les actionnaires à portée de juger fî Tétat a gacmé ou
perdu à foutenir le privilège exclufîf de la çompa*
gnie.
Pour éftimer les dépenfes faites par Tetat eu
faveur de la compagnie & de fon privilège exclufîf,
il faut fe rappeller ce qu’elle a eu de fonds originaires
appartenant aux aCtionnaires.Tout ce qu’elle aura
reçu du Gouvernement en fus de ce premier fonds ,
lui aura été donné en confidération de fon privilège
exclufîf, & n’auroit pas été dépenfé par Te tat, fi
ce privilège n’avoit pas eu lieu.
L’edit du mois de décembre 1717 , qui établit la
compagnie d’occident, en fixa le fonds d cçm
Gop'corpp’