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4 accroître confidérablement leur capital, & qui
même avec cette efpérance, ne prêteroient qu’à un
prix exorbitant.
Jufqu’à l’extinélion de Ces rentes viagères., fur
quels ronds les prêteurs feront-ils aflurés de toucher
les intérêts de leurs capitaux ? On ne peut les affecter
fur les -bénéfices du commerce qui font nuis ou j
au moins très-incertains ; il faudra donc que la compagnie
emprunte annuellement les fommes néceflài-
res au payement de ces arrérages; mais trouvera-t-
elle à emprunter ? On fent combien ce projet feroit
ruineux pour les actionnaires qu’il dépouille de la
leule reffource qui leur refte pour réparer les pertes
qu’ils ont fouffertes, & pour les prêteurs qui courre-
roient le rifque évident de ne toucher de long-tems
leurs intérêts,
Plufieurs actionnaires peuvent fe faire illufion fur
la facilité avec laquelle le dernier emprunt a été
rempli ; mais ce fuc-cès doit être attribué à diver-
fes çaufes qui ne peuvent avoir lieu pour un emprunt
proportionné aux befoins de la compagnie• \
Ces eaufès font, i La forme de cet emprunt ;
qui ne peut être employé que pour des befoins I
momentanés, & non pour des emprunts perpétuels. |
On peut rifquer au jeu une partie de fon fuperflu ; ■
mais perfonne ne s’expofera à attendre tous les •
ans fon revenu du hazard d’une loterie.-
i ° . La fureté du rembourfement'affeCté fur la
vente prochaine , dont la rentrée eft certaine au
moins pour la fomme qui y a été engagée.
3°. La brièveté du délai entre l’emprunt & le
rembourfement ; ce terme n’eft tout au plus que
de huit mois ; les billets & les lots doivent être,
pris pour comptant à la vente, ce qui. abrège encore
ce délai de deux mois.
4?. La modicité de la fomme qui a pu être aifé-
nienr fournie par le nombre de citoyens qui eft en
état de rifquer une partie de fon fuperflu.
5°. Il faut convenir que le public s’eft fait payer
un peu chèrement fa confiance. Cet emprunt coûte
à fa compagnie fur le pied de dix pour cent par an
6°. Enfin , il eft manifefte que cette forme d’emprunt
ne peut être adoptée pour un engagement
perpétuel d’une fomme beaucoup plus confidërable,
& qu’il feroit ruineux pour les actionnaires, & contraire
au crédit public.
La compagnie , dira-t-on, a d’autres biens libres;
tels font fes fonds actuellement circulans dans fon
commerce & ^eux-mêmes qu’elle empruntera dans
ce moment, dont les prêteurs pourront fuivre l’emploi
, & qui continueront d’être leurs gages, auflî
bien que les bénéfices que le commerce donnera.
I l eft inutile de nous arrêter à prouver que les
nouveaux capitaux , confiés à la compagnie , ne
peuvent pas fe fervir d’hypothèque à eux-mêmes;
à ce compte il n’y'auroit aucune entreprife de commerce
, quelque décriée qu’elle fut, pour laquelle
on ne put trouver de fonds. Les nouveaux prêteurs
ppiujeroiçqt tous les rifques du commerce St lçs i
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actionnaires en retireroient les bénéfices fi l’on pou-f
voit en efpérer : on fent combien cette forme d’emprunt
feroit contraire aux régies de la juftice &
de la bonne ’ foi.
On convient que , tant que le commerce fera
heureux, les capitaux feront afiîirés , ainfi que le
paiement des intérêts ; mais au premier revers , la
c o m p a g n i e çefiera de payer les intérêts, & peut-
être lés créanciers auront-ils de la peine à retirer
une partie de leurs capitaux.
Quant aux bénéfices futurs, ce que nous avons
dit plus haut de leur diminution fucçeffive depuis
1715 jufqu’à préfent, Sç de la certitude qu’ils diminueront
encore , empêche d’établir aucune efpé-
rance raifonnable fur ce fondement, & par eonfé-
quent de donner fur cet objet aucune fureté receva-s
ble par 4e nouveaux prêteurs.
Je ne doute pas cependant qu’on ne fournifle des
plans de nouvel emprunt qui feront fort ingénieu-
Fement combinés. Jamais la fubtjlité financière ne
fe trouve arrêtée par le défaut de projets. Elle en
produira avec la plus grande facilité ,. & fi on prend
la peine de les difcuter les uns après les autres &
d’en montrer les vices & rimpoffibilicé , elle en fournira
dé nouveaux qu’il faudra difcuter encore. Cç
font les têtes de l’Hidre , mais il faut les couper en
un coup & toutes à la fois , en dinint qu’avec lès pertes
qu’a effuyées la compagnie & dans les circonft-
tances actuelles , les actionnaires ne trouveront pas
foixante , ni quarante , ni même trente millions pour
continuer leur commerce. Si cette affertion a befoin
d’être prouvée au lo n g , ce ne peut-être que pour les
gens à qui on ne prouve rien.
Mais , diront les défenfeurs du privilège exclufif,
nous convenons que la compagnie ne peut pas fe
foutenir par fes propres forces ; c'eft à l’état à l’aider,
comme il a déjà fait plufieurs fois ; fi le roi veut lui
continuer fa proteétion & fes fecours, elle fe relevera.
de l’abaiffeinent où elle eft, & reprendra fon ancienne
fplendeur ; elle n’eft donc pas «dans l’impoffibilité
abfolue de continuer fon commerce.
Il faut que l’intérêt ouïes préjugés aveuglent les
efprits de ceux qui donnent de pareilles raifons , oit
qui les trouvent bonnes,
1°. Toute entreprife de commerce qui ne fè
foutient pas par elle-même , qui a befoin de fer,
cours étrangers & continuels , eft à la lettre dans
Timpoffibilité abfolue de fubfifter ; parce qu’il eft
de l’eflènce & de la nature d’une entreprife de commerce
de s’alimenter par fes profits. C’eft une
extravagance, le terme n’eft pas trop fo rt, que de
vouloir continuer une entreprife qui ruine fes entrepreneurs,
Certainement fi à la création de la
compagnie on eut annoncé au public que le
commerce de l’Inde ne donneroit par lui-iniême
que 4es pertes , mais que l’état le foutiendroit
d’une partie de fon revenu , la compagnie ne fe,
feroit jamais formée , & le gouvernement lui-même
ne fe fut pas prêté à fon établifiement , s il eue
prévu en 1717 , que cette entreprife lui coûte^oic.
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fctt quarante ans , près de quatre cent millions.
Si l’on ne regarde pas aujourd’hui ces dépenfes du
gouvernement comme un très-grand abus, .c’eft qu’on
.s eft accoutumé à voir faire ces facrifices qui n’èn
font pas moins contraires au bien public , pour
avoir, été faits fou vent.
. z°. Que de chofes plus utiles, ou du moins auffi
utiles que de maintenir le commerce exclufif de
l’Inde , que l’état ne peut pas exécuter ! Il feroit
utile que les chemins du royaume fuflent en beaucoup
plus grand nombre ; qu’ils fuffent conftruits
d’une manière moins à charge aux habitans des
campagnes. Il feroit utile que la France fut traverse
de canaux navigables. îl feroit utile que les
impôts fliffent moins péfans , foit par leur quotité ,
foit par la for.ne de leur adminiftxation. Il feroit
utile que les dettes de l’état fuflent liquidées , &c.
Sc fans doute tous ces objets feroient d’une utilité
plus vraie , plus durable, plus importante que le
maintien du commerce exclufif de l’Inde, quelque
avantageux qu’on le fuppofe.
• Cependant telle eft la fituation des affaires, (&
prefque tous les états politiques de l ’ E u r o p e font à
cet égard comme la France ) que l’état n e peut
faire toutes ces, entreprifes, dont plufieurs feroient
des fources abondantes de richeffes : on a beau voir
clairement qu’elles apportéroient des avantages infinis
: on eft forcé, d’y renoncer pour fàtisfaire à
d e s befoins plus preffans ; & fur-tout à celui de
foulager les peuples , 'Sc de liquider les dettes de
l’état.
3 0 . Les demandes que font aujourd’hui au-gouvernement
les députés & adminiftrateurs de la compagnie
, fuffifent pour prouver combien il eft im-
pofflble de la foutenir. Ils veulent que le roi s’af-
îocie au commerce, en achetant 3,072 aélions pour, :
avec les 36,211 a c t u e l l e m e n t exiftantes ,. faire en
tout 40,000 allions.
Que le roi fe reconnoifle débiteur envers la
compagnie d’un nouveau capital de 3 0 millions a u
denier i ? , dont partie fera en paiement des 13 à
114 millions a â r u e l l e m e n t d u s par le ro i, & le^ 16
ou 17 millions d’excédent repréfenteront la perte
qu’o'n l u i a fait fouffrir en lui retirant le privilège
de la traite îles noirs , en permettant l’introduction
des cafés , & en laiflant a fa charge des dépenfes
de fouveraineté dans les différens comptoirs de
l’Inde.
On ne peut s’empêcher de trouver ces deux
demandes bien extraordinaires en elles-mêmes, &
d apres les motifs fur lefquels elles font fondées.
En 1764 , le roi a donné à la compagnie 11,835
actions dont il etoit propriétaire depuis long-temps ,
on lui propofe d’en racheter une partie : cela eft-il
jufte ? Le gouvernement n’a-t-il pas lieu de craindre
qu’on veuille les lui revendre encore aux premiers
befoins de la compagnie.
On ne comprend p a s non-plus comment les députés
& a d m i n i s t r a t e u r s peuvent imaginer qu’outre ce
premier article, qui femonteroità environ 5 millions,
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le roi leur donnera , en pur don, 16 ou 17 millions
par-delà la fomme de 13 ou 14 dont il leur eft redevable.
Ils âuroient dufentir qu’il y a aujourd’hui des
.befoins plus preflans àfatisfaire, des devoirs mêmes
plus inportans à remplir de la part du gouvernement.
Les raifons qu’ils allèguent tombent au premier
examen. L’etat ne doit point d’indemnité pour un
privilège retiré ou reftraint. Mais , en tout ca s, la
compagnie a été indemnifée & pardelà , de la perte
de fon privilège à la traite des noirs par une augmentation
de 3 o liv. par tonneau d’exportation , qui lui
a été accordée par l’Arrêt du confeil du 3 1 juillet
1767 : augmentation qui lui a été beaucoup plus
utile que le commerce de fénégal & de guinée ;
ces deux branches de fon Privilège lui ayant toujours
été à charge par les dépenfes excelfives des
établiflemens de Gorée & du Sénégal.
Quant au préjudice que la compagnie a fouffert,
par l’introduCtion des cafés de marfeille , nous ne
faurions l’évaluer ; mais cet objet ne peut-être que
très-modique.
Enfin , les depenfes de fouveraineté font une condition
nécefiaire de l’exploitation du privilège ; &
puifque la compagnie vouloit en avoir les bénéfices
, il étoit jufte qu’elle en fupportât les charges.
Les z i ou 2z millions que la compagnie demande
(abftraCüon faite des 13 ou 14 qui lui font dus )
feroienr donc un nouveau don du roi abfolument gratuit
, auquel la compagnie n’a aucun droit, & qu’il
faudroit ajouter a tout ce qu’il en a déjà'coure à l’etat,
depuis 1725 , pour le foutien du privilège excla-
fîf. On ne croit pas qu’aucun homme dé fin té refte
& citoyen puifle penfer , après un peu d’attention ,
qu’il foit ni jufte ., ni raifonnable que le gouvernement
fafle cette nouvelle dépenfe pour la compagnie.
Mais ce facrifîce feroit d’autant moins raifonnable
qu’il feroit infufnfant. En effet la compagnie ne peut
pas efpérer que le roi lui paye comptant aucune
partie de cette valeur de trente cinq millions. Cela
eft trop clair & trop connu pour avoir befoin
de preuve. Or que fera-t-elle avec cette augmentation
de trente & tant de millions de fon contrât
fur le roi ? trouvera-t-elle en argent les fonds dont
elle a befoin ? ou les trouvera-t-elle à un intérêt
raifonnable ? Non. Il lui fera donc impoflible de
continuer fon commerce , & les nouveaux facrifices
que lui aura faits l’é ta t, feront perdus comme
les anciens.
La compagnie croira-t-elle trouver une reflource
dans un emprunt par voie d’appel ? Elle demande
en effet à y être autorifée. Elle propofe de faire
un appel de trois cent livres par aélion avec l’intérêt
légal de quatre pour cen t, & quatre pour cent
à prendre fur le bénéfice des ventes , & que l’actionnaire
qui ne fournira pas à cet appel, fubroge
le prêteur jufqu’à due concurence defdits quatre
pour cent d’intérêt à l’hypotheque de fes avions