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par tient la caravane à choifir les officiers , à
régler tout ce qui regarde la police qui doit s’ob-
ferver dans la marche.
Il y a ordinairement quatre principaux officiers ;
fcavoir, le carvanbachi ou chef de la caravane ,
le capitaine de "conduite, le capitaine de repos &
le capitaine de diftribution.
Le premier commande abfolument à tous les
autres, & leur donne fes ordres ; le fécond eft ab-
folu pendant la marche ; le troifiéme n’exerce fon
emploi que lorfque la caravane s’arrête & féjour-
ne j & le quatrième a foin de difpofer toutes les
parties de la caravane, en cas d’attaque & de combat.
Outre cette fon&ion , ce dernier a encore inf-
pedrion pendant la marche fur la diftribution des
provisions de bouche, qui fe fait fous lui par divers
diftributeurs, qui donnent caution au maître
de la caravane , & qui font chargés chacun d’un
certain nombre d’hommes , d’éléphans , de dromadaires
, &c. qu’il doit faire conduire & nourrir à
■fes rifques.
Le cinquième officier de la caravane eft le payeur
ou tréforier qui a fous lui quantité de commis &
d’interprêtes, qui tiennent des journaux de tout ce
qui fe pâlie ; & c’eft fur ces journaux lignés des officiers
fupérieurs , que les intéreffés à .la caravane
jugent s’ils ont été bien fervis. .
Une autre efpèce d’officiers font des mathématiciens
Arabes, fans lefquels aucune caravane ne
voudroit marcher, y en ayant ordinairement jufqu’à
'trois dans les grandes caravanes. Ces officiers tiennent
lieu tout enfemble de maréchaux des logis &
d’aides de camp , guidans les troupes quand la caravane
eft attaquée , & traçant les logemens où elle
doit camper.
On diftingue cinq efpèces de caravanes , les
caravanes pefantes,' compofées d’éléphans, de dromadaires
, de chameaux & de chevaux ; les caravanes
légères, où il entre peu d’éléphans ; les caravanes
ordinaires , où il n’en entre point du tout :
les caravanes de chevaux , dans lefquelles on ne
fe fert ni de chameaux , ni de dromadaires. Enfin les
'caravanes de mer, c’eft-à-dire , un convoi marchand,
efcorté par des vaiffeaux de guerre.
La proportion qu’on garde dans les caravanes
pefantes , eft que lorfqu’il y a cinq cent élephans ,
ont met mille dromadaires & deux mille chevaux
au moins , l’efcrorte eft alors de quatre mille cavaliers.
11 faut* deux hommes pour conduire un
éléphant, cinq pour trois dromadaires , & fept pour
douze chameaux. Cette multitude de valets, jointe
aux officiers & aux paffagers , dont le nombre n’eft
point rég lé, foutient l’efcorte dans le combat, &
rend la caravane plus terrible & plus frire. Les
paffagers a la vérité ne font pas obligés de combattre
, mais s’ils refufent de le faire , ils ne doivent
plus compter fur les provifions de la caravane,
même en payant.
Il y a des élephans qui ne fervent que pour le
comba t j u n é lé p h a n t b ien c o n d itio n n é co û te o r d în ai-
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rement fept Cent cinquante-fept écus. Ils viennent
de l’Inde , leur beauté & leur blancheur augmente
leur prix jufqu’à quinze mille francs.
Le dromadaire qui eft un double chameau, fe
trouve dans les montagnes de Golconde , il coûte
au moins trois cents écus.
Un bon chameau coûte cinquante-rhuit écus. La
Perfe & les états du Mogol en font pleins, mais les
meilleurs viennent de l’Arabie-heureufe.
L ’équipage d’un éléphant coûte foixante-fix écus,
celui d’un dromadaire trente-deux écus , & celui
d’un chameau dix-huit.
La dépenfe d’un éléphant monte à trois écus &
demi par jour en campagne & deux écus pendant
toute l’année ; un dromadaire dépenfe en campagne
cinq abbaffis, dans le féjour , il n’en dépenfe que
la moitié 5 un chameau coûte" en chemin trois abbaffis
& une dans le féjour. La nourriture d’un
cheval, foit qu’il marche , foit qu’il repofe , revient
à un abbaffis par jour 3 celle de chaque homme dans
les voyages de terre , revient à deux abbaffis , il en
coûte le double dans les courfes, parce que le tranf
port de la boiffon demande plus de frais. Voyeç
ABBASSIS.
On appelle voyages de terre , ceux qui fe font
dans les pays habités, où tous les foirs on trouve un
caravanferas j les voyages de courfes, font ceux qui
fe fpnt à travers des deferts.
Le. paiement des officiers & des valets , fe fait tous
les lundis , à moins qu’il ne foit pleine ou nouvelle
lune , en ce cas on le remet au jour fuivant :
on commence à faire le «paiement par les plus -vils
du cortège.
On explique plus bas ce que c’eft qu’un carav
vanferas.
Les armes dont on fe munit, font une carabine
rayée , une zagaye ou demi - pique , deux pifto-
lets , un fabre, une bayonnette & une calotte de
fer qu’on met fous le bonnet.
Un nik , c’eft-à-dire , un enfant de neuf à dix ans
dreffé à cet exercice , monte chaque éléphant ,
qu’il a foin de conduire & de piquer pour l’animer
au combat ; il a encore le foin, de charger les armes
de deux foldats qui montent l’éléphant avec lui;
Le jour marqué pour le départ ne change jamais.
Pour réfîfter davantage aux grandes chaleurs , on
fe fert de bas & de calleçons faits d’une efpèce de
coton tiré ( à ce que dit l’auteur ) de cette pierre
que les anciens appelloient amiante , qui a la propriété
d’être filée après avoir été battue , & qu’on
eftime incombuftible.
Comme la plupart des princes Arabes n’ont point
d’autre fonds pour fubfifter, que le brigandage , ils
entretiennent des efpions pour être avertis au départ
des caravanes , quils at^quent très-fouvent
avec des forces fupérieures , faifant leurs plus grands
efforts contre le centre afin de couper 8c d’enlever
s’il fe peut l’avant-garde-, ce qui leur réuflit aflez
fouvent. Lorfqu’ils ont été repouffés, on en vient
ordinairement à un accommodement dont les çon**
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dirions ne manquent guères d’être obfervées, fur-
tout fi ce font des arabes naturels : mais fi la caravane
eft battue, elle eft abfolument pillée , toute
l ’efcorte demeurant efclave : il eft vrai qu’on a
plus de clémence pour les étrangers.
Quelquefois la prife d’une feule caravane fuffit
pour enrichir ces princes.
La pefte étant fort commune en Orien t, on eft
obligé à de grandes précautions pour empêcher
que les caravanes ne la puiflent communiquer aux
lieux par où elles paffent, ou qu’elles n’en puiffent
être infeélées : auffi lorfqu’on arrive près des
villes , on s’interroge mutuellement fur l’état de la
fanté, & l’on s’avertit de bonne foi de part 8c d’autre,
de ce qu’il y-auroit à craindre 5 & quand il y a
quelque foupçon de maladie , on fournit des vivres
par-deffus les murailles, ne fe permettant réciproquement
aucune communication.
Les profits qui fe font dans ces caravanes pendant
qu’elles font en marche , font fouvent incroyables,
& l’auteur rapporte que, par différentes répétitions
de troc & d’échange , un de fes amis avoit
gagné jufqu’à vingt mille' écus , qui ne lui avoient
coûté qu’une montre d’or de trente louis qu’il avoir
donnée pour deux diamans bruts à un marchand de
la càravàne , avec laquelle il voyageoitv
Ces profits_qui font affez ordinaires , engagent
un grand nombre de paffagers de fuivre les caravanes
8c adouciffent les incommodités qu’il y faut
fupporter. En effet , elles ne font pas légères &
il. faut pour ainfi dire ne compter pour rien ni la
mauvaife qualité des alimens , ni le goût infuppor-
table des eaux qui fouvent manquent tout-à-fait,
ni l’effroyable confufion de langues & de nations ,
ni la fatigue des longues marches , qui en été commencent
à cinq'heures du foir & durent feize heures,
ni les droits exceflifs qu’il en coûte pour les douanes,
particulièrement aux François , à caufe 'de la réputation
qu’ils ont d’être riches : enfin les vols hardis
8c lès filouteries fubtiles où l’on eft expofé au
milieu dé cet amas de vagabonds , qui ne fréquentent*
les caravanes que dans le deffein de vivre aux
dépens ou des fots ou des négligens. Il eft vrai
qu’on peut remédier à ce dernier inconvénient, du
moins pour les çliofes les plus préeieufes que l ’on
porte avec foi, en les mettant à la caiffe de la caravane
, qui eft une efpèce de coffre fo rt, qui comme
ceux d’Europe , ont une ferrure qui ne peut jamais
être ouverte que par ceux qui en ont le fecret.
Il part d’Ezeron capitale de la partie d’Arménie,
qui eft fous la domination du grand-feigneur, une
grande quantité de caravanes, les unes plus fortes ,
les autres moins confîdérables. Il y en a même quelques
unes qui ne font compofées que d’Arméniens ,
comme font celles qui vont porter des foies à
Toca , à Smyrne & à Conftantinople : celles-ci partent
ordinairement dans le' mois de fepcembre.
CARAVANIER. Voiturier qui conduit les chameaux
& autres bêtes de fomme, qui ont coutume
de compofer dans le Levant des caravanes.
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CARAVANSERA ou KARAVANSERA. Lieu
deftiné pour loger & recevoir les caravanes. C’eft
ordinairement un vafte & grand bâtiment carré, dans,
le milieu duquel fe trouve une cour très-fpacieufe.
Sous les arcades qui l’environnent , régne une
efpèce de banquette élevée de quelques pieds au-
defïiis du rez de chauffée , où les marchands &
voyageurs fe logent comme ils peuvent eux 8c leurs
équipages ; les bêtes de fomme étant attachées au
pied de la banquette. Au-deflüs des portes qui
donnent entrée dans la cour , il y a quelquefois
de petites chambres , que les concierges des car&*
vanferas louent très-cher à ceux qui veulent être
en particulier.
. Les caravanferas tiennent en quelque forte lieu
en Orient, des auberges ou hôtelleries d’Europe :
mais une différence très-grande , c’eft que dans les.
caravanferas on ne trouve abfolument rien , ni
pour les hommes , ni pour les animaux , & qu’il y
faut tout porter. *
Là plupart de ces bâtimens font les effets de la
charité Mahométanne ; & les plus grands feigneurs,
par dévotion , ou par oftentation, y confdmmenc
dès fbmmes prodigieufes , furtout fi ç’eft dans des.
lieux fecs’, arides & déferts, où il faille faire venir
de l’eau de loin 8c à grands frais, n’y ayant point
de caravanfera fans fa fontaine.
Il n’y a guères de grandes villes dans l’Orient,
furtout de celles qui font dans les états du grand-
feigneur , du roi de Perfe 8c du Mogol, qui n’ayent
de ces fortes de bâtimens. Les caravanferas de
Conftantinople , d’Ifpaham & d’Agra, capitales de
trois empires, la Turquie , la Perfe & le Mogol,
font furtout célèbres & par leur nombre 8c par leur
magnificence 3 & c’eft-là où les marchands étrangers
tiennent la plupart de leurs magafins, y en
ayant plusieurs dans ces trois villes , q u i, outre ce
qu’on a dit ci-deffus, de la conftruérion ordinaire des
caravanferas , ont des lieux & des appartemens
fûrs & commodes pour lés marchandifes & les
marchands.
L es caravanferas de Schitas , 8c‘ de Cafbin ,
villes confîdérables de Perfe , font auffi en grande
réputation, 8c ne le cèdent guères à ceux de la capitale.
Outre les caravanferas qui tiennent lieu dans
les villes d’Orient , d’hôtelleries 8c de chambreé
garnies pour les marchands , il y en a auffi à
Ifpaham , qu’on peut appeller des bazars ou halles
couvertes , dans lefquels il y a des boutiques & des
magafins , où fe ferrent & s’étalent diverfes fortes de
marchandifes & d’ouvrages, dont l’intendant ou gardien
du caravanfera, répond , moyennant un certain
droit qu’on lui donne.
- C’eft auffi le caravanferakier ( on nomme ainfi.
ce gardien ). qui tient compte de toutes les mar-
chandifés qui s’y vendent à crédit ; étant tenu
de les écrire fur fon regiftre , de même que
les noms dès vendeurs 8c des acheteurs , fe chargeant
même du recouvrement des fommes dues aux