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l'aiTemblée tenue à Paris par les principaux marchands
de cette ville, où aflifterem auffi quantité d’autres ■
perfonnes de confidération, de diverfes qualités &
profeffions.
Le zp du même mois , ces ftatuts ayant été pre-
fencés au roi a Fontainebleau, par les députés de
l’aflemblée , qui s’y étoient rendus ; ils furent examinés
& arrêtés au eonfeil deux jours après.
Au mois d’août, le roi donna fes lettres-patentes
en forme d’édit, expédiées à Vincennes , pour fon
établiffement, qui furent vérifiées en parlement, le
premier feptembre fuivant.
Elles portoietit entr’autres chofes : que la compagnie
feroit formée de tous les fujets de fa majefté ,
même des nobles , fans crainte de dérogeance.
Que chaque part ne pourroit être moindre de
mille livres, ni les augmentations au-deilous de
500 livres;
Que les étrangers, de quelques princes 8c états
qu’ils fuflènt fujets , pourroient entrer dans la compagnie
, & que ceux qui y auroient vingt mille liv.
{broient réputés regnicoles , 8c -en. cette qualité,
jouiroient de tous les privilèges des vrais fujets de
fa majefté.
Qu’il feroit établi une chambre de direction
générale, compofée de z1 directeurs , dont 1z fe-
roient de la ville' de Paris, & les 9 autres des provinces
; ôc que ladite chambre pourroit établir des
chambres particulières, quand & en tels lieux qu’elle
le jugeroic à propos.
Que fa majefté accorde à la compagnie, de
pouvoir feule naviger, à l’exclufio^de tous autres
fujets. du ro i, dans toutes les mers oes Indes, d’O-
rient & du Sud , durant trente ans.
Qu’elle au-roic à perpétuité la pofTefTîon de l’ifle
de Saint-Laurent on Madagafcar, & de toutes les
autres terres , places & ifles qu’elle pourroit conque-,
rir fur les ennemis, ou dont elle pourroit s’emparer
fur les Barbares, pour en jouir en toute propriété ,
feigneurie & juftice , fans y réferver que la feule
foi & hommage-lige, avec la redevance d*une couronne
, & d’un feeptre d’or du poids de cent marcs
à chaque mutation de roi ; lui accordant aufïi le
pouvoir de nommer & établir tous officiers de juftice
& de guerre , nommer ambafladeurs au nom de
la majefté, vers les rois & princes des Indes, & faire
des traités avec eux,
Que la compagnie pourroit envoyer les efpèces
d’or ou d’argent, dont elle auroit befoin pour fon
commerce dans' tous les lieux de fa conceffion,
nonobftant les défenfës portées par les loix & ordonnances
du royaume, & c e , par une permiffion particulière
& par écrit, qui lui feroit donnée,
Que fa majefté ayanceuoit de fes deniers, le cinquième
de la dépenfe qu’il convrendroit faire pour
les. trois premiers arméniens, dont elle ne feroit rem-
bourfée qu’à la fin des dix premières années ? & fans
intérêts j & qu’en cas qu’il fè .trouvât par le compte
général que I3 compagnie eût perdu 4 ç fon capir
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ta l, la perte tombe'roit fur la fonime avancée par fa
majefté.
Que les marchandas qui viendroient des Indes,
& feroient confommées en France, ne payeroient
que la moitié des droits portés par les tarifs; &
que celles deftinées pour les pays étrangers ou
dans les provinces exemptes, foit p a rte rre , foit
par me r, ne payeroient aucun droit' d’entrée ni
de forrie, comme auffi les bois & autres chofes
néceflàires pour la conftruétion & armement des
vaille aux de la compagnie.
Enfin, qu’il lui feroit payé par fa majefté, 50 liv*
par tonneau, pour gratification des marchandifes,
que fes val fléaux porteroienc dans les pays de fa
conceffion , & 75 liv. pour celles qu’ils en rappor-
teroienc & décharyeroient dans le royaume.
Sa majefté lui accorda auffi un fceau, qui portoit
pour légende, Ludovici X I V , Francioe & Navarroe
Regis sigillum, ad ufum fupremi consilii G ail i ce
Orientalis ; 8c elle eut pour armes, un globe d’azur
chargé d’une fleur-de-lys d’o r , avec ces mots ,
Flore bo quocumque ferar ; 8c pour fuppôts, deux
figures, l’une repréfeneant la paix de l’autre l ’abondance.
Les fonds extraordinaires qui furent établis , dont
le roi avança la plus grande partie, & qui ne monr
toient pas moins qu’à lept ou huit millions, mais qui
dévoient aller julqu’à 15; le départ de plu fleurs
flottes, foit pour l’établiflèment projette à Mada-
gafear, qui devoit être le principal entrepôt de la
compagnie, foit pour l'établi flèment-'des comptoirs,,
qu’elle voulolt <\voir dans les Indes ; enfin, I union
& l’afliduité avec laquelle les directeurs de France
tvavailîoient à foutenir cette entreprife , firent d’abord
concevoir une grande idée de cette compagnie
, & en efpérer un grand fuccès.
Mais le mauvais choix de ce premier entrepôt
dans une ifle mal-faine, hahitée par des peuples
cruels & indomptables , moins riche 8c moins abondante
qu’on ne l’avoit cru fur des relations exagérées
; la mort des plus habiles directeurs, envoyés
aux Indes ; la divifion des autres, particulièrement
le peu de fidélité du fieur C aron, Hollandois, qu.’an
avoit avec quelqu’inconfidération, rnis à la tête des
affaires dans ces pays éloignés ; les guerres de 1667
pour les droits de la Reine , & de 167 z contre la
Hollande, enfin, le peu de fuccès de l’efcadre
confîdérable du ro i, commandée par le fieur Des-
hayes, dont une partie périt en 167%, à Trinqùèntale
dans Tifle de Çeylan, où le même Caron l’avoit
mal-à-propos engagée, & l’autre à la prife, à la
; défenfe & à la reddition de Saint-Thomas, en 1673
& 1674 , réduifirent les chofes en un tel état, que
ce qui a fubfifté depuis cette compagnie , ou plutôt
celles qui fe font formées de ces débris , 8c que les.
négocians de Saint-Malo ont foutenües avec quelque
fuccès jufqu’en 1719 , n’en ont été proprement que
le fquelette 8c l’ombre.
On n’avoit néanmoins rien oublié en France pour
foutgjùr & augmenter le commence & Je créait de
estte compagnie. Sa première flotte compofée de
trois vaifleaux & d’une galliote , étoit partie de Breft
le 7 mars 1665; Il en avoit été armé de plus confi-
dérables dans les deux années fuivantes, pour tranf-
poneràux Indes les directeurs, & ceux d’entr’eux
qui avoient été choifis ambafladeurs pour la cour de
Perfe, & pour celle du grand-mogoî ; & l’on avoit
déjà eu avis'que la nouvelle de çe^célèbre établiffement
, avoit été reçue dans tout l’Orient avec une
joie qui fembloit promettre encore plus de fuccès
qu’on n’eût d’abord ofé en' efpérer.
Sa majefté, pour répondre à ces heureux commen-
cemens, déclara par un arrêt de fon eonfeil du z 1
feptembre 166S : qu’outre les deux millions qu’elle
avoit déjà mis dans les fonds de la compagnie , elle
lui feroit encore payer par le garde de fon tréfor
royal, femblable Tomme de deux millions, fur laquelle
fa majefté confentoit pareillement que fuflènt prifes
toutes les pertes, qui pourroient lui arriver dans les
dix premières années de fon établiffement. ■
Il étoit ordonné par le même arrêt que tous
ceux qui avoient fouferit pour s’intérefler dans la
compagnie, & qui n’avoient pas encore fourni
leurs fonds, en payeroient le premier tiers dans un
mois du jour de la publication de l’arrêt ; le fécond
dans le iç novembre fuivant; & le troifîéme tiers
dans le i.ÿ janvier 16.69 , avec néanmoins permiffion
d’abandonner leur premier tiers, s’ils ne fe trouvoient
pas en état, ou en volonté de fournir les deux
autres.- V
Enfin, pour que les intéreffés fuflènt informés
des affaires de la compagnie , il fut indiqué une
affemblée générale dans le mois de novembre
fuivant.
Cette affemblée fut tenue au château des thuile-
ries , mais feulement le 1.5 décembre, en préfence
du roi , à qui M. Colbert rendit compte de l’état de
la compagnie. Il y fut fait auffi une éleCrion de
trois nouveaux directeurs , pour être joints aux anciens
; & fa majefté s’étant fait repréfenter la lifte
des intéreffés, nomma plufieurs commiffaires pour
affifter aux comptes de la compagnie, les examiner,
les calculer & arrêter.
Les principaux de ees commiffaires furent ,
M. de Lamoignon, premier président du parlement,
MM. Puflort & Voifin , confeillers d’état, M. de
la Reynie pour les maîtres des requêtes ; MM. les
procureurs-généraux du parlement, de la chambre
des comptes & de la cour des aydes, & fix des principaux
marchands du royaume.
Le 5 janvier 16 C9, il y eut une affemblée de
tous les commiffaires nommés dans celle du 15
décembre précédent. M. Puflort y rendit compte de
la commiffion , pour l’examen des livres de la compagnie
, dont il avoit été chargé ; enfuite il fut pris
jour pour figner & arrêter lefdits livres, ce qui
s’exécuta le 15 du même mois dé janvier.
Le roi continuant toujours de vouloir être informé
de l’état dq la compagnie , ordonna par une lettre-
de-çaehet du zo avril 1675 , qu’il feroit tenu le 8
mai fuivant, une affemblée générale des intéreffés *
pour y être élu de nouveaux directeurs, & nomme
des commiffaires, pour voir & examiner les regiftres*
papiers & bilans*
L’affemblée ayant été tenue , & les procès-verbaux
qui en furent faits, en date des 19 8c 11 mai, ayant
été rapportés, il intervint une déclaration du ro i,
du 13 feptembre 1675 , qui portoit :
i°. Qu’il feroit fait une répartition de dix pour
cent à tous les intéreffés de la compagnie des Indes,
qui auroient payé les trois tiers des fommes, pour
lefquelles iis auroient pris part au fond capital
d’icelle.
i° . Que le temps de la clôture du paiement des
aCtions, feroit prorogé jufqu’aupremier juillet 1676,
pendant lequel temps les actionnaires pourroient
achever de payer ce qui reftoit par eux dû , auejuel
cas il leur feroit précompté dix pour cen t, pour
leur tenir lieu de répartition.
30. Qu’après ledit temps paffé, fans efpérance de
nouveau délai, aucun n’y feroit plus reçu , & que ce
qui fe trouveroit avoir été par eux paye , accroîtroit
au fond capital de la compagnie*
4°. Enfin-, qu’attendu les pertes que la compagnie
avoit.fouffertes par les guerres , & fa majefté
y ayant égard , elle la déchargeoit des quatre millions
de livres qu’elle lui avoit avancés, fans qu’elle
fût tenue d’en reftituer aucune chofe , ni d’en comp-
i ter à la chambre des comptes & ailleurs
La compagnie ayant encore fubfifté environ dix
ans dans la première forme, qui lui avoit été donnée
par l’édit de 1664; mais ne pouvant plus qu’à
peine remplir fes engagemens, &. continuer fon
commerce, on fongea à lui donner une nouvelle
forme , afin, s’il étoit poffible;, de ranimer fon
crédit, 8c de la tirer de fa langueur.
Pour y réuflir, on tint une afièmblée générale
des intéreffés, le 19 mai 1-684 > indiquée par une
lettre-de-cachet du 17 avril précédent.
Cette lettre-de-cachet ordonnait l’électio n d’un
nombre fuffifant de directeurs , pour remplir la place
de ceux qui étoient morts, ou qui ne pouvoient plus
en faire les fonctions. Elle nommoit des commiffaires
la plupart les mêmes qui avoient été nommés
en 1675, pour faire l’examen & le bilan des livres
de la compagnie ; & marquoit que l’intention de fà
majefté étoit, qu’on pourvût à faire des gratifications
convenables aux directeurs, tant de la chambre
générale de Paris, que des chambres particulières
dés provinces.
Les nouveaux directeurs ayant été élus conformément
à la lettre-de-cachet; on mit pardevant les com-
! miffaires nommés par fa majefté , tous les livres de
compagnie , fçavoir :
Le grand livre de raifon, qui finifloit par le bilan
j fait le z 1 mai 167 5.
Un autre livre de raifon , dont l’entrée étoit
l’iflue du livre çi-deffus , 8c finiffoit par le bilan
préfenté par les fieurs directeurs, & par eux fait &
•arrêté le Z7 dudit mois de mai 1684.