
L arrêt du confeil fut foivi de lettres patentes en
forme de déclaration, du mois de juin enfuivant
enregiftrées au parlement le i-o juillet de la même'
année , a la cour des aydes le 17 , au parlement &
a la eour des aydes de Rouen, les 1 & 4 août 3 au
parlement & a la cour des aydes de Guienne, les
mêmes jour & mois 5 & au parlement de Bretagne ,
le -zp auffi d'août.
Par ces lettres patentes le roi ordonne , que la
compagnie du Sénégal jouiroit de l'exemption de
la moitié des- droits d’entrée des marchandifes qui
viendroient pour fon compte , tant de la côte d’A-
- foque > T le ^es mes & colonies Françoifes -de i’Amé-.
rique , ainfî que fa majefté l’avoit accordé à la comp
a g n ie des Ind e s occidentales.
Tous ces avantages n’empêchoient pas que cette
com p a g n ie , qui jufqués-là n’avoit été compofée que
de .trois perfonnes, ne fût trop foîble pour foutenir
les dépenfes nécefîàires pour ce commerce,
v 9 e ^llt cette confédération qui porta M. Colbert
•a former une nouvelle compagnie , qui par le nom-
a & H ^ckeffe de ceux qui la compoferoient,
-fût^en^ état de pouffer le négoce du S én é g a l, autant
qu'il étoit convenable pour le befoin des ifles de
l'Amérique, qu'on avoit principalement en vue dans
la traitte des Nègres, qu'on vouloit folidement établir.
A F e traité porte , que l'ancienne compagnie cède
a la nouvelle les habitations qu'elle a au Sén ég a l,
dans l’ifle Saint-Louis, & autres lieux à elle apparte
n u s fur les côtes d’Afrique; comme auffi .tous
droits de traitte, facultés & privilèges dans l'étendue
de^ fa conce/fion > pour y commercer & trafiquer
, à l'exclufîon de tous autres , pendant vingt-
quatre ans reftans des trente de fon privilège* &
encore tous les effets à elle appartenans, tarit audit
S én é g a l, qu'ifles Françoifes de l'Amérique , fans
aucun en excepter 3 & enfin, tous les droits., privilèges
& exemptions à elle accordés par les lettres
patentes du ro i, du mois de juin 1679 , & par les
arrêts réndus depuis en fa faveur; à la charge par
la nouvelle compagnie de payer 1,010,01 jliv . à
1 acquit de l'ancienne 3 & en outre de payer le
meme marc d’or, que cette dernière devoit payer
par chacune année , de redevance au domaine d'occident,
ou la valeur en ambre gris*
L e ro i ayant été informé, que quelques fonds
qu'on eut établi pour foutenir le commerce de la
nouvelle compagnie du S é n é g a l, la' trop grande*
étendue de fa yonceflion, qu’elle ne pouvoit remplir
, etoit prejudiciable au commerce de la poudre
a or , & encore plus à la traite des Nègres , de fi
grande importance aux' colonies des ides, fa majefté
révoqua le privilège exdufif de .cette compagnie
, par an arrêt de fon confeil du n feptembre
1684 : & ayant au mois de janvier de l’année fui-
.vante, fixe fa conceilron depuis, le Cap Blanc jufqu’à
Ja rivière de Serre-Lyonne exclusivement 3 elle donna
les lettres patentes pour l’établiffement d’une nouvelle
compagnie y fous le nom de compagnie de
Guinée, donc on parlera dans le paragraphe fui.
P a rle meme arrêt du 6 janvier 1685, qui rédui-*
ioitla conceffion de la compagnie du Sénégal, au^
bornes qu’on vient de' dire, fa majefté lui accorda,
comme pour la dédommager, l'entière propriété de:
tous, les lieux quelle y occupoir, avec tous droits,
feigneurie dirette & juftice , à la réferve feulement
de la foi. Sc hommage , & d'une redevance d'une couronne
d or de 30 marcs à chaque mutation de ro i,
outre le marc, d’or par an , dont elle étoit chargé«
envers le domaine occident : lui confirmant d'abondant
la propriété de l'ifle de Corée, dont fà majefté
lui avoit fait don, par la déclaration dé 1^81 ; le
privilège de porter aux ifles Françoifes de l'Améri^
que, les Nègres provenans de fa traite dans l’étendue
de fa conceffion 3 & les exemptions qui lui
avoient été précédemment accordées.
Les affaires de cette compagnie n’ayant pas eu
tout le fucces qu on avoit efpére 3 & fon commerce,
pendant plus de feptr ans, n’ayant été foutenu que
par les avances^ & le crédit du fieur d’Apougny ,
les autres affociés ne fe trouvant pas en état de le
rembourfer, ils prirent le parti de lui faire vente &
cèlïion de leurs droits audit commerce , moyennant
3-00,000-liv. qui feroierit employées au paiement
des billets faits par la compagnie.
Le contrat de cette vente, paffé le r3 novembre
iûc>4, fut homologué par un arrêt du confeil
du 20 du même mois de. novembre.
. La compagnie du Sénégal a encore fouffert trois
divers changemens depuis celui-ci 3 le premier, en
l ; le fécond, dans les premières années du dix-
huitième fiècle , & le troiflème & dernier , en 1718*.
Le fieur d'Apougny ayant enfuite de fon traité
avec fes affociés , foutenu lui feul le commerce du
Sénégal encore plus d'une année, longea a former
une nouvelle compagnie.
Celle-ci fut la plus malheureufe. Ses actionnaires
ayant long-temps luté contre la mauvaife fortune
& ayant vu leurs billets déerédités , quoiqu'ils
eufïent doublé leurs fonds, & que le miniftre leur
fut favorable , la fociété fut en fin réfolue 3 les aiîo-
\ciés perdirent tous leurs fonds , & cédèrent leurs;
^droits & privilèges à une nouvelle compagnie, ou
entrèrent les plus riches marchands de Rouen.
Ceft cette dernière compagnie, qui après avoir
beureufement continué fon commerce près de dix
années, avoir même augmenté fes établiftemens
au Sénégal, de deux nouvelles habitations, fut enfin
réunie en 1718 à la grande compagnie des Indes,.
L'abbé de Mannet, auteur d’une hiftoire d’Afrique,..
avoit établi dernièrement pour ce commerce
une compagnie qui n’a pas été plus heureufe que
les autres 3 quoique les idées de cet eccfâjaftique,
fur le commerce des, gommes, fuffent trés-folides,.
Compagnie de G uinée. Le roi ayant trouvé 4
propos, comme on-vient de le d ire , de partager
en deux compagnies, la conceffion qu'il avoit faite
a la feule compagnie du Sénégal, donna fes lettres,
COM
patentes fur la fin de janvier iû 8 f -, confirmatives a
celle-ci, du partage qu'il lui avoit fixé par arrêt
de fon confeil, du 6 au même mois 3 & atcribiiti-
ves à la nouvelle , d’un privilège exclufîf, pour faire
feule , fous le titre de compagnie de G u in é e , le
commerce des côtes d’Afrique, depuis la rivière
de Serre-Lyonne inclufivement, jufqu’au Cap de
Bonne-Efpérance.
Les principales claufes de ces lettres furent, que
cette compagnie pourroit feule tranfporter aux ifles
Françoifes , les Nègres qu'elle auroit traités dans
l'étendue de fa conceffion , comme la compagnie
d u Sénégal , ceux achetés dans l’étendue de la
fienne.
Que le dit privilège dureroit vingt années en-
tières-
Qu’elle ne feroit tenue d’aucun dédommagement
& indemnité envers ceux auxquels fa majefté avoit
ci - devant accordé le privilège d'aller & de traiter
dans les lieux qui lui étoient concédés.
Que les terres & poffeffions qu'elle occuperoit fur
lefdites côtes , lui appartiendroient en toute propriété*
Qu’il lui feroit permis d'y coiiftruire des forts,
y fondre des canons , & y entretenir garnifon 3 comme
auffi dé faire tous traités avec les rois Nègres.’
Qu’après l’expiration de fon privilège , elle pourroit
difpofer de fes habitations, armes, munitions,
& autres effets, meubles & vaiffeaux, comme de
chofes a elle appartenantes en toute propriété.
Qu’elle ne fe pourroit fervir pour fon commerce,
d’autres vaiffeaux que de ceux à elle appartenans,
ou aux fujets de fa majefté, & équipés dans fes
ports.
Que les prifes des navires, qui traitceront dans
les lieux de (a conceffion, & tranfporteront des.
Nègres aux ifles Françoifes , feront jugés par l'intendant
defdites ifles , fi elles font faites à la hauteur
•& au-delà des ifles Canaries 3 ’& par les officiers
des amirautés de France., fi elles font faites en
deçà.
Qu’elle auroit la rernife de la moitié des droits
d’entrée pour les marchandifes qu'elle feroit apporter
pour fon compte, tant defdites côtes, que des
ifles.
Enfin, qu’elle jouiroit de toutes les exemptions,
franchifes & immunités accordées à la compagnie
des In d e s occidentales en 1664, & depuis à celle
du Sénégal 3 fous l’obligation néanmoins de faire
porter chaque année par fes vaiffeaux , dans les
colonies Françoifes de l’Amérique , 1000 Nègres
de G uinée, & de porter pareillement par chacun
an , dans le royaume, 1100 marcs de poudre d’or.
La compagnie de Guinée fubfifta fur ce pied,
jufqu’ en 1701 : mais les intérefles ayant manqué de
fatisfaire aux conditions de leur traité, fur-tout en
ne fourniffant pas chaque année le nombre des Nègres,
ftipulé pour la fourniture des ifles Françoifes,
la majefté trouva à propos d’y pourvoir , & de
Fubftituer de nouveaux iméreffés à ceux qui étoient
C OM
morts , ou qui n'étoient plus en état de payer leurs
fonds.
Cette compagnie , dont la conceffion ne finiffoic
qu’en 170? , fut prefque la feule qui profita de la
guère qui commença avec le fiècle pour la fuccef-
fion d’Efpagne. Elle traita avec la permiffion du
ro i, pour la fourniture des Nègres aux colonies
Efpagnoles , & dura jufqu'en 1713 , fous le nom
de compagnie de VAJfiente , dont on va .parler
dans le paragraphe fuivant.
Le commerce de la compagnie de Guinée , étoit
tout femblable à celui du Sénégal, tant pour les
envols, que pour les retours*,
C om pa g n ie d e l’A s s ien t e . C'eft la même <^10
la compagnie de Guinée. Elle prit ce nom Efpa-
gnol, lorlqu’après la déclaration de. la guerre entre
l’Efpagne & les princes de la grande alliance elle
eut fait fon traité avec les miniftres de Philippe V ,
nouveau roi d’Efpagne, pour le tranfport des Nègres
dans les ifles & Terre-ferme de cctre monarchie
en Amérique.
Ce traité fut ligné à Madrid le z'j août de l’année
1701 , par M. du Cafte, chef d’effacfre des armées
navales de fa majefté très-chrétiene, enfuite de la
permiffion de fadite majefté , & fur la procuration
de la compagnie royale de Guinée. Il eft qualifié :
«Traité fait entre les deux rois, très-chrétien 8c
» catholique, avec la compagnie royale de Guinée ,
» établie en France , concernant l’introduction des
» Nègres dans l’Amérique ».
La ratification de fa majefté très-chrétienpe , eft:
du premier feptembre 1702.
Les claufes du traité des affientiftes François
étant à-peu-près les mêmes que celui des affientiftes
Anglois , qu’on doit donner par extrait au paragraphe
des compagnies Angloifes, dans la fuite de
cet article , on y renvoyé le leéteur, pour ne point
entrer dans une inutile répétition.
Sa majefté très-chrétienne, pour favorifer & fou-*
tenir les nouveaux engagemens pris par cette compagnie
avec lés Efpagnols, rendit un arrêt le 18
o&obre 1701 , par lequel elle ordonne :
i°. Que toutes les marchandifes que ladite compagnie
feroit venir des pays étrangers, tant pour
ravitaillement & armement de fes vaifleaux, que
pour fon commerce & la traite des Nègres , aitffi-
biea que celles qu’elle rapportera en retour de l’Amérique
, jouiront du droit d’entrepôt, & ne pourront
être afliijetties à aucun, droit 3 à-condition par
les preneurs defdites marchandifes, d’en fournir un
état avant qu’elles arrivent au port de leur deftina-
tion, & qu’elles foient mifes dans des magafins ,
dont le principal commis des fermes du ro i, auroit
une clef.
20. Que ladite compagnie pourra faire paffer pa.r
le royaume, mais pendant la guerre feulement, les
marchandifes de l’Amérique, provenant de fes retours
, qu’elle aura deftïnées pour les pays étranr
gers, ou pour les provinces du royaume réputées
Nnnn ij
i
ira
!