
leur première aflèmblée, où l’on convint que l*ou-
vércufe des livres de la compagnie fe feroit à Anvers
le 11 août> pour recevoir les foufcriptions de
ceux qui y voudroient prendre intérêt.
Les livres furent ouverts au jour marqué , & la
preffe -fut fi grande' à foufcrire , que dès le lendemain
les fonds furent remplis , prefque tous les
principaux négocions & banquiers de Bruxelles ,
d’Oftende , de Nieuport, de Gand & Bruges , furent
du nombre des foufcripteurs , outre quantité
des plus grands feigneurs des cours de Vienne
& de Bruxelles. Les foufcriptions fur la fin du
mois d’août gagnoient déjà douze à quinze pour
cent.
Tandis que les Oftendois dévoroient pour ainfi.
dire par avance les grandes richeflès qu'ils-fe flat-
toient que cette nouvelle compagnie alloit apporter
chez eux & dans tous les pays-bas Autrichiens;
les compagnies HoUzndoiCes des Indes d’Orient &
d’Occident, alarmées de voir de fi puiflans & de fi :
voifins compétiteurs, prêts à partager un commerce
qu’elles avoient fi long-temps regardé comme un
bien qui n’appartenoit qu’à elles , faifoient de continuelles
inftances au près des états généraux , poulies
exciter à continuer d’employer leur crédit dans la
Cour de Vienne & dans les autres cours, pour arrêter
un établifièment fi préjudiciable à leur commerce.
Elles avoient jufques-là préfenté à leurs hautes-
puiflànces divers mémoires allez modérés ; mais le
péril approchant , l’on en vit deux nouveaux fe
répandre dans le public , le premier du 25» juillet,
& le fécond du 9 août 172-3 , ou ils gardoient ce
femble moins de mefure , & demandoient alfez
clairement aux états la liberté de difputer leurs droits
par la force des armes , & de donner les ordres
qu’elles jugeroient les plus convenables pour, arrêter
les commencemens & tous les progrès des entreprises
des habitans des pays-bas Autrichiens dans le !
diftrkft de leur oétroi.
Sans entrer ici dans la difculfion des prétentions
refpe&ives des anciennes compagnies de Hollande
& de la nouvelle compagnie d’Oftendeon fe contentera
de remarquer que celle-ci fe fonde fur la
liberté naturelle qu’ont toutes les nations de faire
tel commerce en tel lieu qu’il leur plaît, à moins,
que quelque convention particulière ne la leur ait
ôtée, & que les Hollandois prétendent qu'il fe
trouve de ces fortes de conventions entr’eux & les ,
Oftendois , particulièrement par les traités de la 1
Barrière & par celui de Munfter ; l’article 25- du
premier portant que le commerce & tout ce qui en
dépend fubfiftera fur le pied établi par le traité de
Munfter, & plufieurs articles de ce dernier confirmant
les Hollandois dans la pofîeflion exclufive de
faire le commerce des grandes Indes par rapport
aux fujets de fa majefté catholique , alors fouve-
raine de cette partie des pays-bas, qui eftpaflee
depuis fous la domination de l’empereur.
Tandis que les Hollandois agiffoient avec tant
de vivacité contre la nouvelle compagnie d’Oftende,
la France penfant avec plus de modération à l’ut]-*
lité & à la fureté de fon commerce 9 aufli bien qu’à
l’exécution de fes ordonnances concernant les com-
pagnies étrangères, particulièrement de celles de
1669 8c 1670, fe crut obligée d’empêcher fes né-
gocians de difliper leurs fonds en s’intérefïànt dans
la compagnie d’Oftende ; fur-tout l’heureufe fitua-
tion du royaume , & la proteébion que le roi y
accorde au commerce, leur procurant tant de facilité
d’en faire un meilleur ufage dans leur propre
patrie.
Ce fut fur des motifs fi raifonnables, que fa majefté
donna une déclaration le 16 août 172-3 , portant
défenfes à tous fes fujets de s’intéreflèr dans
cette nouvelle compagnie.
Quatre articles compofent cette déclaration.
Par le premier , il eft fait expreffes inhibitions'
à tous fujets de fadite majefté de quelque qualité
ou condition qu’ils foient, de s’intéreffer directement
ni indirectement, fous leur nom ou fous d’autres
, ou en quelque façon ou maniéré que ce foit,
dans la compagnie du commerce nouvellement établie
à Oftende , à peine contre les contrèvenans de
trois mille livres d’amende, & de confifcation de
tous les fonds & effets qu’ils auront dans ladite com*
pagnie ; & en cas de récidive , d’un banniffemenc
pour .trois ans , outre ladite amende & confifcation ;
pour raifon defquelles peines il fera procédé contre
eux par les voies extraordinaires, fuivant les dif*
pofitions de l’ordonnance de 16 7 0 .
Par le fécond article fa majefté ordonne, qu’en
cas que les fonds , intérêts & bénéfices appartenans
à fefdits fujets dans ladite compagnie, ne puifîènc
être faifîs & arrêtés-, il foit prononcé contre eux
outre ladite amende de, trois mille livres , une condamnation
d’une fournie équivalente à la valeur
defdits effets pour tenir lieu de confifcation.
Le troifiéme article porte défenfes à tous mariniers,
tous ouvriers, & généralement tous les fujets
de fa majefté , de s’engager au fervice de ladite
compagnie, fous la peine de confifcation de corps
& de biens , portée par l’édit du mois d’août 1666.
Enfin, le quatrième article défend pareillement
à toutes perfonnes d’attirer , enrôler ou prendre au
fervice de ladite compagnie, aucun defdits fujets-
de fa majefté, en qualité d’officier , foldat, marinier
, ouvrier, ou en quelqu’autre qualité ou manière
que ce fo it, & de vendre , faire vendre, acheter,
louer ou équiper aucun vaiffeau pour le fervice de
ladite comgagnie , à peine du carcan pour la première
fois , & des galères' en cas de récidive ; en-
femble de confifcation, & de trois mille livres
d’amende tant contre le vendeur que contre l’acheteur.
C O M P A G N I E P O R T U G AI S E
SUR LES CÔTES ü’AFRIQUE.
Cette compagnie eft la dernière qui ait été établie
en Europe pour les voyages de long cours. Le
véritable objet de fon établiffement eft la fourniture
des
des Nègres aux colonies du Brefil, qui appartiennent.
à la couronne de Portugal.
Les lettres que fa majefté Portugaife lui a accordées,
font du commencement de l’année 172.4, &
portent :
i°. Que la nouvelle compagnie s’engage de faire
conftruire à fes dépens une fortereflè à 1 embouchure
de la rivière d’Angre, vis-à-vis l’iile dé Corifco,
qui appartient au roi de Bénin proche la côte de
Gabon, autrement, appellée P o n g o , à la hauteur
d’un dégré trente minutes de latitude feptentrionale.
2°. Qu’elle fournira telle quantité de Nègres ,
dont les plantations Portugaifes de l’Amérique au-
ront befoin.
Z°- Qu’il ne fera permis à aucuns1 vaiflèaux Po'r-' :j
tugais ,ni même étrangers, d’aller négocier fur cette j
côte, à peine de confifcation des - bâtimens & désJi
marchandifes.
4°. Que fi néanmoins quelques vaiflèaux y abor-
doient par la tempête, ou autre cas de contrainte,
les commis de la compagnie leur pourroient permettre
de prendre de l’eau, & même pourroient leur
vendre les vivres dont ils auroient befoin, fans néanmoins
leur accorder d’y faire aucun commerce.
ç°. Que la conceffion durera quinze années entières
& confécutives ; après lefquelles il fera loifible
a fa majefté- Portugaife d’ën prolonger le terme, ou
de rentrer en pofîeflion du pays concédé.
69. Enfin, que dans ce dernier cas fadite majefté
pourra reprendre les forts, artillerie, vaiflèaux &
autres effets de la com p a g n ie , en les lui payant
argent comptant, fuivant l’eftimation qui en fera
faite.
Quelque temps après que ces lettres eurent été
rendues publiques, la nouvelle compagnie fit publier
& afficher à Lifbonne les conditions fous lefquelles
on y pourroit prendre intérêt, les fonds dont elle
feroit compofée , ■& le prix de fes aérions. Ces conditions
font expofées en douze articles, dont les
principaux fonp :
Que fes fonds ne feront que d’un million dè cru-
fades.
Que les aérions vaudront mille Crufades chacune
dont les actionnaires paieront en fouferivant trois
cent crufades comptant, pareille fomme au mois de
Décembre 1714 ; & les quatre cent crufades ref-
tantes , iorfque la compagnie jugera à propos d’en
demander le paiement en avertiftant fix mois par
avance. • . . .•
Que ceux des actionnaires qui ne feront pas exaCts
a faire les paiemens aux terme» preferks, perdront
les avances qu ils auront déjà faites.
Que la compagnie paiera à fes actionnaires , à
commencer une année après la première entreprife,
UHj divident de cinq pour dent de la fournie capitale
qu’ils auront fournie , & ce à prendre fur les profits
que la compagnie fera dans fon commerce.
Enfin , que le chef ou commandant général, qui
a entrepris de former cette compagnie , tirem quatorze
pour cent fur les. profits quelle fera, furlef-
Commerce» Tome L P a r t. I L
quels il fe charge de payer les* commis & autres
perfonnes qu’il jugera à propos d’employer fur les
côtes d’Afrique, à Lifbonne, au Brefil ou ailleurs.
Compagnie Hollandoise des Indes orientales.
Les habitans des Pays-Bas ont toujours été
célébrés par le commerce.. Soit génie de nation ,
foit commodité de leurs rades & de leurs ports, il
ny a pas de peuple qui fe foit davantage fignalé
dans le négoce , ôu1 de proche en proche ou par
de loiigües ‘navigations : •& 'bien long-temps avant
que les Romains enflent pénétré jufquaux BataVes, -
; connus préfentëment fous le nom de Hollandois ,■
■ces peuples étoient renommés par le nombre de leurs,
vaiflèaux, & par la richeife de leur trafic.’
D’heureüfes alliances ayant fait tomber ces fertiles-
province^ fous la domination Efpagndlç ; la dureté
du gouvernement , à quoi fe joignit le .zèle d’une
nouvelle religion, les partagea bientôt entre leur
ancien maître, & une république haiflàntè. Une
partie des dix-fept provinces reftà fidèle; l’autre-,
fous les braves princes dé1-‘l’a Wifôn dé Naflau-,
afpira à une liberté, qui lui touta bien du fang ,
mais dont enfin elle fut aflèe héifreûfe de jouir, 8c
qu’ellè a même depuis portée j àuflî-bien que: fa
puiflance , bien au-delà dé fes ;eipërances. •
Ce fut au milieu de ces- guérres: fanglantés , qui
durèrent prefque un demi fîècleque prit naifïance
la compagnie des Ind es orientales.
Les Efpagnôls ayant fermé tous leurs ports à
ces nouveaux républicains, qu’ils regardoient comme
des rebelles;- '&? leur ayant même interdit toute forté
de conSmierCe'aux Indes d’drietït & d'occident, donc
ils étoient alors en quelque façon les maîtres ; la
néceflïté Infpirà à quelques-particuliers de Zélande V
de chercher de nouvelles' routes pour la Chine 8c
les Indes orientales parlèNord-Eft, & en côtoyant,
s’il étoit poffible , la Norvège, la Mofcovie, & la
Tartarie.
Cette entreprife fe fit en 1 ^ 4 , xypy Sc 15'96 ,
par trois arméniens différens, mais - tous fans aucun
fiLccès; les froids extrêmes de la nouvelle Zem-
ble , & les glaces impénétrables du Weigats ayant
ruiné ou rebuté les efeadres qui y furent envoyées.'
Tapdis qu’on tentoit in^ilement ce paffàge , il
fe fit à Amfterdam une féconde compagnie , fous
le nom de compagnie des pays lointains, qui, fous
la conduite de Corneille Houteman, fît partir quatre
vaiflèaux én , par la route ordinaire des
•Portugais, avec ordre de conclure des traités avec
les Indiens, pour lé commerce des épiceries, 8c
autres marchandifes; mais particulièrement dans les
lieux ou les Portugais n’étoient pas encore établis.
Celte petite ^flotte fut de retour deux ans quatre
mois après fon départ, avec peu de gain à Ta
vérité , mais avec de bonnes inftrùérions & de grandes
efpérancès.
‘ L’ancienne com p a g n ie , & une nouvelle , qui
* venoit tout fraîchement de s’établir encore à' Amfterdam
, s’étant unies , elles équipèrent une flotte de
É huit vaiflèaux, qui, fous l’amiral Jacques Vanek,
pPPp