
droit fon niveau. C'eft .un principe général que I on
ne doit jamais perdre de vue. Toute-cfpèce de commerce
peut etre force 3 mais 1 intérêt de l’acheteur
& du vendeur, le ramene bientôt à fon vrai taux.
. fa>ut e5 >érer que les adminiftrateurs de la Colonie
, n abuferont pas de l’autorité qui leur eft confiée,
pour s-emparer de ce commerce au nom du
r o i , & l’interdire aux habitans. L’abus eft trop important
, pour que le miniftère ne le prévienne pas
dans la fuite.
Le commerce de l’Inde, ainfi que celui de la
Chine, fe faifant principalement avec des matières
d argent, qui ne. font point. d’encombrement, tous
lès vaiffeaux qui partiront d Europe deftineront la
plus grande partie de leurs çargaifons en effets, de
confommation pour les colonies & les comptoirs
de l’Inde 3 la concurrence & la néceflité dé comp
lé te r leurs chargemens, les obligeront‘de fe contenter
d’un gain modique.
La colonie fera abondamment pourvue de tous les
befoins par les vaiffeaux particuliers, & elle deviendra
le dépôt de toutes les marchandées d’Europe !
que l’on deftinera pour le commerce de l ’Inde,
Enfin, les habitans s’adonneront à toutes fortes
de culture, & leur induftrie fera excitée par les
différentes Spéculations qu’ils pourront faire fùr le
produit de leurs terres. Le fucre, l’indigo, la ca-
nelle, le coton , le poivre peuvent également y
réuffir, & les variations même fur le plus ou le
moins de faveur qu’éprouvent ces différentes denrées
hâteront les fucces, qui ne dépendront plus dè la
volonté, & fouvent du caprice d’un gouverneur. Les
bénéfices que donneront ces différentes cultures augmenteront
néceflàirement les capitaux.
Du moment que la liberté fera rendue à ce commerce
, plufieurs’négocians pourront fe fixer à rifle
de France , pu au moins des fadeurs de négocians
François, q u i, de-là , dirigeront leurs differentes
opérations dans les autres parties de l’Inde. Ces négocians
encourageront encore la culture, ils attireront
des ouvriers ,& accroîtront d’autant la population.
Alors, l’ifle de F rance deviendra l’entrepôt du
commerce de-la France & de l’Europe même avec
lAfie. Si on y établit un port franc, bientôt toutes
les nations s’emprefferont d’y relâcher, ce qui y augmentera
en peu de temps l’adivité de la culture &
du commerce.
M. de la Bourdonnaye avoit eu ce proj’et en partie.
I l vouloit faire de l'ifîe de France l’entrepôt du
commerce de la compagnie. Ce fyftême- avoit même
ete approuve en France 3 mais comme une oonipa-
gnitn-z peut jamais agir qu’à grands frais, il parut
neceflaire de faire des magafins & des établiffemens
qui auroient jette dans des dépenfes confidérables,
& qui peut-être auroient été inutiles, parce que beaucoup
de gens étoient intéreffés à s’oppofer à cet arrangement
qui leur ètoit les moyens de faire la pacotille.
Auffi-tôt que cet établiflèment aura pris quelque
|onf}fl:giice ? fort peu de Vaiflèaux iront diredement
de France dans 1 Inde ; ils dépoteront leurs effets $C
leurs marchandifes à l’ifle de France , & ils y prendront
les çargaifons qui leur auront été préparées ,
ou qu’ils compoferont des marchandifes que le com-
merce particulier y aura apportées, en forte que les
vaiffeaux reviendront xen France très-aifément dans
la même année. Il s’établira une navigation de l’ifle
de France dans l’Inde, qui fe fera avec une très-
grande économie d hommes & d’argent, parce que
1 on n y emploira que des lafcards, très-bons matelots
du pays, qui ne fe nourrifiènt que de ris, &
dont la folde eft infiniment au-deflous de celle du
matelot François. Plufîeurs de ces lafcards pourront
meme s’établir dans la colonie, fi on leur laiflè le
libre exercice de leur religion.
L ifle de Bourbon établie bien plus anciennement
que l’ifle de France, eft en proportion plus peu-#
plee & mieux- cultivée. Jufqu’ici elle s’eft abandon*
nee entièrement au café, qui eft d’une qualité inférieure
a celui de Moka, quoique le fol & le clf- •
mat paroiflè auflî favorable à cette production que
celui de Moka d’où on a tiré les premiers plans. Il
; e“ très-probable que ce défaut de qualité ne vient
que du peu de foin que les habitans preiinent pour
là culture de cette plante, pour en recueillir 1a '
graine à un degré de maturité convenable , & pour
la faire feeher avec les précautions néceflàires. Leurs
foins a cet égard , fèroient purement gratuits , puif-.
que bon ou médiocre ils en reçoivent toujours le
meme prix aux magafins de la compagniei Lorf-
quils les vendront aux Négocians particuliers, ils
s établira différens prix en proportion des qualités,
& alors les habitans s’appliqueront à mériter la préférence
, & emploieront tous les moyens que leur
didera leur intérêt pour améliorer cette denrée , & •
pour en cultiver beaucoup d’autres qui y réuffirôient
tres-bien,-& fur-tout le coton qui y eft d’une qualité
prefqu’égale à celui de l’Inde. ‘
On éprouvera encore une fois eè que peut la
liberté pour l’amélioration d’une colonie , comme
on l’a éprouvé pour les ifles de l’Amérique ,, .qui
ayant langui pendant près d’un fiècle fous le joug
des privilèges’ exclufifs , & notamment fous celui
de la compagnie des Inde s, oijt tout-à-coup quadruple
leur richefîè , leur commerce, leur population
en vingt ans de liberté, & encore d’une liberté
limitée. Enfin, il nous eft impoffible dè prévoir &
d énoncer tous les avantages qui peuvent réfulter
de l’amélioration de ces deux colonies : nous dirons
feulement que s’il pouvoir arriver que. la liberté nous
fit perdre le commerce de l’Inde , & quelle ne lui
! donnât pas au contraire un accroiffèment confidéra-
j b le , ces ifles recevant par cette même liberté le
: degré de culture , de population & d’induftrie donc
elles font fufceptibles , feront encore pour nous une
fource de richefîè & de force plus réelle & plus
folide que tout le commerce de l’Inde.
Tel eft l’avenir que j’ofe annoncer 3 ou plutôt
celui que le raifonnement & l’expérience promet
tent de concert,.
COM
R É S U M É .
J ’ai réduit toutesTes queftions relatives à la fituation
actuelle de la compagnie des Indes aux trois
fuivantes. i°. Eft-il de l’intérêt des actionnaires de
conferver leur privilège exclufif ? z°. Peuvent - ils
l’exploiter? 3°» La confervation de ce privilège eft-
elle utile pour l’etat ?
Avant d’entrer dans l’examen de ces trois queftions,
j’ai fait une hiftoire fuccinCte du commerce
de l’Inde, depuis 1704 jufqu’en 1715, époque,
où la compagnie actuelle commence à avoir toute
fa confiftance, ou l’on peut connoîcre fon capital
de commerce dégagé des fuites du fyftême. Ce récit
me fuggére quelques réflexions contré les privilèges
en général 5 & la chute -fucceffive des anciennes
compagnies, m’autorife à juger peu favorablement
de celle-ci.
Je'décide la première queftion à la négative , en
prouvant i°. Que le capital d,u commerce de la compagnie
& fon revenu libre ont conftamment diminué
depuis 1725 jufqu’a préfent, & qu’il y a toutes fortes
de’ raifons de croire qu’ils diminueront eiïcore.
20. Que les actionnaires ne peuvent efpérer de rétablir
& de conferver mieux leur capital en continuant
le commerce , attendu la diminution* aCtuelle & graduelle
de leurs bénéfices.
Ayant d’établir la première aiïèrtion , je remarque
qu’on ne doit pas s’étonner de la néceflité où. je
me trouve d’inftruire les actionnaires d’une diminution
de leur capital & de leur revenu libre, qu’ils
ne paroiflènt pas avoir pu ignorer. Je montre que
les actionnaires eux-mêmes n’ont jamais bien connu
leur véritable fituation. J ’afligne les caufes de cette
ignorance dans la forme de leurs bilans , & dans
la fituation arbitraire du dividende attaché à l’aCtion.
Je fais voir que la forme des bilans a toujours été
vicieufè, en ce qu’on y a préfenté comme capitaux
de commerce les fonds morts, & qu’on n’en a pas
diftrait le principal des rentes viagères : ce vice
dans la forme des bilans eft prouvé par deux exemples
; la comparaifon des bilans de 1743 & de
171-6 , avec celui de 1715. Je prouve auffi la fixation
du dividende arbitraire & non déterminée d’après
le revenu libre de la compagnie, par l’exemple dès
dividendes de 1711 & de 1736. Enfin, je cite un
fait important , relatif .aux honoraires des fyndics &
directeurs, qui confirme Ce que j’ai avancé, que
les actionnaires n’ont jamais bien connu les véritables
bénéfices de leur commerce.
Je partage enfuite l’intervalle de 1715 à 1765? en
quatre époques : la première de 1715 à 17363 la
féconde de 1736 a 1743 > la „ troifîème de 1743 a
1756 3 la quatrième de 1756 à 1764, & je montre
dans ces quatre époques , par des états tirés des
regiftres de la compagnie, la dégradation fucceffive
de fon capital de commerce & de fon revenu libre.
Pour cela je commence parreconnoître fon capital
libre eu 172.5 que je trouve être . 137,101,547 1.
& fon revenu libre à la même époque
de. ........................................ 8,2.90,538 1.
‘ La fituation de la. compagnie au
■3 P juin 17 3 6 ne me préfente plus en
capital libre que . . . . . . . . 118,163,303
& en revenu libre que . . . . . 6,973,112
Au 30. juin 1743 , Je ne trouve
plus en capital libre que . . . . 113,141.65)8
& en revenu libre q u e . . . . . 6,785,451
Au 30 juin 1756 , en capital . .138,115,715
& en rev en u .................................... 4,174,611
Je remarque que quoique le capital'
de 1756 furpaflè celui de 1715
d e ............... ... ? .................... 1,014,178
la détérioration du capital de la compagnie
eft cependant plus forte dans
cette époque que dans toutes Tes
autres , parce qu’on trouve que dans
l’intervalle de 1747 à 1756 ,' le roi
a donné à la compagnie . . . • ’ 5)0,390,305’
qui fe trouvent confommés à la différence
énoncée ci deflus.
Pour trouver enfuite la détérioration
du capital & du revenu de la
cômpagnie à l’époque actuelle, comparée
à celles de 1715 & de 1756 ,
je produis ( l’état de- fituation de la
compagnie au premier avril 1769 ,
1 fait & drefle par les députés & ad-
miniftrateurs , en conféquence des
ordres de M. le contrôleur général.
Pour me mettre en état de comparer
la fituation aCtuelle de la compagnie
avec celle des époques précédentes
, je rétablis l’ordre qui a
: été fuivi dans les bilans -, & jé fais
voir par des obfèrvations fur cet état,
que l ’actif doit monter à . . . . . 158,151,005»
Lepaffif & les fonds morts à. • . 1^1,465,186 1.
Ce qui ne laiflè à la compagnie
q u e. ............................... 66,785,813 1,
D’où il réfulte une diminution furie
capital de la compagnie. 1
De 1715 à 1765» de....................70,415,714
De 175^ à 1769 de. . . . . 71,415»,^©1
Et en y ajoutant le montant de
l’appel fourni par les actionnaires ,
ci 13,771,800 la diminution de 1715
à 1769 eft de . ........................... . 84,188,524
De 1756 à 1765) d t . . . , . 85,202,70a
Je fais voir auffi que lê revenu
libre de 17651 fe trouve réduit de. . 8,2^0,538
à’ ..................................................... 3,150,435 1.
Je remarque enfuite que toutes les caufes , qui
ont produit cette dégradation fucceffive de capital
& de revenu entre les mains de la compagnie,
vices d’adminiffoation, frais d’etabliflèmens, dépenfes