
maine, toutes les terres, ifles & pofleffions qu’il lui
avoir cédées, & rembourfa toutes les aétioas des
particuliers.
Cette révocation fi fubitc , ne fut pas néanmoins
entièrement caufée par l’impuiflànce où fe trouvoit
la compagnie de fe foutenir, quoiqu’elle eût fait
de grandes pertes pendant la guerre avec l’Angleterre
, &-qu’elle eût même été obligée de faire des
emprunts pour plus d’un million , & d’aliéner fon
droit exclufîf pour le commerce des côtes d’Afrique.
Il lui reftoît cependant encore de puiiTantes ref-
fources ; mais comme on ne l’avoit proprement établie,
que pour faire rentrer dans les mains des
François , le commerce des Indes d’occident , que
les Holland ois en avoient arraché ; elle ne paroiffoit
plus d’une fi grande néceffité. Cette vûe fe trouva
alors toute remplie; les négocians François, à qui
la compagnie avoit fouvent accordé des per millions
pour le négoce des ifles Antilles-, & du Canada,
y ayant tellement pris goût, & s’étant fi bien fait
à cette navigation , qu’on ne devoir plus craindre
qu’il repaflàt jamais chez les étrangers.
Les marehandifés que les vaiffeaux de la compagnie
apportbient, & qui viennent encore de cette
partie de l’Amérique qu’elle poffédoit, font les lucres,
le tabac, le gingembre , l’indigo, la cafïè,
les cotons, le caret, ou écaille de tortues ; des cuirs,
des pelleteries , fur-tout les riches fourures de caftor
& du loutre ; des bois pour la teinture & la marqueterie.
Âpres la deftru&ion de la première compagnie ,
l’établiffement de Cayenne avoit été languiffant &
prefque abandonné ; les jéfuites établis dans ce pays
comme millionnaires, s’étant emparés de tout le
commerce de la colonie.
A la fuite de la dernière paix, M. le duc de
Choifeul voulut peupler cette colonie; toutlemonde
fçait quels furent les moyens & les fuceès,
Sous Tadminiftration de M. de Sartine , une nouvelle
compagnie s’efl; formée pour le même objet ;
la guerre préfente a du Pembarafler. L’évènement
feul apprendra fi fa conftitution la met à l’abri des
inconvéhiens qui ont ruiné toutes les autres.
C om pa g n ie de la C h in e . Quelques particuliers
s’étant unis en France pour cè commerce,
obtinrent des lettres patentes de conceffion en 1660,
par lefquelles le roi leur acçordoit le privilège exr
clufif pour envoyer leurs vaiffeaux dans la Chine ,
le Tunqüin, la Cochinçhine, & les ifles adjacentes.
A peine cette compagnie fe préparoit à faire fes
premiers envois, qu’elle fut comme abforbée dans
celle des Indes orientales, qui fut établie en 1664.
C?eft de çette dernière qu’on a vu fortir*, par une
efpèce de reftitution, la nouvelle compagnie de la
Chine y que le fieur Jourdan forma flir la fin de
16527.
Le trait-é de ces deux compagnies eft du 4 Janvier
1698, 8c l’homologation de ce traité p^r arrêt
du confeil, du n du même mois.
Rien ne fut plus heureux que le début de cette
nouvelle compagnie. L’amphitrite fon premier vaîfi
feau, parti au mois de mars 1698, fut de retour
le 3 août 1700 , avec une charge extrêmement
riche.
Ce vaiffeau le mit une fécondé fois à la voile,
aufli en mars 1701 , 8c n’eut pas moins de fortune ,
& pour fon retour, & pour fa cargaifon, étant arrivé
richement chargé au mois de ieptembre 17.03 ;
quoiqu’il eût couru fortune de périr au fortir de
Canton, ce qui l’avoit retardé de beaucoup.
L’on eut tant d’efpérance que cette compagnie
fe foutiendroit, que dès le premier retour de l’Am-
phitrite, le roi accorda une nouvelle conceffion pour
quinze années , & qu’on fit partir encore trois vaif>
leaux : mais la guerre pour la fuccelfion d’efpa-
gne , après l’acceptation du teftament de Charles
I I , par le roi Louis XIV, en faveur de Philippe
duc d’Anjou, fon arrière petit fils , découragea cette
compagnie, .qui fe borna à ces cinq envois, dans
la crainte des flottes Hollandoifes & Angloifes , fi
puiflantes dans les mers de l’Inde & de la Ch ine.
D’ailleurs, quelque divifion entre les'affociés , les
empêcha de profiter de l’union qu’ils avoient faite
avec une compagnie de Saint-Malo , formée par
le célèbrç Lepine-Danican.
Les marchandifes qui furent apportées par les-
deux retours de l’Amphitrite , furent, des cuivres
jaunes, en plaques , & en faumons ; du tontenacq ,
autre efpèce, de mçtail 3 ou do minéral, approchant
du cuivre; du thé, du camphre, de la rhubarbe, des
foies écrues de Sina, 8c autres fortes ; du fucre candy,
du galangal, de l’efquine, des mirabolâns, du poivre
; quantité de paravans , de cabinets, d’éventails ,
de cabarets, de boëtes de laque, de .porcelaines,
de tabatières, des cheveux, de l’encre de la Chine j
mêmes quelques pains d’o r , qui furent envoyés à la
monnoie.
Il y avoit eu dans le premier retour un affez grand
nombre de diverfes étoffes d’or, d’argent & de foie ;
la compagnie, qui avoit les mêmes privilèges que
celle des Indes, pouvant en faire venir jufqu’à la
fiomme de 1 so'ooo liv. à la charge de la marque
ordonnée par-les arrêts du confeil du 17 janvier 1697,
14 août 16528, & 30 août 1.700 : mais au fécond
voyage on crut plus à propos de s’abftenir de ce
négoce, fi préjudiciable aux manufactures de France;
8c l’Amphitrite, pour toutes étoffes , ne rapporta
en 1703 , que quelques lits brodés , des robes de
chambre pour, hommes & pour femmes , & des toilettes
en petite quantité. Réunie depuis à la compa-r
gnie des Indes , elle a fubi le même fort.
Compagnie du bastion de France. Deux
marchands de Marfeille , Thomas Linché & Carlin
Didief, furent les premiers qui s’âffocièrent dans le
quinzième fiècle , pour la pêche du corail dans lé
golfe dp Stora Coîircoury, fur les côtes de Barbarie
à l’extrémité du royaume d’Alger, & fur les
frontières de celui de Tunis.
Ayant obtenu de la Porte, fur la fin du régne
de Soliman II , un confentement pour s’y établir,
,& ayant traité avec les Chécqs, où princes Maures
du pays , ils commencèrent en 1561 cette petite
fortereffe , qu’on nomme le bajlion de France ,
dont les François font encore en pofleffion.
Le fieur Moiffac , auffi Marfeillois , ayant entrepris
de continuer cet établiffement , qui n’avoit
pas bien réuffi à fes deux compatriotes, obtint une
conceffion de Mahomet I I I , par le moyen de l’am-
bafîadeur de France, lors réfident à Conftantinople,
laquelle M. Savary de Brèves , qui lui fuccèda , fit
pareillement renouveller par Âchmet I , fils 8c fuc-
ceffeur de Mahomet.
C’eft cette confirmation, qui fait le vingt-unième
article des nouvelles capitulations que cet habile mi-
niftre obtint en 1604, les plus amples, les plus
.avantageufes, & les plus glorieufes à la France,
qui ayent été lignées depuis.
Moiffac & fa compagnie, ne fut gueres plus heu-
reux que les premiers entreprenèurs ; & ce ne fut
qu’au fieur Sanfon Napollon, qui y paffa en 162.8,
au nom de nouveaux affociés , que 1 e bajlion dut
fa perfection ; & la pêche & le commerce , le meilleur
état où ils ont jamais été, ou devant, ou apres,
Ce gouverneur ayant été tué à Tabarque, ville
du royaume de Tunis, au mois de mai 1633 , fa
colonie, qu’il avoit pouffée jufqu’à plus de 800
habitans François, foit officiers , foit foldats', ou
commis, foit corailleurs, fregatiers, & autres ouvriers,
fe diffipa tellement, qu’un an après elle
,11’étôit pas compofee de plus de 400 perfonnes.
D’autres compagnies tâchèrent depuis , mais affez
inutilement, de remettre la pêche du corail fur l’ancien
pied , & de foutenir le commerce des cuirs &
des grains : mais enfin il s’en fit une en 1673 , qui
auroit pu fe flatter de quelque fuccès, fi la guerre
de Hollande, commencée un an auparavant, &
celles qui ont été prefque continuelles jufqu’à la fin
du régné de Louis XIV , n’avoient traverfé cet éta-
bliffement, & caufé'de grandes pertes aux affociés.
La conceffion de cette compagnie n’efl: pas feulement
pour la pêche du corail, qui fe fait au baf-
tion de France, mais encore pour tout le commerce
de cejte côte jufqu’à Gigery ; ce qui comprend la
Calle , Cap de Rofe , Bonne & Colle, dont par fes
lettres patentes le roi lui accorde de faire le négoce ,
exclufivement à tous fes autres fujets.
Pour faire connoître l’état aétuel de cette comp
a g n i e , nous allons tranferire deux mémoires imprimés
dans les éphémérides-économiques de l’année
1775 tom. onzième.
M É M O I R E
A u R la compagnie royale d’Afrique établie à
Marfeille.
Soliman II ayant donné l’ifle de Tabarque, fituée
.entre la mer de Tunis & d’Alger, à Charles V ,
.pour la rançon de Dragut, çorfaire Turc , commandant
treize galères qu’avoit prifes André Doria ; cet
empereur afferma la pêche du corail dans la mer de
cette ifle aux fieurs Grimaldi & Lomellini , de
Gènes.
En 1560 , les nommés Tinchés & Didier, Provençaux
, qui trafiquoient fur les côtes voifines de
Tabarque , entreprirent de faire cette pêche dans la
mer d’Alger, entre cette ifle & Bonne. Le Maure
qui dominoit dans cette contrée*, leur permit de
faire un établiffement, moyennant une forte redevance
, dans un lieu qui fut depuis appellé le bajlion
de France. ( Ce commerce étoit-il de la création
de Colbert ? ) ..
En 1568 , les corfaîres Turcs qui s’étoient emparés
de la ville d’Alger, infultèrent les pêcheurs du
baftion, les maltraitèrent 8c s’emparèrent de cette
place.
En IÇP7, les François obtinrent de la „Porte la
liberté de faire la pêche du corail dans les mers
d’Alger : le baftion de France fut rétabli, mais les
Algériens s’en emparèrent peu de temps après.
En 1604, ,M. de Brèves , nommé à l’ambafïade
de Conftantinople , eut ordre de relâcher à Alger
pour y négocier de paix ; mais fes démarches auprès
de la milice furent fans fuccès.
A fon arrivée à Conftantinople, il renouvella les
capitulations avec la Porte : la permiffion accordée
aux'François dépêcher le corail dans les mers d’Alger
y fut confirmée. Le commerce réétoit■ donc pas
dans le néant fous Henri IV 8r Sully.
En 1637 r Louis XIII profita de l’harmonie qui
régnoit entre fes fujets 8c les Algériens, pour faire
rebâtir un fort fur les ruines du baftion de France,
& il en donna le commandement au fieur Lefage.
Ce fort fut bientôt abandonné, & l’établiffement
pour la pêche & pour la traite fut transféré à la
Cale , d’où les Anglois avoient été chaffés, après
avoir occupé cette place quelque temps.
Les Algériens ayant recommçncé leurs hoftilités
contre les Fi an Cois,, malgré les défenfes du grand-
feigneur; Louis XIV les força à lui demander la
paix : elle leur fut accordée en 1668.
En 16524, le nommé H é li, au nom de neuf inté-
reffés , dont trois, ëtoient de Paris, trois de Bayonne,
& les trois autres de Marfeille , figna une convention
avec le dey, le divan & la milice d’Alger, pour le
privilège exclujif & à perpétuité de la pêçhe du
corail dansles mers qui.en dépendent, & de la traite
des laines , de la cire, des cuirs, du fuif & autres marchandifes
dans quelques lieux de la côte ; ce qui leur
a fait donner le nom de conceffion d'Afrique.
Noteç cette époque du privilège exclujif.
Ce traité ou otoman., porte entr’autres articles
les conditions qu’on va rapporter.
A r t . Ier. Nous déclarons Pierre Héli & fa compagnie,
nommés & avoués de l’empereur de France,
pour la pêche du corail & autres négoces, propriétaires
incommutables defdîtes places du baftion de
France, la Cale, Cap de Rofe, Bonne & autres
places ,.en dépendantesexcluant toutes autres perfonnes
d’y faire aucun commerce fans aveu 8c per-
‘million expreffe.