
Xvlij D I S C
éprouve par la confîdération de celui que
l’autre doit rellèntir , le grand art eft à fon
avis d’éviter le plus qu’on peut de ces préjudices
communs , d’en rejetter le plus
qu’on peut fur fes voifins , qu’on appelle
rivaux.
Un art bien plus facile, bien plus fûr &
bien plus confolant, feroit de tarir la fource
même de tous ces préjudices réciproques,
précifément par ce moyen fl fîmple qu’on
employé de province à province , de fief à
fief, dans tous lès états qui s’éclairent fur
leurs vrais intérêts.
Le gouvèrnement quelqu’il foit, qui don-
■neroit ce bel exemple , recueillerait tant de
bénédiftions & d’avantages inéftimables ,
qu’il forceroit bientôt les autres à le fuivre ,
c’eft notre opinion.
i Attendre que la réciprocité foit établie
par un accord univerfel, c’eft renvoyer pour
le moins à des époques très-éloignées cette
heureufe révolution , qu’un feul grand état
peut opérer tout à coup par une ferme &
généreufe détermination , qui procurerait
d’abord fa gloire & fa profpérité particulière
, bientôt le plus grand bien général
de l’humanité. :
En déclarant une paix générale & perpétuelle
à tout le genre humain', par l’entière
& parfaite ceflàtion de toutes les hoftilités
qu’entraîne la fifcalité mercantile , un fou-
verain s’élèverait par cet ade de bien-
’faifance au-deflùs de tous les autres ; il
n ’en eft point qui ne trouvaffent dans l’amé-
dioration des propriétés foncières des arts &
du Commerce de leurs fujets , un ample
dédommagement des revenus, que leur procurent
des perceptions auffî défàgréables, que
difficultueufes.
Quoi quil en foit, c’eft le voeu que nous
formons en faveur de la famille entière ,
'"très-intimement perfuadés qu’il affureroitfon
bonheur.
C’eft par les mêmes motifs que nous vou-
îdrions voir établir dans l’intérieur des
grandes familles particulières , cette même
liberté qui n’eft ni la licence , ni l’autorité.
Liberté pour le propriétaire foncier de
difpofer de fon héritage de la manière qu’il
juge la plus avantageufe : d’en faire à fon
O U R S
gré des prés, dès vignes, des terres, des
bois, des mines, des carrières : liberté pour
le cultivateur de femer, récolter & vendre
à fon gré les produisions qu’il a fait naître:
liberté pour le manufàâurier de façonner ,
pour le voiturier de tranfporter , pour le
négociant d’acheter & revendre : liberté
pour l’ouvrier quelconque , de travailler
comme il peut, comme il fçait & comme
il veut, fans gênes ,fans prohibitions, fans
conditions & fur-tout fans rien payer ; les
revenus publics étant d’ailleurs amplement
affûtés au moyen d’un partage focial de la
valeur effective des récoltes annuelles entre
le fouverain, le propriétaire St le colon, partage
réglé par la nature.
Nous n’ignorons pas que beaucoup d’écrivains
ont regardé cette idée comme chimérique
5 mais nous fçavons aufïi qu’on a réuni
toute forte de moyens pour la faire croire
telle, excepté la réponfe claire , directe &
pofîtive aux raifbns que nous avons alléguées
cent & cent fois pour en prouver,
non-feulement la poffibilité , mais encore
l’extrême facilité. C’eft qu’en effet tout le
refte étoit beaucoup plus facile que de
répondre.
Nous ofons répéter que c’eft néanmoins
un problème digne d’être examiné fans paf-
fîon , ni perfonnàlité.
Nous ne nous permettons pas la moindre
accufation, pas le plus petit reproche contre
les auteurs qui prônent &_qui défendent
de leur mieux tout l’appareil des Iégiflations
réglementaires fur les manufâétures,le négoce
& les autres arts fecondaires , même fur
les procédés des arts primitifs, de la culture
& des avances foncières. Encore moins ofe-
rions-nous attaquer en rien les adminiftra-
teurs de prefque tous les états modernes,
qui fe croyent obligés de maintenir ce code
quel qu’il’foit dans fon intégrité.
Si ce font des erreurs, comme nous ofons
le croire & le dire , du moins commencent
elles à être anciennes , du moins par
roiffent-elles accréditées, du moins étoient-
elles devenues prefque générales, du moins
leur entière réformation peut - elle en effet
exiger beaucoup de précautions & de maturité,
du moins pour le dire avec franchife.
P R É L I M
les procédés de ceux qui voulurent les
anéantir ont-ils été jufqu’à préfent affez mal
combinés; parce qu'avec des lumières & de
bonnes intentions, le zèle peut s’égarer lui-
même , il peut être féduit ou mal fervi par
les agens fubordonnés. ^
Mais on nous permettra d’expôfer avec
la même naïveté pour la juftification du
fentiment que nous avons' adopté, quelques
motifs qui toucheront peut-être les efprits
juftes , les coeurs droits & fenfibles.
Sans doute les partifans de la doétrine
que nous combattons, n’y trouveront que
des préjugés. Eh bien ! nous les annonçons
'nous-mêmes fous ce titre, au moins nous
femblent-ils, préjugés bien légitimes.
Voici le premier. On fe défie communément
des imaginations, on fuit les fyftêmes,
on craint les nouveautés, on a raifon fans
doute; mais pour le genre humain, les innovations
fyftématiques font précifément ce
corps de doétrine foi - difant politique de
tous les états Européens : ces injonétions ,
ces prohibitions , ces taxations oppofées à
la pleine franchife , à la parfaite immunité
des arts & du Commerce ; il n’en eft point
qui n’ait une date connue , précife & très-
récente.
Pour faire obferver cet amas de régle-
mens modernes , qui différent entr’eux fui-
vant les lieux & fuivant les époques qui
les ont vu naître ; il faut articuler , citer
& produire des commandemens pofitifs ,
écrits & promulgués par des hommes, il
faut prouver qu’ils font encore en pleine
vigueur, car tout le monde fçait que les
aftes publics de cette efpèce font alternativement
modifiés, rétablis, abrogés, oubliés ,
renouvellés Si augmentés fous divers pré
textes, toujours confus, très - fouvent con-
tradiâoires entr’eux.
Mais la liberté, l’immunité, pour les établir
dans tous les droits de leur antique &
1 N A I R E. six
vint fyftêmatiquement après coup , dans un
temps & par des perfonnes qu’on peut in-,
diquer ; que vous reftera-t-il ? La liberté,
l’immunité qui fubfiftent feules par elles- ,
mêmes, qui régnent naturellement par leurs
propres forces , quand l’homme n’y met
pas,un empêchement formel; comme le
foleil éclaire tous ceux qui ne fe dérobent
pas à fa lumière.
Vousparlezd’innovations? Mais vous afïi-
gnez vous-mêmes avec exaâitude la première
primitive intégrité , vous n’auriez befoin
d’aucun effort d’efprit humain , d’aucunes
eombinaifons d’une prétendue fcience ,
d aucunes volontés humaines , mobiles &
tranfitoires. OtéZ^.tout ce qui eft f fut créé par des imaginaatêiotinces ,, ttoouutt ccee qquuii
époque , où la doétrine que vous
défendez, fut mife en pratique.Vous en louez
les auteurs avec enthoufiafme , vous vous
irritez quand on les critique ; mais vous-
mêmes tous les jours 'vous en difeutez les
principes & les conféquences , vous les
corrigez , vous les retranchez , où vous
les étendez, vous les reflufeitez , vous les
replongez dans le néant, fuivant vos opinions
différentes.
Vous ne demanderez pas à la liberté parfaite
, à l’immunité générale , quand elles
furent inventées ? Par qui ? dans quels lieux
elles prirent naifîànce ? Elles vous répondraient
, nous étions avant qu’il y eut des
fyftêmes pour nous reftreindre ; nous femmes
dans tous les lieux où les fyftêmes n’ont
pas pénétré ; nous renaiffens par-tout de
nous-mêmes auflîtôt que les fyftêmes font
abolis.
Second préjugé, L’état le plus avantageux
au genre humain , eft certainement l’éta,t
de fociété, c’eft-à-dire , de tendreffe paternelle
& de piété filiale entre les fouve-
rains & leur nation, de relations fraternelles
entre les grandes familles , qu’on appelle
des empires. Il eft évident qu’il vaut mieux
à tous égards pour les hommes être réunis
que divifés ; s’aimer , que fe hair ; s’aider
que fe détruire,
Mais ces modernes fyftêmes d’injonéfions,
de prohitions, de taxations forment un état
de . guerre continuelle non - feulement de>
peuple à peuple ; mais encore de citoyens à
concitoyens , les agens de l’adminiftration
■réglementaire , étant obligés de veiller fans
ceffe , d’arrêter & de vifiter même les plus
paifibles & les plus fournis des fujets , de
contraindre par des procèdes,de dépouiller
cli