
J U »ES CONSERVATEURS DE LYON.
De tous les juges, gardiens & c o n fe r v a te u r s des
franchifes des foires , qui font préfentement en
F rance, il n’y en a point de plus célèbres que ceux
de la ville de Lyon , ni dont les privilèges foient
plus autorifés, la jurifdiébion plus indépendante &
plus étendue, & la réputation mieux établie , tant
en dehors que dedans le royaume,
v Ces juges, depuis leur établifferaent, ont, pour
ainfi dire, paffé par quatre états différens.
Lorfque les deux premières foires de Lyon furent
établies en 1415», fous le régne de Charles V I , &
enfuite augmentées d’une troifiéme par Charles V I I ,
en 1443 > elles eurent des gardes confervateurs,
tels qu’en avoient les foires de Champagne & de
Brie , fur le modèle desquelles cet établinement fut
fa it, c’eft-à-dire , des gardes par commifllon , &
non en titre d’offices,
Louis XI ayant ajouté, en 146z , une quatrième :
foire aux trois autres accordées aux habitans de cette '
ville par fies prédécefiëurs , en ôta la garde aux i
anciens confervateurs , & l’attribua au bailli de
Mâcon, alors fénéchal de L yon, ou à fon lieutenant
j a la charge neanmoins de juger fommairement
comme les garde£ avoient fait auparavant, & de
terminer les débats fans long procès , ni figure de
-plaids. . D
Cette union de la confervation avec la fénéchauflee
ou fiege préfidial de Lyon , dura jufqu’aii régne
de François Ie r , qui établit un fiége particulier
pour les juges confervateurs, & qui, en 153*,
régla par un édit la compétence de cette nouvelle
jurifdiébioq.
Enfin, les prévôt des marchands & échevins de
Lyon, ayant acquis tous les offices de cette jurif-
diebion., ou la vénalité s’étoit introduite, ainfi que
dans, toutes les autres charges de judicature de France
, elle fut unie au corps confulaire de la ville de
Lyon , par un édit de Louis XIV de l’année 1 6 ^ .
Les officiers juges confervateurs, qui compo-
foient alors la confervation, étoient, un préfident
juge confervattur, un lieutenant, un enquêteur
eommiffaire examinateur , un procureur, & deux
avocats du roi 3 enfin, un greffier, & plufieursprocureurs
poftulans, qui tous furent rembourfés de
leur finance ; à la referve du procureur du ro i, &
des procureurs poftulans, dont le rembouriement &
la fuppreflion ne furent faites que treize ans après,.
en conféquence d’un arrêt contradiéboire du confeil
d état du roi , le roi y féantj & d’un édit du mois
de juillet de 1 annee fuivante , qui en ordonne Inexécution
, & qui fert de réglement à la confervation.
Cet édit fera ci-après rapporté en extrait.
. font donc les prévôts des marchands & échevins
, qui font préfentement juges, gardiens & con?
Jervûteurs des privilèges des foires de Lyon, &qui
tiennent le fiége de la confervation, avec fix aflefi-
• leurs , ou commiffaires nommés par fa majefté, &
«hpiijs paruij les plus habijes marchands & négor
cians, pour l’exercice de la juftice de cette jurife
diétion, conjointement avec eux.
On parlera amplement dans l’article fuivant, de
la jurifdiébion de ces juges 3 mais on croit devoir
remarquer auparavant, que l’union de la conferva-
tion au corps confulaire de la ville de Lyon, n’a
proprement été qu’une reftitution qu’on lui a faite
de fes anciens droits ; puifqu’en effet, dès l’année'
14^4 j Louis XI. avoit accordé aux douze confeil-
lers , ou çonfuls de cette ville , auxquels Henri IV
fubftitua depuis un prévôt des marchands & quatre
échevins , le droit de nommer & choifîr u n , ou plufieurs
prudhommes , pour accommoder à l’amiable
les débats- & procès arrivant en foire , avant qu’ils
fuflènt portés devant le fénéchal de Lyon, ou fon
lieutenant ; & qu’en 1583 , Henri III leur accorda
pareillement le droit de nommer chaque année deux
notables marchands , pour être aflèfleurs du juge
ççnfervateur, & affifter à la déeifion des procès , à
la manière des juges confiils.
CONSERVATION.. Jurifdiébion des juges con-
! fervateurs, On le dit âuflî du lieu , où ces juges
tiennent leur fiége.
Il n’y a plus gnères aujourd’hui que la jurifdic-
tion des juges confervateurs de L y o n , qui foit connue
fous le nom de confervation , ou du moins t
g eft toujours d’elle que l’on entend parler dans le
commerce 3 lorfque fans rien ajouter, il s’agit des
fentences & jugemens rendus par la confervation.
Cette jurifdi&ion , comme on l’a pu voir dans
l’article précédent, n’avoit d ’ a b o r d é t é établie, que
pour connoître des débats , queftipns & proces,
qui étoient n u i s entre les marchands , ^fréquentant
les foires de Lyon , & pour raifon de m a r c h a n d é
fes , & autres faits des foires 3 & l’édit de François I ,
fie » qui en régla alors la c o m p é t e n c e , ne lui
en attribue aucune autre.
Préfentement, & depuis l’édit de Louis X IV ,
du mois de juillet 1669 , la confervation de Lyon
connoît, privativement à tous autres juges , de
toutes les affaires de commerce de cette villp 3 même
hors des foires 3 même en matière criminelle.
De ces deux prérogatives , dont on parlera plus
en detail dans la fuite, lorfqu’on donnera l’extrait
des réglemens de cette' jurildi&ion ; la première
l’égale à toutes les autres jurifdiébiqns çonjulaires
du royaume, à qui elle a fervi de modèle 3 & la
fécondé, auffi-bien que quantité d’autres attributions
, qui lui font particulières, la met dans un
ordre en quelque forte fupérieur , & lui donne une
compétence qui n’eft propre qu’a elle.
Cette vafte étendue de jurifdiébion , que la con~
fervatiop de Lyon s’étoit infenfiblernent attribuée,
& que par fùcceffion de temps, elle s’étoit mêmô
fait confirmer par plufieurs arrêts ou réglemens du.
ccnfèil d’état du ro i, fut caufe, après qu’elle eut
été réunie au corps confulaire , de quantité de con-
teftations entre elle & le préfidial, qui avoit tou«
jours à ooejjr d’en avoir été j pour ainfi dire, exclus
par l’acquifition des charges faites par les prévôt ges, virement de parties, courtage, prosneffes,
des marchands & échevins,; _ j obligations ,& toutes autres affaires entre marchands
Ces conteftations , & les entréprifes continuelles & négocians, en gros ou en. détail, manufacturiers
des deux jurifdiéHons, fur ce qu’elles croyoient réciproquement
être de leur compétence , fomentées â
ce que l’on s’intaginoit par le procureur du ro i,
qui leur étoit encore commun, & qui avoit plus
de penchant pour la fénéchauffée & le préfidial ,
que pour la ville & la confervation, n’ayant pu
être arrêtées par un jugement provifionnel de mon-
feigneur Camille de Villeroy, archevêque de Lyon,
& lieutenant général pour la majefté j non plus que
par plufieurs arrêts du parlement, furent enfin évo*-
quées au confeil du ro i, par arrêt du 21 Mai,1667,
& depuis terminées par. un arrêt contradiéboire du
même confeil, le roi y étant, du 23 décembre
1 6 6 8 , fervant de réglement général, de jurifdic-
tion entre le prévôt des marchands ôc échevins, juges
confervateurs, & le fiége préfidial de Lyon.
Pour afîurer davantage l’exécution de ce célèbre
a rrê t, 1 on vit paroître l’année fuivante un édit donné
à Saint-Germain-en-Laye au mois de juillet, & vérifié
en parlement le 13 août de la même année 1669 y
le roi y féant'en fon lit de juftice.
Cet édit, qui porte réglement pour la juftice
civile & criminelle des prévôt des marchands &
échevins, juges, gardiens, & confervateurs des privilèges
de la foire de L y o n , avec attribution de :
pouvoir jugèr fouverainement & en dernier reffort,
jufqu’à la fournie de 500 livres , eft rédigé en dix-
fept articles 3 defquels on va donner un extrait plus
ou moins ample, fuivant qu’ils paroîtront plus ou
moins importans , par rapport à l’objet de ce Die
iionnaire.
Sa majefté, après avoir loué d’abord le zèle des
prévôt des marchands & échevins, qui les avoit
portés en i66ç , à acquérir de leurs deniers, les
offices qui compofoierit autrefois le fiége de la confervation
, pour procurer â leurs concitoyens
auffi-bien qu’aux étrangers, qui négocient avec eux
la diftribution gratuite d’une juftice prompte & fom-
maire : & apres avoir, pour ainfi dire, rendu compte
des motifs-ae l’arrêt de fon confeil, du mois de
décembre de l’année précédente 1668 : D it, déclare,
ftatue 3 que conformément audit arrêt, tous les
édits déclarations , arrêts & réglemens donnés
pour 1 établiffement & augmentation de la jurifdiébion
des, juges confervateurs de Lyon, & l’union
d icelle au corps confulaire, feroient exécutés félon
leur forme & teneur 3 & ce fàifant.
i°. Que les prévôt des marchands & échevins de
L y o n , juges confervateurs des foires , connoîtront
privativement aux officiers de la fénéchauffée, &
fiége préfidial de ladite ville, & à tous autres juges ,
de tous-proces pour le fait de négoce & commerce
de marchandifes , circonfiances & dépendances ,
foit en temps de foire, ou hors de foire, en matière
civile & criminelle, de toutes négociations faites
pour raifon defiiites foires & marchandifes 3 de toutes
fociétés, commiffions, trocs, changes, rechandes
chofes fervant au négoce, & -autres de quelque
qualité & condition qu’ils foient 3 pourvu que l’une
des^ parties foit marchand ou négociant, & que ce
foit pour fait de négoce & marchandifes, ou manufactures.
z°. Que tous ceux qui vendent des marchandifes,
& qui en achètent pour les revendre , ou qui portent
bilan , & tiennent livres de marchand , ou qui
ftipulent des paiemens en temps de foire, feront
jufticiables des juges confervateurs , pour raifon défi-
dits faits de marchandifes, ôc de foire, ou paiement.
3 °* QU€ lcfdits juges confervateurs connoîtront
privativement aux officiers de la fénéchauffée, & .
fiege préfidial, -des voitures , des marchandifes ôc
denrees, dont les marchands font commerce.
4°* Qn ils connoîtront pareillement de toutes lettres
de répit ,- banqueroutes , faillites & déconfiture
de marchands , négocians & raanufadburiers -
de ^ chofes fervant au négoce, .de quelque nature
quelles foient3 '& en cas de fraude procéderont extraordinairement
& criminellement contre les faillis
, auxquels , & à leurs complices , ils feront &
parferont le procès, fuivant la rigueur des ordonnances
,. a l exclufion de tous les juges3 fe tranüpor-
teront aux maifons & domiciles defdits faillis 3
procéderont à l’appofition des fcellés, confeébiotî
des inventaires , vente judiciaire de leurs meubles
.& effets, même de leurs immeubles , par faiûes ,
criées -, vente & adjudication par décret j & à la
diftribution des ^deniers en provenant, en la manière 1
accoutumée , &c. fans qu’aucune des parties puiiïe
fe pourvoir pour raifon de ce , pardevant les officiers
de la fenechauffée & fiége préfidial, ni ailleurs,
fous quelque prétexte que ce fo it, à peine de trois
mille livres d amende, & de tous dépens, dom-
mages. & intérêts, &c. à la charge néanmoins que
l r '- — es criées rfe~ r—ont- c—erti'fci é- es par l1 es offic■i ers d' e 'l ad--ite
fénéchauflee.
5°. Il eft fait défenfes auxdits officiers-de la fëné-
chauflée & fiége préfidial , & a tous autres jtio-es
de prendre aucune, connoiffance , ni s’entremettre*
â l’appofition defdits fcellés, confeébion d’inventaires
, -décrets , ventes, &c. des faillis, direébement
ni indireébement, fous prétexte de la certification
defdites criées, préventions , requêtes à eux préfen-
tées par des créanciers non privilégiés 3 à peine de
répondre des dommages & intérêts des parties en
leur' nom.
6°. Il eft pareillement fait défenfes â la cour du
parlement de Paris, & và toutes autres cours, d’ordonner
aucuns renvois auxdits officiers de la fénéchauffée
& fiége préfidial, ni ailleurs, qu’aux juaes
confervateurs , de toutes les fufdites matières, & autres
fujettes à la confervation ; ôc auxdits officiers
de les exécuter , à peine de nullité , &c.
7°. Sa majefté attribue auxdits juges confervateurs
la connoiffance ôc jugement de toutes lefdites matiè