
De 1743 à 17)6.'
Montant des ventes en
F r a n c e .......................• 4 L*P 5 > 9 4 7 h
Prix d’achat • • • » 19,252,520
Bénéfice de Tâchât a là
v e n t e .................. .... • .22,4433427 1. s i 6 f p -
1 7 6 4.
Montant des ventes en
France • • . « • • • 5,173,666 1.
Prix d'achat • • . . 2,796,480
Bénéfice de l’achat à la
vente 2,377,186 1. 85
1 7 6 5.
Montant dès ventes en
France . • . « • • • 4,429,615 1#
Prix d’achat . • • . 2,427,366
Bénéfice de l’achat à la
v e n te • 2 ,0 0 2 ,2 4 9 1» 8 2 i * p £
1 7 6 6,
Montant des ventes en
France • • • • • • « 7,130,910 1.
Prix, d’achat • • • . 4,157,696
Bénéfice de l’achat a la
vente 2,973,214 1. 71 £ p£
1 7 6 7 .
Montant des ventes en
F r a n c e ...........5,055,71^ 1.
Prix d’achat . t • « 3,013,340
Bénéfice de l’achat a la
vente 2,042,376 1. 68 p |
1 7 6 8 .
Montant des ventes en
France . . . . . , , f ,83 8,379 I.
Prix d’achat • . . . 3,481,891
Bénéfice de l’achat à la
vente-. 2,346,488 1. 67 f p f
Ç$ tableau présente dçux- objets de ^flexions,
i®. On y voit une différence prodigieufe des bénéfices
de lâchât a la vente entre l’époque de 1724
a i 756 , & celle depuis la reprife du commerce en
1764 jufqu’à préfent ; le commercé dé l’Inde ayant
donné dans la première époque de 96 à 93 pour f ,
& dans la fécondé de 88 à 58 ; & celui de Chine
dans la première époque 141 & 116 pour f , & dans
la . dernière de 8 5 a 67 =V
t z °p Que depuis 1764 , il y a eu , tant dans les
bénéfices de 1 Inde que dans ceux de Chine, une'
diminution graduelle , qu’on ne peut regarder comme
paffagère & momentanée.
En effet , fi les caufes de cette dégradation fub-
fiftent encore , fi elles font permanentes & liées
avec des circonftances qu’on ne peut pas efpérer de
changer , nous ferons en droit de conclure que non-
feulemeut les bénéfices ne rentreront pas , mais
qu on doit s’attendre à les voir diminuer encore.
Les principales caufes de la diminution des bénéfices
du commerce de la compagnie, fur-tout
dans les derniers temps , font les troubles de l’Inde,
& l’étendue qu’a pris le commerce des Anglois dans'
1 Inde, depuis la paix. O r, non-feulement ces caufes
fubfiftent dans toute leur force, mais on ne peut
pas même prévoir quand leur influence finira.
i°. L’Inde eft plus agitée que jamais. Avant l’époque
de i'744, la puiffance du Mogol étoit encore
refpe&ée. Le régné de Nifam-ETMoulouk dans le
Dékan avoir maintenu quelque tranquilité dans les
provinces voifînes où fe trouvent fitués les établit-
■ femens Européens. Aujourd’hui Cha-Halem , empereur
, n’eft fouverain que de nom. Les Soubédars
ou Vicerois des diverfès provinces de l’Inde ne re-
connoiffent plus fon autorité. "Ce vafte pays fe trouve
partagé en un grand nombre d’états indépendans ,
armés ou prêts à s’armer les uns contre les autres*
Lès Marattes , nation dont la guerre eft Tunique
métier , défolent tour-à-tour toutes les provinces
de l’empire , & fe portent fur les établiffemens Européens.
La guerre eft dans le Carnate & dans le
Dékan, La tranquilité du Bengale n’eft qu’un état
forcé , qui ne fauroit fubfifter long - temps. Le
viceroi des trois grandes provinces, de Laknaor,
d’Aoud & d’Eléabad, voifines du Bengale, qui a
été long-temps^ en querelle avec les Anglois , & qui
eft aujourd’hui vifir du mogol, peut à chaque moment
troubler la paix dans cette contrée. La guerre
cjui embrafe déjà plufieurs parties de l’Inde, peut
s étetidre bientôt dans toute la prefqu’ifle.
Les provinces où les Européens ont fait des établiffemens
, font plus expofées encore que les autres
à en devenir le théâtre. Les peuples de l’Inde
ne voient pas de fang-froid des étrangers, établis'
chez eux comme commerçans , aujourd’hui poffefi?
feurs des plus belles provinces , réduire à des pen-
fions l’Empereur , les Soubédars, de difpofer des
revenus d’une partie de l’empire. On ne peut pas.
douter qu’ils ne profitent de la première occafion
qui s’offrira de s’élever contr’eux. Ils fe réuniront
tôç pu tard aux Marattes, q u i, déjà depuis trois
années, ont commencé une guerre qui ne peu*
avoir que des fuites ' fâcheufes pour la compagnie
Angloife , mais dont les effets feront toujours. fu-
neftes pour le commerce des Européens.
Dans cette agitation continuelle , les peuples r
-troublés par les incurfions des armées, ou feulement
par la crainte qu’ils en ont, vexés d’ailleurs par des
tyrannies de tous les genres dans un pays fans chef
& fans lo ix , ne peuvent fe livrer à des arts tranquilles.
L a ruine des manufactures & la cherté plus
grande des.produCtions de celles qui fe foutiendront,
font lés fuites néceftaires- de cette fituation.' Ces faits
généraux font connus de toute l’Europe , & la con-
féquerice que nous en tirons , pour en augmenter
la diminution des bénéfices du commerce de la com- j
pagnie , nous paroît inconteftable.
2 ç. La concurrence feule des Anglois, leur fituation
politique dans l’Inde , & l’étendue qu’elle les
a mis en état de donner à leur commerce dans cette
partie du monde depuis la dernière guerre , font
des caufeS qui diminueront encore les bénéfices de
1 achat à la vente, & des obftacles qu’elle ne pourra
pas furmonter d’ici à beaucoup de temps.
Cette afîèrtionne peut pas être révoquée en doute
par ceux qui connoifïènt Tétat aCtuel de l’Inde , &,
nous ofons le dire , par les députés des actionnaires
& par les adminiftrateurs. Ils font inftruits des faits
fur lefquels elle eft fondée. Il y a des lettres de
l’Inde arrivées depuis peu , datées de diverfes époques
de Tannée 1768 , & par conféquent allez récentes
pour repréfènter Tétat aCtuel : ce feroit à
eux à dire fi ces lettres leur donneront des efpé-
rances bien flatteufes.Quant à moi, d’après ce que
j en ai entendu rapporter , je ne conçois pas comment
on peut fe faire encore la moindre illufion.
Ces lettres portent, dit-on, en fubftance : » Que
» le commerce des Anglois dans le Bengale eft porté
»> a un tel point, que les autres nations ne peuvent
» rien faire.
» Que les demandes de la compagnie Angloife
» dans les manufactures vont au-delà de ce que le
» pays peut fournir ; qu’elles fe montent pour Tannée
w *768 a cent vingt lacs de roupies, qui font trente
» millions 3 que le commerce particulier des An-
» glois en toiles feulement va à plus de quinze
» millions.
» Que la- compagnie Angloife envoie aulli des
» fonds confidérables à la Chine 3 qu’elle y a fait
» paner récemment une fomme de fix millions ».
( Selon des nouvelles d’Angleterre , on a avancé,
dans laflemblée de la compagnie , que les achats
en Chine monteroient pour Tannée aCtuelle à un million
fterling ( environ vingt-deux millions ).
» Qu on ne peut former des cargaifons pour l’Eu-
» rope , qu en achetant des Anglois eux-mêmes leurs
» propres marchandifes à un prix exhorbitant, &
» fouyent d’une très-mauvaife qualité , & qu’il a
» fallu recevoir tout ce qui s eft offert , pour ne pas
» renvoyer les vaiffeaux à vuide.
» Que les Anglois ont fur toutes les autres na-
» tions qui commercent dans l’Inde , des avantages
» qui ne permettent pas à celles-ci de foutenir la
» concurrence.
» Qu’il y a aux moins trente pour | de différence à
» la qualité égale entre le, prix auquel les marchan-
» difes & les toiles en particulier reviennent aux
» Anglois , & celui qu’en payent les autres- nations ;
» de forte que fi la compagnie Angloife profitoit de
» cet avantage pour les ventes , la compagnie Fran-
» çoife ne pourroit jamais foutenir les fiennes.
» Que les Anglois ont encore un autre avantage ,
en ce qu’ils ne payent les marchandifes fur les lieux
» qu’avec les revenus mêmes des provinces qulls
» ont conquifes 3 qu’ils pourroient vendre en Eu-
» rope les marchandifes de l’Inde au prix courant
» de l’Inde 3 tandis que la corhpügnie de France fe
» ruinera., lorfqu’elle ne retirera de l’achat à la vente
» qu’un bénéfice de foixante , & même de foixante-
» dix pour f.
» Que l’argent eft fort , rare dans l’Inde 5 qu’on
» n’y trouve que de l’or , fur lequel on perd jufqu’à
» feize pour cent 3 que les fonds de la compagnie
» Françoife ayant été envoyés en lettres de change
» fur les Anglois , & ceux-ci ne voulant donner que
» de l’or , il y a eu déjà deux cent cinquante mille
» livres de perte fur les traites fur Madras , pour-le
» comptoir fur Pondichéry 3 & que fi les chofes ne
» changent point , la compagnie perdra plus d’un
» million fur les traites pour Bengale ».
Si tous ces faits font vrais , comme on n’en peut
douter , je demande fur quel fondement on peut
affeoir des efpéranees de voir augmenter les bénéfices
de l’achat à la vente. Voilà des caufes qui ont amené
une dégradatiou fucceffive dans les bénéfices depuis
1764 jufqu’à préfent , qui continuent d’agir avec
autant & plus de force que jamais, qu’il n’eft pas
au pouvoir de la compagnie d’arrêter. Elle doit donc
penfer non-feulement que fes bénéfices ne remonteront
pas , mais même qu’ils diminueront encore 3
au moins n’a-t-elle aucune raifon de croire le contraire
? Au refte , nous ne nous fbmmes point fait
de fcrupule dé rapporter les faits qu’on vient de
voir , parce qu’il nous a paru jufte & raifonnable
d’éclairer lés actionnaires eux-mêmes fur leurs véritables
intérêts , & que pour cela on ne peut fe
difpenfer de mettre fous leurs yeux tous les obftacles
qui s’oppofent au rétabliffement de leurs anciens
bénéfices de l’achat à la vente.
C’eft dans la même vue, que nous allons donner
les états des dépenfés & des produits d’une expédition
, dreffés en dernier lieu pour la compagnie
elle-même , & y joindre des' obfervations , pour en,
conclure que la compagnie ne peut pas compter
davantage fur les bénéfices nets.