
Objets de commerce fournis par le cheval.
Outre ce qu’on vient de dire du commerce/ des
chevaux, il Faut encore obferver, par rapport au
négoce , que le cheval lui fournit plufïeurs chofes
ou utiles dans les manufactures , ou propres à
être employées dans plufieurs ouvrages des arts &
métiers.
Les p rin c ip a le s de ces marchandife s f o n t , le Crin
de cheval, Ion p o i l , fa co rn e & fo n cuir».
Le crin frifé ou non frifé., fe vend par les marchands
merciers & par les marchands épiciers. Il
fert à rembourrer les meubles , à fabriquer des
boutons, à faire des cordes, Sec. î^oye{ c r in .
Le p o il, lorfqu’il a été levé de deffus la peau
par la préparation que lui donne le tanneur, s’employé
, mêlé avec du p o il, ou bourre de boeuf Sc
de vache , à garnir des Telles , des chaifes., des
fauteuils, '&c. yoye{ b o u r r e .
La c o rn e p ré p a ré e de différentes m an ières , fe rt
au x o u v rag es des tab le ttie rs-p e ig n ie rs, des lu n e tie rs,
& au tre s femblables artilans. Voye^ c o rn e .
Enfin, la peau de cheval, .qu’on appelle au/fi
cuir de cheval, fe pafle en coudrement, & fe tanne
de la même manière que celle de ,1a vache ; s’employant
auffi aux mêmes ouvrages par les feiliers-
bourreliers.
H uile de cheval. C’en eft la graiffe fondue,
Qu’on tire ordinairement du col & du ventre, qui
lont les parties les plus graffes & les plus oleagi-
nèufes de cet animal. C’eit de cette huile ou graijfe7
que fondent les chiffonniers de Paris , que fe fervent
les émaillèufs pour entretenir le feu de leur lampe.
Les boucannîers de faint-Domingue n’ufent guères
iron plus d’autre huile pour brûler , & en font
même un affez bon négoce a la Tortue Sc aux autres
iiles Antilles. V h u ile de cheval rend peu de fumée, j
te fait un feu plus vif Se- plus brillant que toutes
les autres huiles.
CHEVALINE. Vieux mot qui n’eft plus guère en
«Page qu’à la campagne , où il fignifie la nourriture
&le trafic des chevaux. Ainfi on dit qu on fait une
grande nourriture de chevaline , pour dire qu’on a
des harras, Se qu’on y élève quantité de chevaux.
On dit auffi trafiquer de chevaline , pour trafiquer
4e chevaux.
CHEVALTS. On nomme ainfi 3 en terme de.navigation
& de commerce de rivière, particulièrement
fer la Loire, les routes que l ’on eft obligé d’y faire
en eau baffe pour le pafia’ge des bateaux.
L’article XXI de la déclaration du roi de 1703 ,
donnée pour le rétabliffement & augmentation du
commerce Se de la navigation de la rivière de la
Loire, défend, fous peine de 50livres d'amende , ■
de fermer & remplir de fable les routes vulgarre-
anent appellées ckevalis qu’on fait en eau'baffe pour
l é paflage des bateaux-, duquel délit & amende le
maître marinier fera refponfeble pour fes compagnons.
•
CHEVEUX. Le commerce des cheveux eft très- .
j confidérahle en Europe, Se fur-tout en France ,
depuis que la mode a prefque fait une nécelfité à
tout le monde de prendre des perruques , & de
quitter un ornement naturel, commode Se de nulle
dependance, pour en prendre un qui a précifément
toutes les qualités oppofées.
Ou peut compter prefque par million ce qui
fe confomme en France de cheveux , foit du cm
du royaume, foit de ceux qu’on tire des pays étrangers
3 Se c’eft auffi pour des femmes immenfes qu’il
fe fait des envois de perruques de fabrique françoife,
Se fur-tout de Paris , pour les nations voifines, où
elles font très-eftimees.
Les cheveux de la meilleure qualité fe tirent de
Flandre, de Hollande & des pays du Nord. Ceux
d’Angl terre à la vérité ne font pas' moins bons ,
mais outre qile le commerce en • eft défendu, les
Anglois les confervant pour eux-mêmes , il ne s’en
fait qu’en petite quantité , le peuple qui eft à fen
aife , ne confentant pas aifément à. laiffer couper
les cheveux de leurs femmes & de leurs filles ; auffi
les Anglois font-ils obligés d’en tirer de Flandre
pour leur propre ufage.
En France il n’y a guère que la Normandie, &
peu d autres provinces , également feptentrionales ,
qui fourniffent de bons cheveux , & l’on fait par
expérience que tous ceux des pays chauds font de
tres-mauvaife qualité 3 ce qui fait qu’on n’en tire
aucuns d’Italie, d’Efpagne & de Portugal.
Les cheveux de Normandie s’appellent cheveux
de pays , nom que l’on donne auffi à tous ceux qui'
ne viennent pas des royaumes 8e états du Nord.
Le mérite d’un bon cheveu eft qu’il foit bien
nourri , c’eft-à-dire, ni trop gros , ni trop fin :
point trop gros, parce que la groffeur l’empêcha
de prendre facilement la frifure qu’on veut lui donner
, & qu’il fe jette ordinairement en crefpe Se non
en boucle 3 point au Contraire trop fin , parce qu’il
ne prend qu’une frifure de peu de durée. Salongueur
doit être de 2.4 à Z5 pouces ; moins il eft long , plus
il diminue de prix.
Dans tous les lieux d’où il fe tire des cheveux,
fur - tout en Normandie , en Flandres & en Hollande,
ceux qui en font le commerce en gros, ont
des coupeurs de cheveux, qu’ils envoient dans les
villages, d’où,ils en rapportent fix , huit ou dix livres
à la fois.
Quand les groffiers en ont amaffé confidérable-
rrrent, ils les envoient à Paris, & dans les autres,
lieux où il s’en confomme beaucoup par parties de
yo , 60 & 100 livres, compofées de toutes forces de
.couleurs & de différentes qualités , tant bons que
mauvais, afin que les mauvais pàffent à la faveur des
bons, fouvenc dans cent livres de cheveux ne s’en 1
trouvant pas vingt livres de bons. Auffi toute l’habileté
des détailleurs confîfte-elle à connoître parfaitement
la bonté 8e la qualité des cheveux que les
groffiers leur envoient, pour favoir fi bien fixer le
prix de chaque qualité en particulier, qu’ils trouvent
leur compte fur la vente du totale y ayant tels
cheveux dans les mêmes'parties, qui ne fe vendent
que quatre francs la livre , lorfque la livre des autres
va fouvent jufqu’à fo écus, Se d avantage.
Il n’y a rien de fixe pour le prix des c h e v e u x ,
& l’on trouve en France des c h e v e u x jufqu’à 40 livres
Fonce. Ce font les c h e v e u x blonds qui font les plus
rares & les plus chers. Les blânes vont pourtant
prefque de pair avec eux3 Se une remarque ,. fondée
fur l’expérience, c’eft que les c h e v e u x blancs ne
font jamais mauvais.
La rareté des c h e v e u x blonds a fait imaginer de
les multiplier par P art, & de donner aux c h e v e u x
châtains la couleur blonde 5 ce qui fe fait en les,
mettant*fur l’herbe , comme on fait la toile pour la
blanchir, après les avoir-lavés auparavant avec une
eau limoneufe.
Cette leffive Se l’expofition au foleil les rendent
d’un blond fi fin # fi parfait , que les perruquiers
les plus experts dans la connoiiïance des c h e v e u x y
font aifément trompés , & ne peuvent s’appercevoir
de l’artifice, qu’après qu’ils les ont fait bouillir &
fécher., parce qu’alors ils deviennent couleur de
feuille de noyer lèche. On ncimne ces fortes de ch ev
e u x , c h e v e u x herbés. Il e lt intervenu plufieurs
fentences Se arrêts qui en défendent le commerce, &
condamnent les çontrevenans à l’amende.
Il y a encore une autre manière de teindre les
c h e v e u x , & de leur donner couleur , qui fe fait
avec le biftmut. Si ce font des c h e v e u x d’un blond
trop ardent , cette drogue les rend d’un blond ar-j
genté.j & fi 'ce font" des c h e v e u x d’un faux châtain- j
clair, elle leur donne une couleur d’ardoife , qui ne
déplairoit pas, fi elle étoit naturelle. Le déboully
eft l’épreuve de toutes ces fauffes couleurs , & ïe
biftmut ne la foutient pas.
Les marchands de c h e v e u x de Paris & les perruquiers
n’en tirent en droiture & de la première
main, que de ceux du cru du royaume de Flandre
on de Hollande. Pour les c h e v e u x du Nord , ils
pàffent tous par les mains des Hollandois , qui les
apportent de la mer Baltique , ou des ports de.
l'océan Germanique , par le retour dejleurs vaif-
feaux.
On appelle c h e v e u x v i f s , ceux qui ont été coupés
fftr la tête, foit pendant la vie des përfonnes , îbk
même après leur mort. Les c h e v e u x morts font ceux
qui font tombés après quelque maladie , ou qui fe
font arrachés en les peignant. Les perruquiers emploient
des uns & des autres 3 les vifs cependant font
incomparablement meilleurs que les morts.
L e s c h e v e u x n a t u r e l s f o n t c e u x d o n t l a f r i f u r e n ’a
p a s befoin d ’a r t i f i c e p o u r f e foutenir 3 i l s f o n t r a r e s '
Se t r è s - c h e r s 3 o r d i n a i r e m e n t i l s f o n t c o u r t s , 8e n ’e n t
r e n t g u è r e s q u e d a n s l a f a b r i q u e d e s p e r r u q u e s
•d'abbes, o ù i l f a u t m ê m e m ê l e r u n p e u d e f r i f u r e 1
a r t i f i c i e l l e p o u r le s , f o u t é n i r .
Les c h e v e u x qui ne font pas frifés naturellement -,
le deviennent par l’art, en les faifant d’abord bouillir,
te enfuite en les mettant au four de la manière
Privante.
Après avoir féparé les cheveux qu’on veut frifer,
& mis enfemble , fuivant leur longueur, on les roule,
Se on les attache fortement avec des cordes fur des
bilboquets , qui font de petits inftrumens , ou de
bois , ou de terre cuitte, de la longueur de trois
pouceS , gros de trois ou quatre lignes, de forme
cylindrique, un peu enfoncés par le milieu : en cet
état, on les met dans un chauderon furie feu , où
ils doivent bouillir environ deux heures. Au fortir
de l’eau , on les laiffe fécher 5 * & quand ils font fecs ,
on les arrange fur une feuille de gros papier gris ,
leur donnant à peu près la forme de la viande que
l’on deftineroit à remplir la croûte d’un gros pâté 3
puis on les coüvre d’une autre feuille de papier 3
8e ainfi empaquetés , on les envoie au pâtiffier , qui
leur fait une croûte de pâte commune 3 & qui les
ayant mis au four , les en retire, quand cette croûte
eft à peu près aux trois quarts de fa cuiffon.
La tête du cheveu eft le côté par où il tenoit I
la tête d’où il a été coupé. La pointe c’eft fon extrémité.,
c’eft-à-dire l’endroit par où on commence la
boucle de lafrifiire.
Autrefois les perruquiers ne faifoient aucune différence
dans la fabrique de leurs perruques entre
la pointe & la tête, & les treffoient également par
les deux bouts 3 ce qui les empêchoit de donner à
leurs cheveux une belle frifure , les cheveux treffés
par la pointé n en pouvant prendre de naturelle. C’eft
aux Anglois à qui on eft redevable de cette découverte,
& ce fut un perruquier de cette -nation qui
l’apporta en France.
Les barbiers, baigneurs , étuviftes , perruquiers ,
°nt droit de vendre des cheveux, tant en gros qu’en
detail, dans la ville, fauxbourgs Se banlieue de
Paris.
Ce ne font pourtant pas ordinairement les perruquiers
qui font le commerce des cheveux à Paris.
De quarante ou cinquante magafins quiVy trouvent
de cette niarchandifè, à peine y en ,a-t-il trois ou
quatre qui foient entre les mains de ceux de cette
profeffion.
» Les cheveux pour perruques payent en France
» les droits d’entrée du royaume â r a i f o n de 10 fojs
» par livre pefant, avec les fols pour livre ». .
CHEVRE. Outre la chair de la chevre , qui.fert
quelquefois de nourriture aux pauvres gens , & f o n •
lait , dont l ’ o n fait du frommage, Se que' les médecins
ordonnent aux malades pour le rétabliffement
de leur fe n te , on en tire pour le commerce de trois
fortes de marchandifes , qui font fa peau fon fuif
Se fon poil.
Sa peau fort à faire dumarroquin , & quelquefois
du p a r c h e m i n l’on en contrefait auffi le véritable
c h am o i s ,. Se elle fe peut p a fT e r en mégie.
Le fuif de chevre n’eft guères moins bon pour .
faire de la chandelle,, & pour fervir aux corroyeurs
dans l’apprêt de leurs cuirs, que celui de mouton ,
ou de boeuf. Auffi ceux qui font des nourritures de
ce bétail , ont grand foin, quand les chevres deviennent
vieilles , de les engraiffer pour en avoir le