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N°. P r e m i e r .
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gravée en creux une fleur-de-lys; maïs l’on ajoute
avec d’autres poinçons, des chifres Romains, ou des
points qulmarquent la pefanteur du poids.
Les maîtres ne font pas obligé' de faire étalonner
les petites diminutions ; mais ils les drefient fur la
matrice étalonnée qu’ils ont chez eux, & enfuite les
marquent de leur propre poinçon , avec les chifres
& les points convenables à leur pefanteur.
On appelle, chez les balanciers, remede de poids
de m a r c , ce qu’ils doivent donner à tous les poids
qu’ils fabriquent, au-delà de leur jufte pefanteur ; à
là réferve néanmoins des diminutions, depuis quatre
onces jufqu’au demi-felin , auxquels, .on ne donne
aucun remede : on en parlera ailleurs. Voyeç r e -
rnEDE DES POIDS DE MARC, OU MONNOÏAGE , &
MONNOIE.
Quoique ces maîtres , pour la difcipline xle leur
corps, aient toujours recours à leurs anciens ftatuts,
c’eft cependant .par les divers articles des arrêts du
confeil de 1691, de 165» 5 , & autres fuivans, que le
corps fe gouverne.
Les deux jurés-, ou du moins l’un des deux, a
droit parleurs ftatuts, confirmés, par plufieurs arrêts
du parlement, d’afiïfter aux vifites que font les maîtres
& gardes des épiciers, ou autres des fix corps
des marchands, qui dans leur profeffion ufent de
balances & de poids ; afin de juger avec eux, des
défauts que peuvent avoir lefdits poids ou balances ,
& des abus qui s’y commettent : mais cette police
qui paroît fi raifonnable , vu la capacité & la con-
noiuance que doivent avoir les maîtres balanciers
dans ce qui eft le principal objet de leur art &
métier , ne s’obferve plus : & la communauté des
balanciers , qui à peine fiibfifte encore , n’eft guè-
res en état de faire valoir ce privilège , dont fans
doute le public ne fe trouve-roit pas plus mal, s’ils
y étoient rétablis.
Balance du Commerce.
La balanc e du commerce eft une comparaifon
qu’on tâche d’établir comme on fcait & comme on
p eu t, entre les achats annuels que font les néoo-
cians d’un pays , & leurs ventes dans les autres
contrées , pour déterminer, à ce qu’on d it, s’il
entre plus d’or & d’argent qu’il n en f o r t , ou s’il
en f o r t plus qu’il n’en entre.
Cette comparaifon eft-elle pojfible, eft-elle utile ?
L ’entrée & la fortie de l’argent font-ils ou ne font-
ils pas des objets importans , que l’adminiftration
puiftè & doive connoître , régler & modifier ? Ce
font de grandes queftions que nous ne devons pas
réfoudre ici nous-mêmes : nous nous contenterons
d’expofer, fur cette matière, les fentimens divers ,
d’après les auteurs les plus célèbres que nous citerons
mot à mot ; le premier fera M. Melon, partifan
de l’opinion vulgaire des politiques modernes ; le
fécond, M, Hume, qui tient un parti mitoyen ;
le trqifième enfin, M. de la Rivière , qui défend les
principes économiques fur la liberté générale &
finupiioité parfaite de tout çommerce,
Opinion vulgaire des politiques modernes, expofée
par M. Melon.
L’objet principal de cet article, eft d’examiner
comment le légiflateur peut connoître la balance du
commerce ; & cette connoiltànce fuppofée, comment
il doit agir, ou pour la foutenir fi elle eft
avantageufe , ou pour la changer à notre avantage.
Il femble d’abord que la connoiffance des mar-
chandifes d’entrée & de fortie , doit procurer en
même temps la connoiffance de l’avantage ou'du
défavantage avec les nations 011 nous envoyons , &
de qui nous recevons. Mais cette connoinance eft
imparfaite, parce qu’elle ne peut pas être accompagnée
du prix des marchandifes, car ce feroit une
inquifition dangereufe du commerce , d’exiger une
telle déclaration dés négocians, & les vérifications
en feroient impoffibles.
C’eft lé change qui avertit du commerce, non
pas le change momentané, & de quelques jours ,
mais la totalité des changes d’une année. Si deux
nations n’avoient de commerce qu’entr’eiles, comme
dans la fuppofition de deux ifles, le change fupé-
rieur de l'u n e, démontreroit fa fupériorité dans le
commerce. Mais entre tant de nations commerçantes,
ce que l’une gagne d’un côté, elle peut le perdre
de fautre, & if n’eft pas poffible de fuivre tous les
détours des arbitrages fur tant de changes différens
toutesfois une expérience raifonnée nous apprend
qu’ils peuvent tous fe rapporter aux grandes places
où la nation commerce le plus. Ainfi lorfque la
fomme des changes pendant une année aura été
favorable à la France fur Amfterdam, Londres &
Cadix, on peut affurer que la balance nous a été
favorable : il fuffiroit même de connoître le change
entre Paris & Amfterdam , ces deux villes étant
comme la çaiïïe générale de l’Europe commerçante,
Londres & Amfterdam peuvent avoir le change
défavorable avec la France , & avoir cependant une
totalité de commerce avantageux, parce qu’ils foldent
fur l’Efpagne & fur le Portugal, qui ne foldent
qu’en argent.
Les profits du change doivent être proportionnés
aux profits du commerce, ou autrement à la dette
de la'nation. Suppofons le commerce d’une année
avantageux, de forte que le change donne deux
pour cent. Si le même profit fubnfté les annéês
fuivantes, le change devroit aller en augmentant
toujours de fuite : cependant ce progrès du change
n’arrive jamais, quoique le même profit de commerce
fubfifte , parce que le négociant n’acquitte
en change qu’autant qu’il lui eft plus profitable que '
les périls & les frais de la voiture : ainfi le change
ne peut hauffer par de-là çe point ; car par de-là,
le négociant voiture-toit,
Si le change indique une balance dëfeffcueufè,
alors par l’examen des marchandifes d’entrée, par
sfes çômparaifoiîs avec les années précédentes, &
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par d’autres obfervations faciles, le légiflateur voit
quelle eft la partie fouffrance, & cherche les moyens
de la rétablir ; & c’eft là un des principaux ufages
des bureaux d’entrée & de fortie.
Ge n’eft pas qu’une balance pourroit être bonne,
& le commerce défectueux ou infuffifant , quoique
fupérieur par le change à celui de nos vôifins ; nous
pourrions leur envoyer une plus grande quantité
de marchandifes que nous n’en recevons , le tout en
fi petite quantité , qu’il nous refterpit du fuperflu ,
& que nous manquerions de quelque neceffair-e :
alors cela tient à des caufes étrangères au commerce,
comme il a pu arriver dans les guerres ou> toutes
les puifîances de l’Europe commerçaient entr elles a
notre exclufion. Mtis il leur manquoit tant de chofes
effentielies , que les Hollandois, au plus fort de la
guerre , nous demandèrent un commerce neceffaire
pour eux , par la fertilité de notre excellent terroir.
Il y a eu fouvent dans des temps de guerre, une
compenfation entre les profits de notre commerce ,
& les pertes de nos emprunts à 1 étranger. C etoif
le régne de l’ufure ; à peine connoiffoic-on les termes
de balance du commerce ; il ne s’agiffoit que
d’offrir des avances , partie en fauflè valeur fur des
créations de charges, inutiles ou perïiicieufes, avec
trois fols en dehors, ou deux lois, en dedans de
profit, & quelque indemnité. Ces avances funeftes
étoient acceptées par le miniftre toujours en befoin
d’argent : & les étrangers riches de. leur banque , de
leurcredit & de nos fautes, fourniffoient aux entre-
prifes des traitans enrichis encore a prendre de 1 argent
à tout prix. ' - . .
Quelle pouvoir être alors la reflource du négociant
, dont le commerce doit porter encore plus
fur fon crédit que fur fes fonds,. & qui fait que-
fes profits ne peuvent pas foutenir un interet de
dix pour cent à payer ? il cherche le bas intérêt, &
le prend chez l’étranger , où fouvent fes marchandises
font dépofées en attendant la vente. L etranger
alluré par ce gage, prête à meilleur marché fur fon
crédit de banque : ainfi fins fonds & fans péril, il
gagne tranquillement fur nous , autant & plus que
fon commerce ne lui donneroit, & nous en devenons
par-là tributaires.
Il eft eiïentiel à la./balance du commerce , que
dans les circonftinces où l’intérêt eft permis , il
ne foit pas à un plus haut prix chez nous que
chez l’étranger , parce que le négociant a qui 1 argent
coûte le moins , peut toujours vendre par
préférence fur fes concurrens.
L’intérêt a diminué à mefure que la quantité
d’argent a augmenté en Europe. L’intérêt ou le
prix de l’argent, comme celui des marchandifes,
dépend de î’abondance toujours relative à la demande.
Ainfi lorfque par une déclaration de guerre ,
ou par quelque diminution d’efpèces , l’argent devient
plus cher, ce n’eft pas que fa maffe ait diminué
, c’eft que le pro prietaire de l’argent a prévu
que la demandé en feroit plus grande : car dans
le cas de la guerre, le roi qui le paie plus cher , en
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demandera ; & dans le cas de la diminution, la même
demande numéraire augmente la demande de la mafiè.
Il n’eft pas difficile de prouver que le mono-
pôle fur l’argent , eft du moins aufli pernicieux
Sç auffi coupable que le monopole fur quelqu autre
denrée : car en parlant de la (implicite de nos
principes , & en fuppofant une ifle de récolté d argent
en concurrence des autres ides , & dans les
mêmes cîrconfta-nces , comme il ne feroit pas permis
à une des autres ifles -de cacher une^ partie de
fa denrée ,. pour avoir avec moins la meme quantité
de denrées des autres ifles ; de meme il n eft
1 pas permis à i’ifle d’argent d’en cacher une partie
pour- avoir avec moins de fa matière, la meme
quantité des denrées des autres , qui ont droit de
fe contraindre réciproquement à l’égalité , & d empêcher
toute forte de monopole : & ce droit eft
encore plus légitime dans le commerce aétuel ,011
l’argent eft: devenu plus néceflaire , Comme gagé
univerfel, qualité que ri’ont point les autres denrées.
Mais ce principe de jufticè théorique , nè
peut pas être de pratique., parce que le mono--
pôle de l’argent eft difficile à découvrir fans une
inquifition générale , trop à charge au paifible
citoyen.
Qu’il foit défendu au propriétaire de 1 argent de
retirer quelque rétribution de fon prêt au nego-
ciant , ou bien qu’il ne veuille prêter au négociant
qu’à un intérêt plus fort que le commerce^ n en
peut comporter, ce font deux extrémités egalement
deftruftives du commerce. Mais pourquoi ne
feroit-il pas permis de tirer quelque rétribution
de l’argent , puifqu’il y a toujours quelque péril à
le prêter fans gage ni hypothèque , & que le propriétaire
en peut toujours faire quelqu autre bon
ufage ? Et qu’eft-il befoin d’avoir recours a de
frivoles & gênantes diftinftions ? Pourquoi auffi.
l’intérêt n’eft-il pas en France auffi bas que chez
nos voifins commerçans ? N’avons-nous pas autant
& plus de maffe d’argent qu’eux ? Nos circulations
ne peuvent-elles pas^être auffi abondantes , & les
effets publics ne doivent-ils pas parvenir a leur
véritable valeur , équivalente au crédit ? Alors le
monopole de l’argent di{paraîtra , car 1 ufure ne fe
manifefte que dans le diferédit public. -
C’eft une erreur grofÏÏère que de croire fup-
pléer à la difette d’argent par le monnoyage de
la vaiffelle ; la maffe générale en acquiert une
légère augmentation , bientôt engloutie avec le
refte. Cette difette d’argent ne vient point du défaut
de quantité ', elle vient de la méfiance fur
l’emploi, Détruifez l’ufure , ranimez le crédit ,
alors bien loin que ces particuliers envoient leur
vaiffelle à la monnaie, ils en feront faire de nouvelle
, & l’argent monnoyé abondera par-tout.
Dans le temps malheureux ou 1 argent augmente
de prix , ' les denrées baiffent dans la
même proportion , & par conféquent les fonds
(qui les produifent. Le propriétaire clcs terres vit .
I à peine, & paie mal l’impofition, Le débiteur ne