
uière qu'on l'a dit ci-devant, mettent a la voile
aufli-tôt après la pêche finie, & viennent chez
eux travailler à leur fonte, comme on va préfente-
ment le dire.
Manière dont on fa i t Vhuile de baleine à
Hambourg•
L ’on pourra voir à l’article de la pêche de la
baleine , qu’à mefure qu’on en coupe le la rd , on
en remplit des tonneaux que les François nomment
quartaux, & les Allemands kartels , où on les
prefte beaucoup , & en les y mettant, & avant d’en
remettre les fonds.
Le lard réduit en petits morceaux, & ainfi encaqué
, fermente de lui-même dans les tonneaux ,
mais jamais affoz pour en faire fauter les cerceaux ,
quoiqu’ils foient bien fermés & bien bondonnés.
C’eft cette fermentation q u i, pour ainfi dire, donne
la prerhière façon a l’huile , la graifie en fermentant
fe réduifant prefque d’elle-même en liqueur, en
forte qu’on eftime qu’il y a prefque vingt pour cent
à perefre , lorfque la graille n’a pas fermenté , &
qu’on la fait frire quand elle çfl encore fraîche, ce
qui arrive également aux François qui fondent à j
b o rd , & à ceux qui fondent à terre,
Dans chaque atteliçr il y a au moins une chaudière
, une grande cuve pour vuider les kartels de
graifie, trois autres cuves pour clarifier l’huile ,
un tamis pour la pafter, diverfes caillières de cuivre
pour la tirer de lâ~cfiaudière , quelques rabots du
même métal pour la remuer à mefure qu’elle fond,
& un vailïèau ou pot de cuivre pour remplir les
kartels quand l’huile eft faite. Lorfqu’il y a deux
chaudières ou même davantage , chacune doit avoir
cette fuite de cuves & d’autres uftenfiles 3 il y a cependant
des atteliers où l’on ne donne que deux ciives
à clarifier pour chaque chaudière , mais cette
épargne rend l’huile moins claire & moins bonne.
Les chaudières font de cuivre, larges & plates,
çn forme de grandes çafleroles maçonnées & murées
comme celles des Teinturiers. Au deftous eft
le fourneau où l’on entretient un feu continuel ;
chaque chaudière contient deux kartels ou quar-
teaux de graillé , c'eft-à-dire , i z o , 130 & quelquefois
jufqu’à 140 gallons mefure d’Angleterre ,
à prendre le gallon fur le pied de quatre pintes de
Paris ou eriviron,
Lorfqu on veut travailler à la fonte , & que
tout eft prêt pour frire le lard , pour parler en
terme de fondeurs., on tire la graillé des tonneaux,
& on la met dans une grande cuve qui eft à côté
dé la chaudière } qù deux hommes la jettent incontinent
après, partie avec des pelles , & partie
' avec des cuillières ou chaudrons de cuivré , foivant
qu’elle a fermenté, & qu’il y a encore des morceaux
de lard folides, ou feulement de la graille
liquide.
A mefure que la graille fe f rit, ce qui fo fait
comme à toute autre forte de graifie qu’on veut
fçpdre, on la remue avec les rabots-pour en détacher
les nerfs & les parties charnues qui y restent
toujours 5 ce qu’on fait jufqu’à ce que tout
foit bien confomme , & que le marc aille au
fond. ^
L’huile en cet état fe pâlie dans un grand tamis
pôle fur une cuve qui eft au bas de la chaudière.
Pour lui donner cette première façon , on la puilc
avec les cuillières ou petits chaudrons de cuivre
qui ont forvi à remplir la chaudière ; & comme le
tamis eft raifonnablement ferré , il n’y a que l’huile
qui y trouve partage : le relie fe jette auffi-biea
que le marc de la chaudière , à moins qu’on ne la
veuille repalïer comme on le dira tantôt.
La cuve fur laquelle eft pofé le tamis eft à
moitié pleine d’eau, afin que l ’huile s’y puiftç refroidir
& s’éclaircir , & que toutes les faletés allant
au fond , il n’y ait que l’huile pure ôc nette qui
nage for l’eau, ce qui arrive à celle de la baleine
comme à toutes autres fortes d’huiles.
Au bas de çette première cuve , & environ à
l’endroit jufqu’où monte l’eau dont elle eft èn partie
remplie , il y a un petit robinet par où l’on fait
couler l’huile dans une autre cuve de la même
grandeur que la précédente qui eft placée au-
deflus : & de cette fécondé dans une troifiéme.
Il faut obferver que ces deux dernières cuves
font remplies d’eau de la même manière que la
première. C’eft de la troifiéme cuve, quand l ’attelier
en a trois , ou de la fécondé , quand il n’en
a que deux , que l’on tire l’huile pour en remplir
les kartels ; ce qui fé fait par un 'tuyau difpofo a
cet effet à l’endroit de ces cuves ou l’huile fur-
nage au-delfos de l’eau. Le pot ou vaifieau qui fort
à eeç ufage , ‘eft de cuivre ou feulement de bois
i cerclé de fe r, & peut contenir jufqu’à dix pintes de
; liqueur,
i On a oublié de remarquer que la graille dés
! baleines eft de différentes couleurs ; les unes l’ayant
! blanche, d’autres jaune , & quelques-unes rouge.
La meilleure de toutes eft la jaune 5 au fil rend-
elle une plus grande quantité que les deux autres ;
la blanche fuit après, mais elle eft fi remplie de
petits nerfs , qu’elle produit toujours un déchet
confidérâble. Pour la rouge on l’efeime p eu , parce
qu’elle eft remplie de quantité d’eau 5 elle pro-
vient des baleinés mortes d’elles-mêmes , que l’on
rencontre allez fouvent parmi les glaces ou échouées
à terre. L’huile quelle donne çfl très-mauvaifé,
& en très-petite quantité.
Une obfervation , qui eft importante, regarde
la différence des kartels qui fervent à mettre Je
lard avant qu’il fait fondu , d’avec ceux où Po.n
met l’huile quand elle eft faite : les kartels à lard
contenant jufqu’à £4 gallons qu environ, co.mme on
l’a dit, & le véritable karteTd’huile n’étant que de
3 4 gallons,
Il y a des fondeurs qui repartent les mares, ç’eft-
à-dire , qui lés font frire une fécondé fois 3 ma,îs
l’huile qu’on en tire eft fi brune, & de fi niau-
vaife qualité, que la plupart les négligent,
Nota. Jufqu'en Tannée 1714, les Mofcovites n'a-
voient point paru au nombre des pêcheurs de baleine,
&: tandis que fa majefté Czarienné armoit des fiotes
pour porter le commerce de fes fojets jufqu’au bout
de l’Orient, il y avoit quelque lieu de s’étonner
qu’elle en négligeât un fi fort à fa bienféance , & fi
peu éloigné de fes états.
C’eft donc pour prendre part à cette pêche avec
les autres nations de l’Europe , qu’il s’eft enfin formé
une compagnie que le Czar a approuvée, &
fur le projet de laquelle il a fait expédier toutes
les lettres patentes nécefîaires pour fon établfifo-
ment; & afin d’encourager davantage les intérefîes
dans la fofdice compagnie à faire le commerce
des huiles de baleine , tant au dedans qu’au dehors
de fes états , & pour empêcher en même
temps qu’ils n’y foient troublés par les étrangers,
il a fait défenfes par les mêmes lettres-patentes de
îaifler entrer dans les ports de Mofcovie , aucune
huile de baleine qui auroit été fabriquée par d’autres
que par fes fujets, ou qui ne proviendroit pas de
leur pêche.
On juge siiïez que ce nouvel établifiement,
quoiqu’il ne foit guères encore qu’en projet, peut
caufer quelque ombrage aux nations dont une partie
du commerce avec les Mofcovites , foit d’Archan-
g el, foit de la mer Baltique , confifte dans les
huiles de poifton. On verra dans la fuite fi ces
nations feront autant d’efforts contre cette nouvelle
compagnie , qu’elles en ont fait contre celle d’O f
tende ; ce qu’on en peut augurer, c’eft qu’apparemment
elles ne trouveront pâs moins de fermeté
du côté de la cour de Péterfbourg, qu’elles en
ont trouvé du côté de la cour de Vienne.
Les f a n o n s , qui tiennent en quelque forte lieu
de dents aux baleines qui n’en font point , & qui
font enchafîes par en haut dans leur palais , font
proprement ce qu’on appelle de la baleine chez
les marchands merciers, & parmi les ouvriers qui
les emploient. On s’en fort à faire des parafols, des
éventails , des baguettes , des corfets, & des buf-
ques ; & les couteliers & tourneurs en confomment
auifi beaucoup.
Il y a à Paris & à Rouen des ouvriers , qui n'ont
d’autre emploi que de couper & façonner lés f a nons
, pour les mettre en état d’être employés. Ce
commerce, qui étoit autrefois très-grand & for-
tout à Rouen, eft fort diminué. Peut-être cette diminution
provient-elle , de ce que les femmes ne
portent prefque plus de corps de juppe , ni de
bufoues , & de ce que les éventails fo montent
préfontement plus ordinairement avec du bois ,
qu'avec de la baleine. La diminution de ce commerce
vient peut-être aufli de la quantité de baleine
coupée, qu’oii envoie d’Efpagne & de Hollande
à Bordeaux , d’où elle fe répand enfuite dans
le relie de la France, & même jufqu’à Rouen & à
Paris.
Le balenas, qui eft le membre génital dé ce
poifton , eft de même efpèce que les fanons » &
s’emploie aux mêmes ufages.
Du commerce des fanons de baleine à Amjlerdam•
On diftingue à Amfterdam deux fortes de ba*
leines ; la baleine en fanons & la baleine coupée.
Les bons fanons de baleine doivent pefor 4 liv.
pièce. Les 100 livres de fanons fe vendent 1 S i
florins. Les déductions pour le bon poids & pour
le prompt paiement font d’un pour cent chacune.
Les cent livres de baleine coupée fo vendent 8 6
florins, elle fe coupe ordinairement de la longueur
de 7 à 10 quarts de l’aune d’Amfterdam. Les déductions
comme à l’autre.
Le s p e r m e , ou nature de baleine , à qui fans
doute l’on a donné ce nom pour enhaufîer le prix,
en fuppofant fa rareté , n’eft autre chbfe que la
cervelle du cachalot, cette forte de baleine qui a
des dents, & que les Bafques appellent byaris.
Cette drogue fi eftimée des dames, & que l'on
nomme autrement blanc de baleine ou fperma-
ceti , fo prépare ordinairement à Bayonne , & à
Saint-Jean de Lutz. Mais cette fabrique eft devenue
fi rare en France, qu'en 1705 il n'y avoit plus que
deux ouvriers dans cette dernière ville qui la fçuflent
bien préparer.
La préparation du fperme de baleine fe fa it,
en le fondant & refondant plufieurs fois , & en le
lavant à diverfes reprifes , jufques à ce qu’étant
extrêmement purifié , il devienne très - blanc. En
oet é ta t, par le moyen d’un couteau fait exprès,
ôn le coupe en écailles telles qu’on les trouve chez^
les droguiftes.
La bonne qualité de cette drogue confifte à être
blanche , claire , tranfparente , & d’une odeur, fauva-
gine, que quelques-uns s’imaginent être une odeur
de violette. Quelquefois on la folfiftique avec de
la ciré ; mais on le reconnoît, ou à l’odeur que
la cire que l’on y mêle ne peut jamais entièrement
perdre ; ou à la couleur , qui eft d’un blanc
mat. On peut encore être trompé en achetant du
fperme de baleine, fait feulement de la graifie &
non pas de la cervelle de l’animal. Cette dernière
forte de blanc de baleine jaunit auffi-tôt qu’il eft à
l’air.
En général , cette marchand'ife ne craint (rien
tant que d’y être expofée 3 & l’on ne peut la con-
ferver trop foigneulement dans des bouteilles de
verre, ou dans les barils mêmes dans lefquels elle
vient.
On fait quelque ufage du blanc ou fperme de
baleine , dans la médecine 3 ce qui en confomme
néanmoins fi peu , qu’il ne feroit d’aucun p rix , fi
les dames , ou par un excès de propreté , ou ce
qui les touche encore davantage , pour conferver
ou pour augmenter leur beauté , ne le.faifoientr
entrer dans les pâtes dont elles fe fervent à laver les
mains , & dans les fards dont elles s’efforcent fi
vainement de s’embellir le vifage.
Les dents du cachalot fervent aux tourneurs 8c