
Cette charte de Jacques premier eft la dernière
de celles que Charles II rappelle & confirme dans
fa grande charte du premier janvier i'661.
Les révolutions arrivées dans les Pays-Bas, fur
la fin du feiziême fiècle, qui jettèrent les fonde-
mens de la célèbre république de Hollande , qui
acheva de s’y former dans les commencemens du dix-
leptième, ayant empêché la compagnie Angloife
d’y continuer fon commerce avec autant de liberté
qu’auparavant ; elle fut comme obligée de le tourner
prefque tout entier du côté de Hambourg, &
des villes de l’Océan Germanique : changement qui
accoutuma peu-à-peu les peuples à lui donner le
nom de compagnie de Hambourg ; nom qu’elle a
çonfervé jufqu’a préfent, quoique dans toutes les
' chartes qui lui ont été accordées depuis , on life
toujours fon ancien nom de compagnie des marchands
avanturiers d’Angleterre ce qu’on n’a fait
apparemment que pour garder quelque uniformité
entre les chartes qui lui ont donné les privilèges ,
& celles qui les lui confirment.
Compagnie Angloise.de Moscovie. On forma
le projet de cette compagnie fur la fin du régne
d’Edouard VI. Il s’exécuta dans les première & fécondé
années de celui de Philippe &de Marie ; mais
il n’eut fon entière perfection qu’en i<^66 , par l’afre
du parlement, qui en confirma la charte , & par
le confentement royal que la reine Elifabeth donna
£u bill de confirmation.
Quelques avanturiers Anglois qui alloient à la
découverte des nouvelles, terres , &qui prétendoient
trouver un pafîage à la Chine par le Nord, s’étant
avancés jufques dans la mer Blanche, & ayant abordé
au port d’Arçhangel, ou ils furent parfaitement bien
reçus par les Mofcovites, demandèrent à leur retour
en Angleterre des lettres-patentes, afin d’affu-
rer le commerce de Ruflie , pour lequel ils avoient
formé une afin dation.
La charte fut promife par Edouard V I, mais la
mort de ce jeune prince furvenue peu de temps
après, l’ayant empêché de la ligner ; Marie qui
venoit to’ut nouvellement d’époufer Philippe , Infant
d’Efp agne, la leur fit expédier le z 6 février 155 f.
Par cette charte , l’affodation eft déclarée établie
& érigée en corps politique , fous le nom de compagnie
des marchands avanturiers d’Angleterre ,
pour la découverte des" terres, territoires^ ifies ,
états & feigneuries inconnues, & jamais fréquentées
avant qu’ils l’euffent hazardé , ou qu’ils l’eunent entrepris
par mer.
Les privilèges font, d’avoir un gouverneur, quatre
e.onfuls , & vingt-quatre affiftans pour la direction
ite lon.eorfimcrte; de faire pour fon gouvernement
& police toutes J o ix , ades & ftatuts néceflaires;
d’admetre dans la fociété autant & de telles perfon-
nes que fes directeurs jugeront à propos ; de punir
par amçnde pu autrement les contraventions aux
féghmens ; d avoir des fergens . pour contraindre au
paiement defdites amendes,.faifies & conh (cations ,
feux qui j r "auront çté ccndamnés, même par voie
-d’emprifonnement; d’envoyer des vaiffeaux pour-découvrir
de nouvelles'terres & régions, & y établir
fon commerce; de lever & planter dans toutes lefe
dites terres, où fes vaiffeaux arriveront, la bannière
& écèndart royal d’Angleterre ; de s’emparer des
nouvelles terres découvertes, & en prendre poffef-
fion au nom de leurs majeftés Britanniques, enfin
le privilège exclufîf de trafiquer feule à Archangel,
& autres ports de Mofcovie, non encore fréquentés
par les Anglois.
L’on n’entrë pas dans un plus grand détail des
privilèges accordés a la compagnie de Mofcovie ,
par la charte des rois Philippe & Marie, parce
qu’ils font contenus , expliqués, augmentés, & confirmés
dans le bill du parlement, dont on va donner
un extrait plus circonftancié.
Ce bill, Comme on l’a dit, eft du 13. du mois
de feptembre de la huitième année du régne d’E-
lifabeth. Il explique d’abord les motifs qui firent
armer trois vaifièaux fur la fin de celui d’EdouardVI;
l’heureux fuccès des avanturiers qui les comman-
doient, & l’expédition des lettres-patentes, qui leur
furent promifes, qui ne pùrent néanmoins être-feel-
lées avant la mort de ce prince. Ayant enfuite rapporté
, comme en pafîant, une partie des droits ,
pouvoirs , jurifdiârions, privilèges, fracchifes & libertés
accordés à la nouvelle compagnie de Mof-
covie , par la charte de Philippes- & de Marie , il
entre dans les raifons que le parlement a eu de les
confirmer par un afte , & la reine Elifabeth d’auî
torifer cet a6te par fon confentement royal.
Ces raifons font : que la compagnie depuis fon
établiiïement avoit fait de grandes dépenfes, non^
feulement pour foutenir fon commerce en Mofcovie
par la mer Blanche & Archangel ; mais encore pour
pénétrer par la Ruflie, le Vol^a , & la mer Caf-
pienne , dans l’Arménie, la Medie , l’Hircanie, la
Perfe, & les- autres états de l’Afîe majeure , 8c qu’elle ®
les continuoit encore dans i’efpéranceide trouver un
pafiage , pour aller au Cathay par le Nord , ce qui
feroit d’un grand avantage pour la couronne d’An-, ;
gleterre : que cependant contre ce qui eft porté par
les lettres-patentes, plufieurs Anglois, qui n’étoienç
pas membres de la compagnie , encreprenoient le
même négoce , ce qui étoit capable de décréditer ce
nouvel établifièment, & de faire entièrement tomber
fon commerce en Ruflie, qui y étoit encore naiflant
& mal aiïiiré : que pour arrêter ce défordre,-, il étoiç
ordonné par la reine, par les feigneürs eccléfîafti-
ques & féculiers, & - par les communes affemblées
en parlement, & par l’autorité dudit parlement :
i°. Que ladite fociété, compagnie & coram’u--
*nauté faite & établie par lefdités lettres-patentes ,
attendu que fon premier nom étoit trop long, &
çompofe de trop de mots.., feroit .a l’qyenir incor-t
porée & appellée par le feul nom de focié té des
marchands A n g lo is, pour découvrir de nouveaux,
négoces.
z°. Qu’eu, cette qualité, & fous ce nom, el e feroit
rendue capable en loi d’acquérir, d’avoir, tenir ,
pofTédef
pofféder & retenir toutes fortes de terres, manoirs,
rentes , &c. pourvu qu’ils n’excèdent pas 66 liv.
fterlings 13 chelings cent marques par an, non tenus
de fa majefté Britannique.
^ 3°. Qu’elle poürroit jouir de tous autres biens ,
marchandifes, meubles , immeubles , &c. & faire
fqus ledit nom toutes les autres chofes, que font ou
peuvent faire les autres communautés ; comme aufli
jouir de tous -les privilèges , droits , exemptions,
qui lui font accordés par lefdites .lettres.
40. Qu’aucune partie ou portion du continent,
des ifies, ports, havres, rades, golfes, rivières , de
quelque empereur, ro i, prince, ou état que ce fo it,
inconnues avant la première entreprife faite par les
marchands de ladite communauté , ou autres fujets
du royaume d’Angleterre, & qu’ils n’avoient jamais
fréquentées par mer, fituées au nord, ou nord-oueft,
& au nord-eft de la ville de Londres, ni aucune
partie du continent, des terres, ports, ifies , 8cc. de
l’pbéiffance de l’empereur de Ruflie , ni des pays
de l’Arménie majeure, ou mineure, de la Médie , de
l’Hircanie , de Perfe , ou de la mer Cafpienne, ne
feront vifitées 8c fréquentées par les autres fujets
n és, ou nacuralifés du royaume d’Angleterre , lef- I
quels fujets n’étant pas membres de ladite compa- ■
gnie , ne pourront y aller, pour y faire commerce ;
directement, ou indirectement, fi ce n’eft par l’ordre
, approbation & confentement du gouverneur ,
des confuls & affiftans de ladite compagnie, ou de
la plus grande partie d’entr’eux, fous peine ipfo
faclo , contre ceux qui les feront, de faifîe, con-
fifeation de leurs vaifièaux, agreits 8c apparaux, &
de toutes les denrées & marchandifes , qui feront
chargées fur lefdits bâtimens; la moitié defquelles
chofes confifquées appartiendra à S. M. B. & l’autre
moitié à la compagnie.
$°. Que malgré lefdites défenfes, il feroit néanmoins
permis à tous les fujets de S. M. B. de continuer
de naviger, & d’aller à la ville & au château
de" Nardhoufe, & dans tous les ports, villes & cotes
de Norwége, pour y faire le trafic de la pêche,
8c tout autre négoce que les Anglois ont coutume
d’y faire.
"6°. Qu’il ne fera pas permis à ladite compagnie, ,
ni à aucun membre d’icelle, de tranfporteu des ports
d'Angleterre aucunes marchandifes dans les lieux de
leur nouveau commerce , autrement que fur des
vaiffeaux Anglois, non plus que d’en apporter def-
dits lieux , foit dans ledit royaume, foi;, en Flandres,
fi ce n’cft-pareillement fur des bâtimens de la nation
, à peine de deux cent livres fterlings d’amende ,
applicable moitié à S. M. B. 8ç l ’autre moitié aux
officiers des villes maritimes, qui pourroient avoir
fouffert de la contravention à cet article.
7°. Que la compagnie , ni aucun de fes membres
ne pourront à l’avenir tranfporter d’Angleterre dans
les lieux de fa conceffion, des draps, feiges, ou
autres étoffes de laine , de la fabrique du royaume,'
qu’elles n’y ayent été auparavant teintes & .apprê.-
tées, & que pour chaque pièce de draps, ou,de
Commerce. Tome I . Tdrtie I L
ferges, qu’ils feront forcir en contraventfdn de cet
article, ils paieront la fomme de 5 liv. fterlings,
moitié applicable à S. M. B. & l’autre moitié aux
maîtres & gardes de la communauté des drapiers de
la ville de Londres.
8°. Enfin, qu’en cas que la compagnie cefîè d’elle-
même pendant trois ans, en temps de paix, de décharger
fes marchandifes à la rade de l’abbaye de
S. Nicolas en Ruflie , ou qu’elle ne les décharge pas.•
en quelqu’autre p o rt, ou rade fur ladite côte fep-
tentrionale de Mofcovie, ou dans aucun• autre endroit
des états du Czar, non fréquenté auparavant
par les Anglois ;' il fera permis à tous les autres
fujets de S. M. B. de trafiquer .à Nerva, pendant
tout le temps que la compagnie aura difeontinué
fon commerce en Ruflie; mais â condition de; ne
fe fervir pareillement que de vaiffeaux Anglois.- \- : :
Cette compagnie fubfifta avec réputation près d’un ’
fiècle entier, c’eft-â-dire , jufqu’aux troubles , qui
en 1646 coûtèrent la vie à Charles premier. On a :
dit ailleurs que l’empereur , ou comme on l’appelle
plus ordinairement, le Czar de Mofcovie , ayant ap—
pris le parricide des Anglois, avoit chafle de fes
états toute la nation , & que les Hollandois avoient
profité de fa colère, pour s’établir en leur placei-
Voyeç le commerce particulier de VAngleterre
de la. Hollande en Mofcovie, tome ig page z 54.
Il eft vrai que Charles II. étant remonté fea? le
trône après la mort de Cromwel, ce qui reftoit de
là compagnie de Mofcovie, rétablit à Archangel
une partie de fon commerce ; mais ce ne fut ni avec
le même éclat,, ni avec autant de fuccès qu’auparavant
, les Ruffes s’étant accoutumés aux- marchan-
difes que les Hollandois leur avoient apportées , &
ne pouvant plus prendre la même confiance en des
peuples, dont- le crime encore récent, leur avoit
infpiré tant d’horreur.
Cette compagnie fubfifte pourtant encore aujourd’hui
en Angleterre, à-peu-près fur le pied de celle
de Hambourg , dont on vient de parler , & des
compagnies du N o rd , 6' du Levant, dont on parlera
dans la fuite , c’eft-à-dire, que les particuliers
qui la compofent fönt leur négoce pour-leur propre
compte, & payent pour en être membres un droit
de iz à 13 liv. fterlings, outré d’autres droits modiques
, que fon gouverneur, les confuls , 8c les affiftans
impofent de temps-en-tems pour les befoins de la
compagnie , 8c de fon commerce en général ; ce qui
va tout aii plus, à un pour cent de la valeur des
marchandifes, 1
Voyez ou commerce d’A r c ha n g ë l & de Mos-
cov.iE , les marchandifes qu’on y porte , b celles
qu'on en tir e , tome 1. page 3 0 1 .
C om pa g n ie A n g lo ise d u N o r d , ou comme
plufieurs l’appellent plus conformément à fes lettres
patentes, C om pa g n ie "Angæoise d e l’E s t . Cette
compagnie eft établie fur le pied de celle de Hambourg,
dont elle paroît .un démembrement. La charte
* de fon établifièment eft du feptiéme août 157^ *
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