
1. t f il 4 d»
8 iô C O M
Du premier juillet' 173 6 au 30 juin 1743
Année commune , . . . . » » - . . . ,
D11 premier juillet au 30 juin 1756 • . • «
Année commune •
C
I2'>5 7 7 j<5.4 ^ 1. 5 f«; o d.
^^837,184 16 6
0 M
S ï . « 5 ' . 5 ’ 3
1 i 8 , 0 4 6 , Z I 7 J!
Total des retours • • • ................................. 305,246,8:52.1.
Année commune des retours depuis 171'f jüfqu’en 1756 .................................... .... , p.,846,672 1,
Mais nous avons vu plus haut que Tétât a dépenfé pour foutenir le privilège ex-clufif
de la -.compagnie.................. . v.j • .............................. .... • • • • . * • • • . . • -*..376,8^^,7x7
C’eft. année , commune depuis 1725 « 1 ( l , 8^586,42:0 1«
Si Ton veut y joindre feulement lés frais de h t dernière guerre , l’aanée commune
fera-d’environ, . . . . • • . . v * # . . • • . . • • • • • • • . . • , • 10,500,000 L
Voila donc une dépenfe annuelle de plus de dix
millions , prife fiir le revenu publie , fournie paroles
citoyens de tous les ordres, enlevée aux diverfes entre-
prifes de culture, d’induftrie, de navigation, de commerce,
pour être employée au foûtien d’un commerce
exclufif, dont.les retours font, année commune , au-
d efforts de dix millions. ( il faut bien remarquer que
nous difons dix millions de retours , & non pas dix
millions de bénéfice net, de profit du commerce. Nous
ne voulons pas entrer ici dans la difeuffion qu’il
faudroit faire pour fixer le bénéfice 5 on fient feulement
qu’il ne peut jamais- former un objet alféz im#
portant, pour que l’état dépenfe àfe le procurer dix
millions par an du revenu public. ) En bonne foi,
cette dépenfe étoit-elle raifonnable', & la perte a-t-
elle été compenfée par le profit*
L’agriculture favorifée par quelque bonne loi , ou
plutôt par la révocation de quelques loix , les péages
fupprimés, un foulagement d’impôt accordé à
une feule province , la conftru&ïon d’un chemin ,
d’un canal , d’un p o rt, une feule de ces opérations
qui toutes enfembles n’auroient pas démandé une
dépenfe fur le revenu public auffi grande que celle
qui a été faite po.ur la compagnie 3 une feule, dis-je,
oe ces opérations aurolt produit âu royaume des avantages
infiniment plus grands , plus réels & plus durables
que tous ceux que les partifans de la compagnie
des Indes peuvent attribuer à leur commerce exclufif.
Qu’eft-ce d’ailleurs pour un pays puiffànt & riche,
pour une Nation aéîive & induftrieufe, pour un
royaume tel que la france, qu’un commerce de dix
millions ? Que de genres de commerce n’avons-nous
pasplus riches , plus étendus , plus utiles auxquels le
gouvernement n’a jamais dépenfé la dixiéme partie de
ce qu’il lui-en a coûté pour le commerce de l’Inde-,
qui font floriflans , & qui fe foutiennent par eux-
mêmes fans métré l’état à contribution.
Tel-eft notre.çonjipprce dans le nord , celui de
nos vins de Guyçnne, celui de nos toiles avecTefpaV
gne,.denos draps avec le levant, celui d'e nos' colo-*
nies de l’amérique , &c.
Une confideration fe préfente encore, qui fait
fentir plus fortement la petite importance de ce
commerce; c’eft l’étendue de pays qu’il embraffe ,
comparée an peu qu’il fait. L ’Àfie entière , les deux
tiers du monde font abandonnés à une petite compagnie
; & pour ne parler que de l’inde feule , un
pays auffi grand; que l'Europe , eft fermé à nos
navigateurs , à notre commerce , à notre induftrie*
Si Ton veut juger de ce que la liberté eut pu y?
faire-, on n’a qu’à voir ce-qu’elle a fait dans quelques
petites ifles de l’Amérique , qui ne font pas
la dix-millième partie de ces vaftes pays , livrés ait
monopole de la compagnie.
Les retours de la Martinique & de la Giiade-*
loupe font évalués 36 millions , ceux de S. Do-<
mingue 80 millions. La navigation de ces deux colas
nies employé dans nos- ports 450 à 5 00 vaiffeaux.
Voilà des commerces intéreffans , & non pas ce-<
lui qu’on nous fait, tant valoir, do.nt.les retours fong
de dix millions , & qui emploie douze vaiffeaux.
i Enfin, quelque choie qu on dife en faveur de la
! compagnie , il faut en revenir toujours à comparée
la grandeur des fecours que l’état accorde avec l’importance
de l’objet pour lequel il les accorde. I |
n’y a point de fubtilité qui puifle faire entendre
que l’etat a bien fait de facrifier en quarante ans»
près de 'quatre cent millions pour. foutenir .un c o it h
merce qui rapporte par an dix millions de retour«’
Nous nous en tiendrons à cette feule affertion , que,
nous ne croyons pas qu’on puifle contefter, & nous
pafïèrons au,deuxième objet que nous avons à traiter,
la poffibilité du commerce particulier aux Indes
Orientales, & l’inutilité d’un privilège exclufif poujjj
fon exploitation.
$. I I .
Quand le commerce de la compagnie auro^
C O M
procuré à l’ètat des avantages réels , & capables
de compenfer les dépenfes exceffives que le gouvernement
a faites pour elle , ce ne feroit pas une
raifon de lui conferver fon privilège exclufif j fi le
commerce particulier & libre peut être fubftitué au
commerce exclufif de la compagnie, & ^produire
pour Tétât les mêmes avantages & de plus grands.Or,,
c’eft.ce..que nous entreprenons de-prouver.
Nous devons avertir que, pour faire cette difeuifion
avec. plus de çonnoiflànce de caufe , -nous avons lu
plufieurs mémoires faits, en faveur du privilège exclufif
de’la compagnie, par des perfonnes employées
dans* fon adminiftration, qui ont demeuré fur les
lieux , & qui nous paroilfent avoir raflèmblé -les
raifons les plus fortes qu’on puifle oppofer à la liberté.
L opinion établie dans ces mémoires eft commune
parmi ceux qui ont eu part à Tadminiftration de la
compagnie dans l’Inde; mais nous ne croyons pas que
cette queftion puifle fe décider par ce genre d’autorité
.O
n fent que l'habitude & l’intérêt particulier peuvent
influer beaucoup fur cette décifîon. On eft accoutumé
depuis plus. de . cent ans à voir exercer ce
commerce par des compagnies exclufives, on en
conclut qu’il n’eft pas poffible qu’il foit exercé par
des particuliers. L’intérêt des perfonnes , attachées
à la compagnie , agit auffi fur l’elprit d’une manière
cachée & le détourne infenfiblemenr du chemin
de la vérité : on ne voit plus que les obfta-
cles q u is ’oppofent à la liber-té; on cherche même
à les groffir , tandis qu’on fe diffimule les reffour-
ces purifiantes que l’induftrie humaine fçait mettre
en uîage, toutes les fois qu’elle n’eft pas gênée .dans
fon aàion.
Nous avons donc examiné &péfé les raifons qu’on
oppofe .à la -liberté , & c’eft d’après cet examen
que nous croyons pouvoir décider que le commerce
particulier .& libre peut s’établir & fe foutenir
dans l’Inde , & procurer au royaume -tous les
objets de fa confommation avec.plus d’abondance^
de facilité & de b.011 marché , que n’a fait jufqu’à
préfent le commerce exclufif de la compagnie.
Mais , avant d’entrer dans les détails locaux &
rélarifs ..à chaque branche de commerce de l’Inde ,
noùs ,allons -tâcher de bien établir Tecat de la question.
Cette précaution eft néceflaire , parce que les
partiuns du privilège exclufif font tout ce qu’ils
peuvent pour nous en écarter -, en raifonnant d’après
des- fuppofitions que nous ne pouvons pas leur
paffer.
Ils fuppofent ( & on en verra la preuve dans la
fuite de cette difeuffion) ils Juppofent, .dis-je , que
le-commerce particulier & libre dont nous foute-
nôns la poffibiiité dans ï’Tnde,: y fera abandonné à
lui-meme, fins fecours , fins .proteéHon de la part
du gouvernement, fans étabüffement. Ils oppofent
toutes les difficultés & écartent toutes les reffources.
Ils imaginent le vâilfeau d’un négociant de Nantes
ouide Bordeaux / arrivant dans les porcs de l’Inde j
comme à une plage-tout à fait inconnue, habitée I
C O M (fi t
par- des Sauvages , & n’.y trouvant aucun Européen
qui puifle le diriger ou s’intéreflèr à fen commerce
en partageant les profits; ils fe repréfentent
toute 1 Afie armée pour écarter des Européens qui
leur paroiflent devoir être traités en ennemis , parce
qu’ils font les ennemis de leur privilège. Ils
prononcent que le commerce particulier eft knpof-
fible , & on les Croit.
Peut-être que même en adoptant toutes leurs
fuppofitions , on pourroic encore fe refufer aux
confequences qu’ils en tirent. P.eut-être qu’en imaginant
les Anglois , les Indiens , les-Chinois , la
compagnie elle-même luttant de toutes leurs forces
contre i’établiffèment du commerce libre dans
1 Inde', faudroit-il encore penfer que le commerce
libre s’établira en plus ou moins de temps malgré
tous ces obftacles. C’eft jufques-là que doit conduire^
le fyftême de la liberté , quand il e-ft e.m-
bralfe dans toute fon étendue , & qu’on en fait comme
on doit faire , toutes lés çonféquenCes : celle-là
ne,.m effraye p o in t, je la crois jufte & vraie. Je crois
qu iln eftpoint de difficultés quel’àétivité d’unenation
comme celle-ci ne puifle vraincre elle feule. Je crois
quau moins perfonne n’eft en droit de borner les
êftets de cette multitude dé forces toujours agifian—
tés dirigées par l’intérêt particulier qui fait fi bien
atteindre à fon but.
Par exemple , le commerce particulier ne trouvera
point de correfpondances , d’agens déjà établis
dans ilnde ; il s’en créera à lui-même. Il n’y aura,
perfonne occuppé de ménager fes intérêts avec les
gens du pays ; f appât d’un profit à faire en fufeitera* .
Il ne trouvera:point de. marchandifes toutes fabriquées:
il fera les premières cargaifons moins complet-
tes. Mais comme , par cette raifon même , les marchandifes,
les toiles fabriquées & prêtes à l’arrivée des
vaiffeaux auront été mieux vendues, Tannée fuivante
on en trouvera d’avantage de faites, & ainfi, jufqu’a ce
que le commerce ait pris la forme la plus convenable
aux intérêts combinés des acheteurs & des vendeurs.
# Les princes de l’Inde chargeront les marchandifes
pu le commerce particulier, de droits plus
confiderables que ceux que paye la compagnie ; le
commerce fe tournera vers ceux qui le traiteront
le plus favorablement , & cette préférence feule
engagera quelques-uns d’entr’eux à fe relâcher un
peu de leur première rigueur.
Ces droits feront encore fort pefants ; le commerce
particulier fe réduira à une plus grande économie
pour conferver des profits plus grands#
On mettra plus d’intelligence dans les armemensr
plus de fagefle d a n s les dilpofitions des voyages. Si
ces moyens ne fuffifent pas , on fe contentera de
profits, beaucoup moindres , fans que le commerce
ceffe pour cela de fe Lire & de s ’é t e n d r e .
Les Européens établis dans l’Inde vexeront les
négocians. particuliers ; on achettera l’exemption de
ces vexations d’eux-mênies , & en la payant fort
chèrement, le commerce particulier pourra faire
encore de grands profits.