
deürs y font les marchands du pays , qui, dans
l écat âétuel, forment une compagnie exclufîve fous
l’infpeétion des magiftrats.
Les paiemens le font a rnefure des livraisons ,
excepte les foies de Nankin & les -étoffes de foie,
pour lefquèlles on donne les. § du prix d avance, &
dont la livraifon fe fait ordinairement au bout de
$o ou ioo jours-. Enfin, le commerce particulier ne
peut y rencontrer aucun des obftacles qui, félon
quelques perfonnes, s’oppofent à fôn établiffement
dans l’Inde.
Tout concourt donc à établir la pofiîbilité du
Commerce particulier en Chine , & il n’y a que le
deffein formé de foutenir, dans toute fon étendue,
le privilège exclufifde la compagnie, qui ait pu faire
dire a quelques - uns de fes défenfeurs , feulement
dans ces derniers temps, que la confervation du
commerce de Chine étoit attachée à celle du privilège
exclufif.
) oas cependant les raifons qu’on la liberté. allè°gue contre
<( Un dit que la compagnie a un comptoir fëden-
w taire en Cnine, & que Ses fiibrecargues y demeuran
» pendant Driver, & employant les fonds quon leui
» a lamés, lui procurent par cela fqul un béuëfîc«
» de trente pour cent, avantage dont le commerce
** particulier ne pourra pas jouir ».
Je réponds, i°. que le commerce.particulier n’a
pas befoin pour fe foutenir de tous les avantage;
que la compagnie a trouvés dans fon commerce
de Chine. Ce commerce lui a rendu.j'ufqu’à ceni
quarante pour cent de bénéfice d’achat à la vente.
On conçoit facilement que des négocians de Nantes
Ou de Bordeaux , qui font des commerces dans lef-
quels le bénéfice de l’achat à la vente, n’eftpas la
dixième partie de celui-là, pourront fort.bien entreprendre'&
foutenir le commerce de chine. Le défaut
d’employés Sédentaires a la chinepourroit donc laif-
fer au commerce libre des gains beaucoup moins
confîderables que ceux de ht Compagnie, fans qu’il
"çeffat d être poflîble & _de fe foutenir.
a0 La.compagnie elle-même a été long-tems fans
avoir de comptoir fédentaire a canton ; chaque expédition
coiidüifoit en Chine & ramenoit en France
les fubrecafgüe? & autres employés1 néceflaires. La
nouvelle a'dminiftration apenfé j avec raifon, que ces
employés fedeiitairesferoient utiles à fon commerce,
qu ils-font, plus a portée de. prendre des con-
noinances de détail & de-former des fpéculations
dont ils peuvent profiter à l’arrivée des vaiftèaux ;
mais elle foutenoit fon. commerce fans ce moyen, Je
commerce libre pourra donc s’enpafïer.
•30 Ceravantage n’eft pas tellement attaché au
pnvilége .Cxcluflf de la compagnie, que le commerce
libre*n enpüifTe jouir,
Selon la remarque que nous avons faite- en commençant
cette difçuÏÏiôn , dans le cas de la diffolu-
tron de la compagnie, on, pourrait laiffer fubfîftef
% Canton un comptoir fédentaire. Les, employés
ÇÇ 'Comptoir pourroient, à leur propre profit,
Servir ffagens au commerce particulier, Sc faîrê’
tout ce qu y font les fubrecargues de la c om p a g
n ie . Les bénéfices de ce commerce fe. partagea
ie n t alors entre ces agens & le négociant qui en
fourniroit les fonds.
Il eft même très-poffible qu’une c om p a g n ie fans
privilège exclufif, ou un négociant qui a de gros
fonds , laifïê à fa première expédition un fubrecar-
gue qui puiffe lui préparer la fécondé. Les frais de
l’hyvernage d’un ou de plufîeurs employés ne font
pas aflez confidérables pour n’être pas couverts
par les bénéfices qu’on eh retireroit. Ainfi , à cet
égard, le commerce particulier jouira des mêmes
avantages que la com p a g n ie .
On oppofe en feconcMieu la grandeur des. fonds
qu’il faut pour le commerce de Chine , & que
le commerce particulier ne pourroit pas fournir.
» La compagnie dit - on , a toujours employé
à ce commerce des vaifleaux de 900 tonneaux
, & il feroit difficile que les particuliers en,
employaient d’un moindre port, parce qu’alors les
frais feroient plus confidérables en proportion des
’bénéfices, & particulièrement par la fiature des
droits qui fe payent en Chine , & entr’autres le
droit du houpou qui eft de 16,0001. par vaiflèau
grand ou petit. Chaque vaiffeau exigeroit une avance
de 14 ou iÿ cents mille livres ».
i°. Dans un état riche & puiflant comme
celui-ci , jamais on ne manquera de fonds pour
un commerce qui donne des bénéfices aufîi confî-
’dérable» que celui de Chine. On trouvera foit. à
Paris, foit dans les différens ports du royaume,
■à former plufîeurs fociétés qui expédieront chacune
un vaiffeau. Il eft à croire que l’empreflèment des
■négocians aura plutôt befoin d’être contenu qu’excité.
On a la preuve de ce qu’on avance ici dans
plufîeurs lettres de différens ports du royaume.
I -z°. Cette objection contre le commerce particu-
: 'lier a d’autant plus mauvaife grâce , de la part
des défenfeurs du privilège exclufif , que la c om p
a g n ie elle-même n’a jamais été en état de donner
au commerce de Chine l’étendue dont il eft
fufçeptible ,.faute de fonds. C’eft-là une chofe connue
& confiante. Mais c’eft ce qu’on verra.pref-
que toujours arriver dans les entreprifès de c om p
a g n i e à privilèges exclufifs, parce que leurs fonds
font bornés.; au-lieu que ceux du commerce général
n’ont de'bornes que celles que met la nature
-même de l’entreprife à la quotité des bénéfices,
qui font encore fuffifans pour le commerce particulier
, long-temps après avoir ceffé de J’êtfç pour
une c om p a g n ie .
On nous fait craindre en troifième lieu les effets
funeftes de la concurrence des négocians particu-?
■liers en Chine , & l’augmentation exceffive du prix
-des marchandifes, & mr-tout des thés qui en fera
la fuite. On dit » que la feule concurrence des
com p a g n ie s entr’elles a fait monter les thés à un
prix exorbitant ; que ce fera bien pis encore , quand
il fe trouyera plufîeurs yaiffeaux d’une fnêmç nation
f privilège exclufif de la compagnie font tout prêts
j de convenir que le commerce de. Chine, eft poifîhle
aux particuliers , puifqu’ils fe retranchent fur l’in-
juftice qu’il y auroit à le leur ôter.
15 qui jaloux les uns des autres , montreront un I
» empreffement qui néchappe jamais aux Chinois ; ;
» que bientôt il n’y aura plus de bénéfices à faire,
» ni par conséquent de pofiîbilité de foutenir le
»commerce»,,
, » On ajoute à cela que le débit des marchan-
» difes en Europe , & principalement celui des
» thés dépend de plufîeurs circonftances; critiques ,
» dans lefquelles l’état du commerce dans l’intérieur
» de la France n’entre pour rien , puifque ce
» royaume en confomme très-peu ».
» Que fi cette marchâ-ndife eft trop abondante , fi
» la communication avec l’Angleterre eft incerrom-
» p u e , fi la fraude enfin n’a pas lieu au retour
» des vaiffeaux particuliers, il n’y a plus de vente,
» jufqu,’ a ce que les chofes reviennent d a n s . , leur état I
» ordinaire. Les compagnies- étrangères n’auront
» qu’un- effort à faire , & dès l’année Suivante , on
» ne verra plus un François à la Chine ».
i°. Les fimefhs effets de la concurrence , font
réternelle objection des partifans des privilèges
exclufifs , & des ennemis de la liberté du commerce.
Objeâfion cent fois détruite, & par le rai-
fonnement & par l’expérience. Nous y répondrons
plus bas , en traitant du commerce de Bengale &
.de la côte de Coromandel , & tout ce que. nous
dirons en cet endroit , fera exactement applicable
au commerce de la Chine.
z°. Les rifques que peut courir le commerce particulier
pour lès marchandifes de l’Inde , à leur
retour en eùrope , & fur-tout pour les thés , lui
font communs avec la compagnie ; ainfi on ne peut
pas en faire un argument contre la liberté du commerce.
La ceffation de la contrebande de nos thés en
Angleterre , eft un inconvénient, auquel la compagnie
ne trouvera pas plus,aifément un remède,
que le commerce particulier. La compagnie ne fe
flatte pas fans doute d’obtenir du gouvernement Anglais
, qu’on rétablifïe les droits à l’entrée des thés
dans, la Grande-Bretagne , pour qu’elle puifîè y
vendre les fiens plus facilement. Si ce nouvel obfta-
cle peut être.furmonté , c’eft bien- plutôt par l’in-
duftrie particulière & libre, toujours adive , ingé-
nieufe & cachée , que par une compagnie , dont
toùs les mouvemens font lents , & toutes les démarchés
publiques.
z°. Que ce commerce donne des bénéfices capa-
pables de couvrir d’autres dépenfes confidérables
qui lui font étrangères , & auxquelles le commerce
particulier ne- fera pas fujec. D’où, fuit encore la
pofiîbilité du commerce particulier, puifque ceux
qui l’entreprendront, pourront gagner encore autant
que la compagnie, en gagnant , de moins qu’elle ,
tout ce qu’elle eft obligée de prendre lur fes
profits de Chine pour les dépenfes de fes autre»
établiffemens.
Commerce de Bengale &dé la côte de Coromandel.
Nous voici arrivés à; là partie la plus: importante
de la difeuffion préfente ; la pofiîbilité d’établir le
commerce libre au Bengale & à- la Cote de Coromandel.
, Pour achever de diffiper tous les doutes fur la
pofiîbilité du commerce- particulier en Chine , je
puis citer les aveux , que fait l’auteur d’un des raé- 1
moites qu’on m’a communiqués.. Je tranlcrirai 'ici ’
» les paroles. » En tout cas ; dit - il , s’il eft vrai ■
» que le commerce de la Chine eft le plus facile
» & le plus avantageux , il y auroit de l’injuftice à "
» en priver la compagnie. des Indes , qui en le :
» faifant avec fageiïe. & connoiffance;, y trouve un- •
» dédommagement de ce qu’elle peut perdre ail- *» leurs , & des dqpénfes indifpenfablés que fes éta- ;
» bliffemens lui occafionnent.
• ; i°. On voit par cet endroit que les défenfeurs du
Avant d’entrer dans les détails, nous préparerons
l’eiprit de nos lecteurs par quelques réflexions
générales.
I. Les difficultés qui s’oppofent à rét-abliïïemenc
du commerce de l’Inde ne paroiffent de quelque
importance, que parce qu’on en raifonne dans une
fuppofition tout-a-fait fauffe , que les ennemis de la
liberté tâchent d’accréditer autant qu’ils peuvent, &
fur laquelle ils établiffent prefque tous leurs rai-
fonnemens.
Ils fuppofent qu’il ne s’agit pour eux que de
prouver que le commerce particulier ne réuflîra pas
la première année de fon etablifTement ; & que
dici à là fin des fîècles on ne verra plus un feul
vaiffeau François paffer le Cap , fi les retours des
premières expéditions ne font pas auffi confîdéra-
bles quC'ceux de la compagnie dans les temps de
fa plus grande profpérité.
Il leur importe beaucoup d’établir cette opinion,
parce qu’ils voyent d’une part qu’on ne fauroit leur
nier que le commerce libre trouyera quelques difficultés
à vaincre dans les premiers momens de fon
établiffe-ment, qu’il lui faudra un peu de temps pour
fe faire fa route à lui-même. Ils Tentent fort bien
qu’en lui accordant quelque-délai, il écartera ou
lurmontera peu-â-peu tous les obftaclês. Ils tâchent
clone de perfuader que fi on manque le premier
: coup , tout-eft perdu , que-le commerce libre: doit
prendre toute fa confiftance & toute fon étendue
dès la première année , fans quoi il ne s’établira, i jamais.
'Cette manière de préfenter la quéftion eft d’ailleurs
un bon moyen d’effrayer les efprits timides 8C.
impatients, efpece d’hommes trop- commune au-
j jouicThui,, & que le manque de cara&ère , &
:plus encore celui- de principes , multiplie tous les
’
joui-s>,
|Mais heureùfement, il y a encore dès,gens qui,
‘n’ont pas peur , & qui fçavent attendre. Ce font
ceux-là qui fentiront fort bien qu’il eft abfolnment •