
Qu’à l’égard du commerce de Chine , la compagnie
qui avoir été formée en 1713 n’avoit fait
aucun ufage de fon privilège , &c.
La réflexion que cet endroit fait naître ; eft qu’il
n’y a pas un (eul des fâ’ics qu’on y énonce contre
les compagnies qu’on détruifoit , qui ne fut un
motif fuififant de fê refufer à l’étaWifièment d’une
nouvelle , parce qu’il-n’y a pas une feule de leurs
fautes, ou fi l'on veut, de leurs malheurs, qu’on
21e dut craindre d’une nouvelle. Car fi ces compagnies
avoient eonfommé leurs capitaux, fi elles
n’avoient point fait de bénéfices, fi elles avoient été
obligées de recourir à des emprunts à un taux ex-
ceffif, fi elles n’avoient pas fait de leur privilège
I mage qu’elles en auroient du faire pour l’accroif.
fement du commeree 3 &c. on pouvoit attendre tout
cela d’une nouvelle compagnie ; & en tout cas
il ne pouvoit rien arriver de pis en laiflant le commerce
libre. Après cette énumération on lit cependant
à ces caufes, &c. nous réunifions, nous éta-
blifions , &c. jamais il n’y eut de tranfition plus
brufque & moins préparée.
La nouvelle compagnie des Indes fut mife en
poffèffiôn de tous les droits & privilèges accordés
aux compagnies d’ Occident, à celle des Indes
& de la Chine, auxquels on ajouta, au mois de
juin de la -même année, ceux de la compagnie
d'Afrique.
Parce même édit de mai 17 19 , la compagnie eft
autorifée a/créer pour vingt-cinq millions de nouvelles
actions, qui dévoient être pay ées 5 50 1. en
argent comptant.
Mais bièntôt là compagnie fe trouva enveloppée
dans les diverfes révolutions du fyftême ; fès fonds
ne firent plus qu’une partie de ceux de l’état. La
réunion de la banque établie en 1718 , à h. compagnie
y augmente' epcôre l’obfcurité. .Là compagnie
n’èft plus à cette époque une entrepiife de
-fcommérce dont on puiflê eftimer lè capital Sc les
profits.'
Cet état de confufîon fe prolonge jufques vers
. 17x5 : & , comme c’eft là le premier moment au-
quelon puifFe connoître fa véritable fituation, dé-
. barraifée de ^ toutes les fuites du fyftême c’eft à
cette époque que nous terminerons le récit-hifto-
rique que nous avons voulu mettre fous les yeu-x
de nos leéteurs. .
L ’état.aéluel de la compagnie tient, à fon état en
1715. Le premier de les bilans’fur lequel on puifïe
compter , & qui énonce le véritable capital avec
• lequel' elle a commencé fon commerce, eft de-cette
meme .année. C’eft de . ce point que nous partirons
pour examiner, les trois queftjons que nous avons
énoncées. .;» . <’•
P R E M I È R E Q U E S T I O N .
Jdjî-il de Vintérêt des actionnaires de continuer
Vexploitation de leur privilège ex c lu s if ?
Si le capital de commerce de la çonip.agnie &
fon revenu libre ont continuellement diminué depuis
1715 jufqu’à préfent , & fi elle doit craindre
qu’il^ne diminuent encore par la fuite ; fi d’un
autre côté fes bénéfices ont diminué depuis 1764
jufqu’à préfent ; & fi elle ne peut former aucune
efpérance raifonnable de lefc voir remonter dans la
fuite , comme il ferôic néceftaire pour le rétabliffe-
ment de fon commerce & la confervation du capital
qu’elle y mettroit , il n eft pas de l ’intérêt des
actionnaires de continuer le commerce. Or , je vais
prouver que la compagnie fe trouve dans cette
double cirêonftance.
§. I.
l e capital de commerce de la compagnie $
fo n revenu libre ont continuellement diminué
depuis 172$ jufqu'en 1769.
Sur l’énoncé de cette propofition , on pourra
croire que nous prenons une peine inutile en entreprenant
de faire voir aux actionnaires une diminution
dans leur capital & dans leur revenu, qu’ils
né paroiflent pas avoir jamais pu ignorer. La compagnie
, dira-t-on ; a toujours fait fes bilans, & fa
fituation annuelle a du: être connue de tous fès
actionnaires ; on ne peut donc rien leur apprendre
à cet égard.
| Cette réflexion manqueroit pourtant de jufteffe
j & de vérité. Les actionnaires , quoique fortement
intéreffés à connoître l’état de leur capital & les
profits-& pertes de leur commerce , n’ont jamais
bien connu ni l’un ni l’autre , & ont été par- l à ,
au moins le plus' grand nombre d’ëntr’éux ', ■dans
l’ignorance de leur véritable •fituation.
Leur erreur a eu deux fources; La première eft
la forme de leurs bilans , dans lefquels on leur a
toujours préfenté, comme capitaux de commerce ,
des capitaux qui n’étoient pas entièrement disponibles
pour le commèree ; la fécondé eft la fixa^-
tio'n des dividendes qui n’ont jamais été déterminés
d’après le revenu libre de la compagnie ; niais
arbitrairement, & félon qu’on jugeoit à propos de
les fixer ; pour foutenir lé crédit & faciliter • les
emprunts.
Ceci a befoin d’êtrë développé avec un peu
d’étendue.
Les bilans de la compagnie ont toujours compris
dans le capital qu’ils ont mis fous les yeux
des actionnaires', les fonds morts qui allouent toujours
en augmentant, & le principal des rentes
viagères qui pugméntoient auffi annuellement. Or ,
ces deux objets n’ont jamais pu être regardés comme
faifant .partie du capital de commerce. On entend
par fonds morts les batimens tant civils que
militaires & autres effets qui pouvant être utiles
. à Tadminiftratian du commerce , n’en font pas
les inftrunients' immédiats. O r , qui ne voit qu’on
ne peut faire entrer cette efpèee de fonds dans la
capital du commerce d’une compagnie , fans induire
les intéreffés en erreur fur leur véritable fituation.
Ces fonds ne peuvent , par euxrinêmes,
fiopnçï
donner .aucun bénéfice ; ils fonty des occafîons de
dépenfes par le dépériftement auquel ils font fujets
& les frais d’entretien qu’ils exigent. Enfin , loin
d etre une riçheffe , ils font au contraire une charge
pour une compagnie de commerce. Cette vérité
femble avoir été méconnue dans la confection des
bilans de la compagnie: On augmentait continuellement
les fonds morts de cette, efpèee ; on conf-
truifoit dans l’Inde des magafins immenfes , .un
palais au gouverneur , des édifices pour, le logement
des employés. On faifoit des dépenfes pareilles
â l’Orient ; 011 avoit à Paris l’hôtel d elà
compagnie ; Il falloit entretenir tout cela ; le capital
difponible pour le commerce diminuoit d autant
; & on comptoit Toujours comme capital, de
•commerce dans les bilans , la valeur de tous ces
effets-, & jufqu’aux femmes qu’on avoit dépenfees
pour leur entretien. C’étoit là de mauvaifes operations
de commerce , voilées par de, mauvais câlculs.
Par la forme même des bilans /le s actionnaires
étoient encore induits en erreur, en ce que le principal
des rentes viagères, lefquelles alloient toujours
çroiflant , ne pouvoit y être compris. Cepen-
daftt le capital total de la compagnie,‘grevé d’une
rente viagère , n’étoit plus un capital difponible
pour le commerce. Que diroit-on d’un négociant
qui y ayant commencé fon commerce avec cent
mille écus de fonds, & emprunté cent mille francs
â dix pour cent en rentes viagères , fe trouvant après
plufieurs années avec les mêmes cent mille écus ,
croiroit n’avoir rien perdu fur fon capital ? N’eft-il
pas clair que ce capital ne feroit plus réellement'
de cent mille écus , qu’il en faudroit défalquer le
principal de la rente viagère , & que fon fonds
feroit diminué d’autant ?-
La feule infpeétion des bilans , qu’on verra ci-
après , fournira la preuve de l’erreur que nous
leur reprochons ici ; mais en attendant nous croyons .
.devoir montrer, comment les actionnaires ont été
.conduits par là à croire fauffemem que leur capital
«■’augmentoit,
Dans le bilan de 172.5 ,■ il paroît que le fonds
capital, déduction faite des dettes
eft de . . . . ........................... i 3P>3 85,5*41 1*
Mais fi on en déduit les maur
vaifes dettes & fonds morts formant
,ci . . . . . . . 1,0851,774 1' %
Et le capital au denier dix de J
5,461 1. de rente viagère dont la > 1,184,354 1.
compagnie fe trouve des-lors char- \
,gée,ci . . . • • • • 54,62.0 1,
Ces deux déductions faites., il
ne refte en capital libre & difponible
pour le commeree que • • *37,2.01,547 b
De même-au premier apperçu du bilan de 1743 >
on trouve que l’actif de la compagnie , déduction
faite de fes dettçs, eft de • . . . « 161,147,817 1*
Commerce, Tome I. f â r t » I L
Mais fi l*on déduit de ce ca- v
pital prétendu libre les fonds i
morts & mauvaifes dettes , /
Ci . . . . . • . .^8,3^4.778 I I 43 J I0,1^8 1.
Comme encore le capital au f 3 '
denier dix de 1, y 14,5 45 1. dont la y
compagnie eft grevée, à cette épo- 1
que, ci . . . . . 15,145,450 1*
Le vrai capital de commerce fe
trouvera réduit à ....................... 117,637,549 J.
De là réfultoit pour les actionnaires la difficulté
de porter un jugement fur de l’augmentation ou
diminution du capital de commerce ; car en
voyant le capital de la c o r n p a -
g n i é en 1715, porté fur le bilan
à • ................................................. I3P>385î^ 4 i b
Et en voyant d’un autre côté
dars le bilan de 1743 ? I® capital
porté à . 161,147,817 1.
La comparaifon des ces deux
capitaux a du leur faire croire que
le commerce de la compagnie lui
avoit procuré un bénéfice de , • 11,761,876 1„
Mais fi on eût déduit également. de ces deux
capitaux les fonds morts -, mauvais effets & capital
des rentes viagères dans les deux époques, le
fond , capital de 1715 fe feroit
trouvé rédiiit a 137,101,547 1,
Et celui de 1743 à . . . . 117,637,545 1,
„ Ainfi , loin d’avoir trouvé une
augmentation de capital, on eût
trouvé une perte réelle de . . • 563,99^ 1.
Ce qui forme une différence
énorme entre la réalité des. fiiccès
du commerce Sc le fimple apperçu
du bilan, ci f 41,315,874 L
La preuve de la jufteffe de ces calculs fe trouvera
dans les états ei-après.
Le bilan du 30 juin 1756 , comparé à celui de
1715 , nous fournit un fécond exemple, auffi frappant
que le premier , de la difficulté où. ont été
jufqu’à préfent les actionnaires de connoître leur
véritable, fituation. En effet.
Le montant de l’aétif du bilan
de 175^> eft de . • . . . • • 197,108,795 1.
Sur quoi déduifant les dettes • 69,431,404 J,
Il paroit refter un fonds capital
de f . . . . . . . . . • 2 -2 ,7 ,7 7 7 ,3 9 1 b
Bbbb