
que je déferas. Je n ai pas le ..doute le plus léger (ur
la bonté .de ma caafe ; cependant;fi quelqu'un croyoit
avoir des objections nouvelles à ce fujet, je me fe-
rois un plaiiir. de les ré foudre , & je ne refuferai
pas de me livrer encore ! une difcufllon fi intérêt
Tante pour le commerce du royaume , & pour-un
grand nombre de dtôyens.
Compagnie des Indes occidentales.
Avant de parler de l’établiffement de cette compagnie
, il faut dire quelque cliofe de celle qui fut faite
pour la nouvelle France , Tous le miniftère dii, cardinal
de Richelieu.
Cet. habile miniftre , capable de former en même
temps les plus grands projets , & de les foutenir,
achevoit de donner. Tes ordres p o u r. foumettre la
Rochelle au roi Louis X I I I lo r f q u 'i l penfa à profiter
de la paix que cette conquête allait rétablir-
en France, en établiffant cette compagnie. L'Edit
en fut donné au camp devant cette ville, au mois
de mai 162.8.
, Dès le mois d'avril de l'année précédente, plu-
fieurs marchands , négôcians,, & autresperfonnès riches
, & de grand crédit, s'étoient offerts de faire
une compagnie de cent afîociés, pour foutenir* les
colonies déjà établies, dans le Canada, & en envoyer
de nouvelles dans ces vaftes pays encore affèz mal
connus.
Ce fut à ces premiers afîociés -, dont les principaux
étoient les fieurs. de Roquemont , Houel ,
Lattagnant, Dablon ,Duchefne & Châtilion'quede
i-oi par Ton édit fit cette, concefîion, fous les .privilèges
& conditions contenus en feize. articles.
Ces conditions furent, que dès cette même année
162,9, la compagnie feroit paffer dans la nouvelle
France deux à trois cens hommes de tous métiers 3
& pendant les quinze années fui vantes, jufqu'à -quatre
mille de l’un & de l'autre fexe , qu’ils nourriroient
2c entrètiendroient de tout pendant crois années 3 parmi
lefquels habitans il n’y auroit aucun étranger,
mais, feulement des naturels François & Catholiques.
Que les afîociés entretiendroient dans chaque habitation
trois eccléfiaftiques au moins , même davantage,
s'il étoit jugé néceflaire.
Que faute par eux d'avoir fait paffer jufqu'à quinze
cens hommes, pendant leS.dix premières années, des
quinze de; leur concefîion , : ils refîitueroient pour
dédommagement de ladite inexécution, le prix des
deux vaifîeaux de guerre, que le roi leur accordoit
par l'article 9. de ion édit3 ce qui auroit àuflî lieu,
fi dans les cinq reliantes , le nombre entier de quatre
mille hommes n'étoit point pafîe.
Enfin, que les afîociés pour toute redevance ren-
droient la foi & hommage 3 fuivant la coutume de
France, à chaque imitation de ro i, & offriroient
une couronne d’or du poids de huit marcs.
( .Les privilèges furent la propriété à perpétuité , I
juftice & feigneurie du fort & habitation de Que- I
bec, ayec tout le pays de la nouvelle France.,, le *
lon^ des cotes depuis la Floride 3 en rangeant celle
de la mer jufqu au cercle arctique:., pour latitude 3
& depuis 1 ifle de Terre—Neuve , tirant à l’oueft ,
jufques dans le grand lac, dit la mer douce, pour
longitude ; comme'pareillement le long , & en remontant
la riviere de S. Laurent, en avançant dans
léis terres. « ,
Là cefîion àuflî en propriété de toutes 'les- mines'
& minières, pour en jouir fuivant les Ordonnances
des; rois de. France.,
La permiflion de 1 fondre artillerie, .& bâtir places
& forterefîès , où ils le jugeroient à propos.
Le trafic de tous les cuirs , peaux , pelleteries,
,& autres marchandifes , qui fe pourroient tirer de£
dits pays , à la réferve de la pêche des morues &
baleines , qui réfteroit libre à tous les fujets dit
roi , aufli bien que la traite defdites pelleteries ,
aux François déjà habitués en Canada, ou qui y
pafleroien:, fans être aux dépens de la compagnie;
qui -pourtant feroient obligés de porter aux commis
des afîociés le produit de leur traite , pour les prix-
réglés par le huitième article de l ’édit.
•Ir ce^ privilèges, le roi ajouta le don de deux
.vaifîeaux de guerre de deux à trois cent tonneaux ,
& de quatre coulevrines de fonte verte,
y Cette compagnie réufîit d’abord allez bien ; &
g eft a elle proprement que l’on doit les grands éta-
blifîèmens que les François ont dans 1 : Canada :
mais ayant négligé d’y envoyer les fecours nécelfai-
res , les etrangers , & fur-tout les HoilandoiS ', en-
.firent bien-toc préfqùe. tout le: négoce. .
§ - T on a yu. ci-defîiis l’étabiiflement à3\mt compagnie
pour Tifle de S.-Ghriftophe ; l'une des Antilles.3
en 1622- , & fa.eonfirmaîion en 1642g c’ë ftà elle
que l’on doit .toutes - les colonies Françoifes dè cesL
ifles, comme de-la Guadeloupe, de la Martinique,-
de Nieves, de S. Barthélémy, de S. Martin, de
Sainte-Croix , &c.
: '.Cette première compagnie ne fubfifla guères au-
delà de l’année. î-6| ï. Le commandeur de Roincy',-
qui dès .163:8 T avoit été fait par le ro i, gouverneur
général des ifles, traita avac elle le 24 mai 165T,
& acquit a Tordre de Malthe , dont il étoit grand-
Croix, la propriété des ifles de S. Chriftophe, de
S. Barthélémy, de S. Martin, & de Sainte-Croix,
traite qui fut confirmé deux ans après , par les lettres
patentes de fa majefté, qui ne Te rélerva que la
feule fbuvëraineté de ce qui étoit compris dans la
cefîion de, la compagnie à l’ordre de; S. Jean de
Jérufalem , avec l’hommage d’une couronne d’or de
mille ecus, à chaque mutation de r o i, qui devoir
être ,préfentée par l’ambafladeur de l’ordre.
Les afîociés avoient déjà commencé à démembrer'
leur pofîeflion dès 1649 ; ce qu’ils avoient continué
en 1650, par la vente qu’ils firent de quelques-unes
de leurs ifles., aux fieurs du Parquet & d’Houel 3 au
premier , de la Martinique, de la Grenade -, & de
Sàinte-Aloufie 3 & au dernier , de la Guadeloupe ,
la Marie-galande , la Défirade, & les-Saintes.
Dans le temps que la compagnie des ifles achevoir
! a,
de fe défaire de fes fonds, & de fe défutiir , il s’en
formôit une à Paris pour l’ifle de Cayenne , fous le
nom de France équinoxiale. Le fieur Poncet de Bje-
tigny avoit déjà tenté un établifîemént dans cette partie
de. la Terre-ferme de l’Amérique 3 mais avec fi
peu de fuccès , qu’il lui en avoir même coûté la vie.
L’abbé de Lifle-Marivaux , do£teur de forbonne ,
Roy ville, gentilhomme de Normandie, & l’abbé de
la Boulaye, intendant général de la marine, crurent
être plus heureux 3 8c|quoiqu’avec différent motifs,
s’unirent pour cet important defîein.
Le zèle de la converfion des Sauvages , étoit l’unique
motif qui animoit l’abbé de Marivaux 3 de
Royville avoit formé, à ce qu’ont publié depuis fes
afîociés, de grands dèfleins pour fe faire à lui feul
une efpèce de fouveràineté dans ces lieux éloignés 3
& l’abbé de la Boulaye ne penfoit qu’à faire fleurir
le commerce & la marine de France, dont il avoit
en partiè la direction fous le duc de Vendôme.
Cette compagnie compofée de quantité de per-"
Tonnes , également çonfidérables par leurs emplois
& par leurs richeflès, obtint des lettres patentes, fur
la fin de 165 t . Le 18 mai de l’année fuivante , l’embarquement
de y où 600 hommes, engagés & levés
pour cetre colonie , fe fit, à Paris devant les thuille-
riës, pour fe rendre à Rouen, dans de grands bateaux
qu’on avoit préparés.
Mais, fi on' le peut dire , ce fut fous des aufpi-
ces peu favorables ; Toit à caufe des troubles civiis,
dont cette grande ville étoit alors agitée 3 foie à caufe
de là mort de l’abbé de Marivaux, l’ame de .cette
entreprife , qui devoit paffer à Cayenne en qualité
de directeur général 3 qui étant tombé dans l’eau ,
en donnant les derniers ordres pour cet embarquement,
ne put jamais être fecouru , & fe noya mal-
heureufement.
Ces trilles commêncemens furent fuivis d’évène-
mens encore plus tragiques : Royville , général,
périt dans la route, & fut poignardé fur fon bord
par fes propres afîbcjés.
Sa mort femb-la divifer -les efprits,. & les accoutumer
au fang. A peine la colonie fe formoit-élle
à Cayenne , que les plus jeunes afîociés conspirèrent
la- mort des anciens, dont l’autorité & la fagefîe
les embarafîoient. Trois furent arrêtes; le plus co'u-
pable paya - de fa tê te, fa légèreté & fa perfidie 3
les deux autres furent relégua dans des ifîès .défer-
tes : & il fut remarquable, que de tant de gens qui
avoint trempé leurs mains dans le fang du général,
il n y en ëut aucun qui ne périt par une mort fu-
neflev
La colonie fe fentit même de cette efpèce d’ana-
theme 3 la misere , la faim, & la guerre en obligèrent
les miférables refies , d’abandonner une terre ,
q u i, pour ainfi dire, dévoroit fes habitans; & à la
fin de décembre 1653 , A ne relia plus rien dans
Cayenne , de cette compagnie Françoife , que les
cadavres de quatre ou cinq cents hommes qui y étoient
péris, & une grande quantité d’armes, d’artillerie,
de meubles & d’ufteiïciles , dont les Sauvages profî-
tèrent.
Il le fit néanmoins depuis une nouvelle compagnie
de la France-équinoxiale, qui fervit comme de
fondement à la grande compagnie des Indes orientales,
dont, on va parler.
Il ne faut cependant pas oublier de remarquer ,
qu’après plulieui's viciflîtudes de gouvernement, tantôt,
des. François , tantôt des Ànglois , & tantôt des
Hollandois , cette féconde partie de l’Amérique, connue
fous le nom de Cayenne , eft reliée à la France.
Tel étoit l’état des colonies du Canada, de celles
de Cayenne , & des ifles Françoifes 3 par où l’on voit
allez que fi la France y acquerbit des domaines ,
elle ne profîtoit guères du négoce qui s’y faifoit,
qui aulîî bien que celui des ifles , étoit prefque entièrement
entre les mains des Hollandois , qui tous
les ans y env.oyoient un très-grand nombre de vaif-
féaux-, ' ;
Ce fut pour remédier-à un-défordre préjudiciable
à fes fujets , que le roi Louis' XIV , établit la compagnie
royale des Indes occidentales en 1664, dans
le même temps qu’on travaiîloit' à Tetabiifîement de
celle des Indes orientales, dont on vient, cié parler.
Lçs ifles Françoifes furent rachetées au nom de i,ï
nouvelle compagnie : l’ordre de Malthe, & les autres
propriétaires furent rembourfés. On traita avec ce
qui relloit d’alfociés de la compagnie de la nouvelle
France de 1628.- Toutes les conceflîons furent.révoquées,
& des lettres patentes expédiées le 11 juillet
• 1664.
Par ces lettres , le roi accorda à cette nouvelle
compagnie, entoure propriété, juftice & feigneurie,
le Canada , les ifles Antilles , l’Acadie, les ifles de
Terre-neuve, l’iflë de Cayenne & les pays de Terre-
ferme-de l’Amérique , depuis la rivière des Amazones,
jufqu’à celle d’Orenoc , &c. avec faculté d’y
faire feule le commerce pendant quarante ans , aufli-
bien qu’au Sénégal, côtes de Guinée, & autres lieux
d’Afrique.
Sa majeflé ajouta ençore à de fi grands avantages,
laremife de la moitié des droits pour le's marchan-.
difes venant defdites terres ; le pouvoir de nommer
les gouverneurs, & tous les officiers de guerre & de
juftice, même les prêtres & curés 3 & enfin, le droit
de déclarer la.guerre, & faire la p aix , lorfqu’elle
le jugeroit néceflaire; le roi ne fe réfervant que la
foi & hommage-lige, & une couronne d’or du poids
de trente marcs à chaque mutation de roi.
Ses armes furent un écuflon en champ d’azu r,
femé de fleurs de lys d’or fans nombre 3 deux Sauvages
pour fupports, avec une courronne treflée.
Les fonds pour foutenir une fi grande entreprife
furent proportionnés, & fi çonfidérables , qu’en
moins de fix mois la compagnie équipa plus de
quarante-cinq vaifîeaux , avec lefquels elle prit pof.
feflîon de tous les lieux compris dans fa côncefi-
fion;, & y établit fon commerce. Cependant elle
ne fubfifta guères qu’environ neuf ans. En 1674,
le roi acquit pour lui-même, & réunit à' fon do»
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