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arbitraire & l’autorité, font les deux oppofés
précifément comme le ciel & l’enfer , car
la véritable autorité vient du premier &
l’autre fort du fécond.
Ce n’eft donc pas à la force prédbmi- !
nante quelqu’en foit l’ufage jufte ou injufte ,
utile ou deftruéteur, que nous donnons le j
titre augufte & facré d’autorité, que nous
attribuons l’honneur d’être la fouree primitive
de tous les biens., le plus noble de
tous les arts qui conftituent lesfociétés,
le plus grand principe de perfedion pour
les autres , & par conféquent l’origine de
toute fplendeur, de toute profpérité pour le
commerce , qui çonfifte dans les échanges
mutuels des travaux & des propriétés
qui en font le fruit ; c’eft à l’inftruâion ,
à la proteétion , à l’adminiftration publique
, fondions effentiellement bîenfaifantes
par elles-mêmes -, dont nous femmes obligés
dè faire fentir l’influence auffi falutaire qu’in-
difpenfable pour expliquer de mieux en
mieux l’harmonie fociale & la vraie dignité
dit Commerce qui l’entretient feul par fes
relations.
L’homme naturel brut & fauvage qu’on
abandonnerait -à-.lui-même , ne développerait
, ni les difpofitions de fort efprit ,’ ni
les qualités les plus utiles de fes organes
corporels. Il languirait dans l’inertie ; cupide
& colère , il n’écoùteroit que des dé-
firs fougueux , privé de la prévoyance qui
les empêche de naître y & de la réflexion
qui les tempère , il fe- livrerait aux ufur-
p'ations, aux violences, aux repréfailles &
aux vengeances.
L’homme inftruit avec foin par la folli-
citude privée de l’amour paternel , par la
foliicitùde publique- du père commun de
la grande famille' j eft capable de porter à
la plus fubîime -perfedlori , toute efpèce de
juftice exade & de vertu bienfaifante ,
toutés les fcieiices, tous les arts "utiles &
agréables. - :
L’inftrudion contient l’enfei^nementq
l’exemple" , lés Jnù/eus d’éniulation ; c’eft
elle qui-s’empare de nous ,-fousmille & mille
formes'’diverfes dans" les feciérés policées
dès la première aurore de notre intelligence;
c’eft elle qui forme., le coeur., l’ë’fprm -, les
O U R S
organes de. tous les citoyens, fuivant leuf
état & leur condition ; c’eft elle qui pofe
la- bafe de leur vie , l.e. fondement du fort
qui les attend eux-mêmes & prefque toujours
de celui qu’éprouvera leur poftérité.
C’eft parla généralité , par la continuité,
par- la perfection du grand art d’inftruire,
le premier des arts, le vrai principe de tous
les autres , que l’homme & l’homme feul
fur la terre s’approprie de bonne heure les
réflexions , les expériences , les fucces de
plufieurs générations , de plufieurs fiecles,
de plulieurs peuples; & c’eft principalement
dans cette appropriation peu remarquée juf-
qu’ici, que çonfifte la grande perfectibilité
de l’induftrie qui rend l’efpèce humaine la
maîtreffe & la reine du globe terreft-rê.
C’eft par 1 ’ injlruclion que nous devenons
capables d’accomplir tous- & de mieux ‘en
mieux le devoir naturel, qui nous eft prêtent
de veiller à notre confërvation , à- notre
bien-être , non-feulement avec le relped le
plus inviolable pour là loi de la juftice qui
nous défend d’attenter aux propriétés d’-au-
trui ; mais encore en contribuant à l'ordre
général de bienfaifance-, par 1 utilité de nos
travaux particuliers, ou du- moins par - celle
de nos joui (Tances , que l’harmonie de l’état
focial & les relations du Commerce ne
nous procurent jamais qu’avec un avantage
certain & réel pour plufieurs de nos fem-
blables , même fans volonté fpéciale de
notre part, fans pade, fans facrifice d’aucun
de nos droits, ni d’aucunes de nos propriétés.
La protedion confervatrice , fécond devoir
, fécond droit de l’autorité tutelaire y
veille fur nous dès notre premier inftânt.
Sa néceflirè vient de l’inclination trop réelle
qu’ont tous les hommes a la violence & a
Tufurpation deftrn&ive des propriétés. ■ '1
Rien de plus naturel! l’homme que de
vouloir jouir, & dans Timpétuofité de la
première cbncupifcence, rien de plus facile y
de plus prompt, de plus.doux en apparence
que de s’approprier les. fruits, du travail
d’autrui , plutôt que de travaill -r foi même
pour acquérir des joùiffances légitimes.' . i
Dahs lé vrai .cependant, Tufurpaciorif, la
■violence, font, lesmoyens les' p'.us coûteux,
les plus dangereux ,: les plus; odieux pour
P R Ê L I M XV
chaque mortel pris en particulier , puif-
m engendrent la haine ,^ les combats ,
les peines , au, moins la crainte , la .honte,
| les remords : elles font en pure perte
pour Tefpèce humaine pnfe en general &
par" conséquent contraires au voeu de la nature
puifque tout ufurpateur pourrait,
fouvent fe procurer plus de biens exempts
de la tache qu’imprime l’injuftice , . avec
moins de temps , de force & d’adreflè qu’il
n’en met à préparer, exécuter , pallier &
foutenir fes ufurpations.
Mais dans la fougue des défirs,.tout homme
eft capable dte ne confulter que fa
force ou d’y luppl'éer par les artifices de . la
fraude.,; . j
L’aütorité garante & protectrice des propriétés,
quand elle eft précédée d’une excellente
inftruétion générale , qui rend les
hommes plus fages , plus induftrieux & plus
fenfib'les , quand elle eft armée pour, le
foutien de la juftice & la confërvation de
l’ordre feulement, d’une force .prédominante,
quand elle eft affez bien organifée
du centre à la circonférence pour être partout
préfente, agiffante, imposante; prévient,
' arrête , réprime, ou punit au dedans toutes
les ufurpations particulières par les agens
de la légiflation civile & criminelle , au dehors
I N 'A 1 R If.
fur notre félicité , que la fageffe & l’équité
nous .obligent à décerner aux mortels vénérables
par la puilTance. militaire.
Mais ce n’eft pas tout encore pour les
états civilités, pour les arts & le Commerce
qui font leur gloire & leur bonheur ; il faut
enrichir leur territoire des grandes propriétés
publiques & communes, d’où dépend
effentiellement la perfedion des héritages
particuliers & l’utilité' de leurs produirions;
Il faut des chemins, des ponts, des canaux,
des ports, des villages , des villes & tous
les grands édifices qui font à Tufag-è de
tous les citoyens , & qui fondent le patrimoine
précieux de la fouvaraineté. *
C’eft l’admmiflraàoh fuprënie qui forme,
entretient, améliore ces grands établiffemens
publics , c’eft elle qui reçoit par un jufte
échange la portion des revenus territoriaux ,
dont le partage eft déterminé par la nature ,
c’eft-à-dire , par l a 'jufti.ee & par l’utilité
même ; car èn ‘effet lés; fondions de l’autorité
bienfaifanteont une telle influence
qui les'exercent de gradé e:ï grade,
proportionnellement à l’étendue réelle de
leur furveillance , un jufte tribut de notre
amour, de notée relpeét & ’des biens que
la nature accorde tous les ans aux travaux
de la fociété qu’ils gouvernent , & cet h.om-
mage eft d’autant mieux fondé qu’ils remplirent
avec plus de zèle^ 'd'e talens &. de
fuccès toutes ces fonctions intérfeflàntes.
L’art d’exercer l’autorité publique , le
premier des arts , antérieur à la-récolte des
produdions naturelles, eft en fociété très-
intimé avec les deux autres qui 'le fuivent
immédiatement; c’eft-à-dire, avec celui des
propriétaires fonciers & des cultivateurs,
fans autre pad.e ni condition que le partagé
qu’ils font entr’eux. de toùte la valeur des
fruits, .annuellement récoltés, en trois por-
tions-différentes. , . _
La première de ces portions appartient
au ctikivneur comme reprijes y la fécondé
. au propriétaire foncier comme revenu ; la
troifiéme à la fouveraineté comme droit de
perception direde ; chacun ayant pour titre
fes avarices & fes travaux' ; le fermier ceux
de la culture habituelle & journalière , le
maître eu fol & des édifices, les avances ,
les travaux les entretiens du premier défrichement
& dès premières conftrudions :
les. agens de Tautoriré fuprême , les avances ,
les travaux de Tinftruétion , de la protection
, de l’adminiflration publiques.
'Ce partage focial réduit a. la forme naturelle
, déterminé fuivant’ les régies de la
juftice '& de l’utilité générale , lans condition,
fans oppofitions, fans prétentions aveugles
& déprédatrices , opère néceflairement,
& par lui-même toutes les relations, tous les
échanges'j toutes les opérations des arts
fecondaires; & principalement celles du trafic
oudü négoce.1 ; ’ ; ‘ .......
Quand-une heureiife & .continuelle abondance
de récoltes fournit tous les ans une
grande maffe de fubfiftances & de matières
premières , alors lés manufatures de toute
efpèce , peuvent augmenter & perfectionner
leurs ateliers ; alors les'voituriers couvrent
la teire & lès mers : alors les 'marchands