
pour en tirer les foies, les épiceries & autres raaf-
chandifes de ce pays , qu’ils furent long-temps en
poflefli'on de diftribuer prefque feuls à la France ,
à l’Allemagne , & aux autres états de l’Europe.
Sur la fin du quinzième fiècle , la plus grande
partie de ce commerce paflà de leurs mains, dans
celles des Portugais, après que ces derniers eurent
ouvert une nouvelle navigation dans l’Océan , &*fe
furent établis en divers endroits des côtes d’Afrique,
des Indes & de l’Arabie. .
Les Portugais ne pofTédèrent ces différents commerces
que l’efpace de cent ans > ou environ. Dès
le commencement du dix-feptième fiècle, les Hol-
îandois vinrent le partager avec eux, & bientôt
après les en dépouillèrent prefqu’entièrement.
Les François, les Anglois, les Danois même &
les JHambourquois, excités par l’exemple de leur
fuccès , ont fait aufli quelques établilfemens dans-
les Indes & fur les côtes d’Afrique ; mais beaucoup
moins confidérables, quoique les Anglois y ayent
un commerce d’une allez grande étendue.
Enfin l’Amérique, que les Efpagnols découvrirent
peu de temps après que les Portugais fe furent a llu rés une route vers l’orient par le Cap de Bonne-
Efjpérance , eft encore devenué l’objet d’un rafle &
important commence pour toutes les nations de
l ’Europe. Il eft vrai que les premiers coriquérans
de ce nouveau monde , en pofîèdent toujours la
meilleure & la plus riche partie, & qu’ils en conservent
le n ég o ce pour eux feu ls avec une extrême
jaloufie : mais outre que les François, les Anglois,
les Portugais & les Hollandois y ont aufli plufieurs
floriffantes colonies, foit dans les ifles , £oit dans le
continent , il eft certain que c’eft bien autant pour
les autres nations , que pour eux-mêmes , que les -
Efpagnols envoyent tous les ans leur Ilote & leurs
gallions fe charger des trêfors du Pérou & du
Mexique.
En général le commerce eft une profeffion non
moins honorable qii’utile. En France même , il en
eft forti, & il en fort encore quantité de familles
qui fe diftinguent avec honneur dans l’épée & dans
la robe. Ce n’eft cependant que du commerce de
.mer, & de celui qui fe fait en gros,. qu’il eft permis
à la noblefle Françoife 'de fe mêler , fans craindre
la dérogeance.
. La coutume qui s’obfèrve en Angleterre , n’eft
peut-être pas moins fage 5 elle permet aux cadets
des plus grandes maifons , de laiffer dormir leur
noblefle, comme on dit dans la Bretagne Françoife,
8ç de s’enrichir par toute forte dé commerce licite,
pour foutenîr un nom, qui fans cela leur dèvien-
droit à charge : inconvénient qui ne fe’ fait fentir
que trop fou vent chez une nation voifine , plus
fçavante , a ce quelle croit , fur le point d’hom-
n e u r, mais moins intelligente fur fon véritable
intérêt.
On peut encore ajouter à l’honneur du commerce,
que quelques princes d’Italie fe regardant comme
les principaux négocians de leurs états.,-ne dédaignént
pàS de faire fervir leurs propres palais, de magafins à leurs plus riches manufactures. On voit
même plufieurs rois d’Afie , auffi-bien que la plupart
de ceux qui commandent fur la côte d’Afrique &
de Guinée,, exercer le négoce avec les Européens ,
parleurs commis, & fouvent par eux-mêmes. ■
Le commerce, fur le pied qu’il eft préfentement,
fe divife en commerce de terre & en commerce de
mer ; en commerce de proche en ptoche, & en
commerce par des voyages de longs cours ; en
commerce intérieur & en commerce extérieur,
enfin, en commerce en gros & en commerce en
détail.
Il eft évident qu’il s’agit des acheteurs-revendeurs
& de leur trafic, qui eft la troifiéme partie contingente
& acceffoire du commerce , fouvent utile ,
mais pas toujours néceffaire.
Commerce de terre. C’eft celui qui fe fait
de ville en ville , de province en province , ou de
royaume en royaume, par la voie des charrettes ,
de chariots, & autres voitures roulantes j ou fur le
dos des chevaux , des mulets, des chameaux, &
femblables animaux. Il s’exerce encore par- le
moyen des barques & des bateaux, fur les rivières
lacs, étangs & canaux. Enfin y dans les pays diï
N o rd , lorfque la terre eft couverte de neige , les-
marchandifes fe voiturent fur des traîneaux tirés p ar
des chevaux 5 aflfez fouvent même , & fur-tout dans-
quelques provinces dépendantes du Czar > du roî
de Suède & de celui de Danemarck, au lieu de
chevaux d’attelage, on fe fert de rennes , efpêce de-
petits cerfs, qui courent fur la neige avec une-
légéreté inconcevable.
La fiireté des grands chemins, & la commodité
des voitures & voituriers publics , dont on jouît dans
la plupart des états de l’Europe , donnent aux marchands
une grande facilité pour le commerce de
terre. Ces établilfemens avantageux ne font point
d’ufàge dans les états de î’Afie & de l’Afrique, &
de-là s?eft introduit la néceflité de n’y marcher qu’en:,
caravanes. Elles partent dans des temps réglés, desprincipales
villes de l’Orient, & font compolees de-
manière que les marchands & voyageurs rafièmblés
forment une efpêce de corps d’armée, pour traverfer
des deferts , & fe garantir de la violence des voleurs,
' particulièrement des Arabes.
Commerce de mer. Il fe fait dans toutes les
parties du monde où l’on peut aborder par mer ,
foit fur l’Océan, foit fur la Méditerranée , foit dans,
les mers particulières , qui ne font pourtant que .
des parties de ces deux principales, telles que la.
Mer rouge, la Mer blanche , la Mer noire, la Mer
baltique, la Mer g la ciale&c .
Les rifques qu’on court en tout temps, fur mer y
-de la part des pirates , & dans les temps de guerre
par les eourfes des armateurs, obligent les commer-
çans d’affiirer les marchandifes, & fouvent les vaif-
feaux & bâtimens fur lefquels on les charge. Icî
Savary,, comme fes cppiftes modernes, parle printlpalement
de la v o i t u r e , fous le nom de c o m m
e r c e Commerce de proche en proche. Il le dit
quelquefois du c o m m e r c e d e t e r r e , quand le négoce
qu'on fait n’oblige pas à de grands voyages pour le
tranfport des marchandifes. Mais on donne ce nom
plus proprement & plus ordinairement au c o m m e r c e
d e m e r , qui fe fait fur les côtes du même royaume ,
ou dans les ports des royaumes étrangers les plus
voifins. Ç’eft ainfi que les normands qui trafiquent
en Bretagne, les Rochelois & les Malouins., qui
envoyent leurs vaifîèaux en Guyenne , & les Provençaux
qui les frettent & les chargent pour les côtes
d’Italie , ou pour quelques ports d’Efpagne , font
cenfés faire le c o m m e r c e d e p r o c h e e n p r o c h e . En
effet, ces différens lieux , pour lefquels font defti-
nées les marchandifes, ne font pas extrêmement
éloignés des ports où les négocians en font le chargement.
Commerce par des voyages de long cours.
Son nom explique aflez ce que c’eft. Il femble comprendre
tout le c o m m e r c e qui fe fait par me r,
dans les pays éloignés. En ce fens, le c o m m e r c e d u
L e v a n t & celui d u N o r d , pourvoient en quelqte
forte être cenfés compris fous ce titre : cependant if ne
fe dit communément , & ne s’entend guères que du
c o m m e r c e où l’on eft obligé de pafler la ligne. Il
défigne principalement, ou celui pour lequel les
vaifleaux doublent , d’un côté le Cap de Bonne-
Efpérance pour aller aux grandes Indes, à la Chine,
dans le golfe Perfique, &c. ou celui pour lequel
ils embouquent les détroits de Magellan & de le
Maire, pour pénétrer dans la mer du Sud , foit
our y commercer fur les côtes de l’Amérique
fpagnole, foit pour reprendre, par le midi, la
route des ifles Mariannes , des Philippines, des
Moluques, &c.
Les deux articles fuivans peuvent s’entendre du j
vrai c o m m e r c e , mais pourroient aufli ne s’appliquer
qu’au fimple trafic.
Commerce intérieur. On doit concevoir par
là celui que les fujets d’un même prince font entré
eux, dans l’étendue feulement du même état, dont
ils font fujets : quelquefois il s’exerce par terre , de
ville en ville , & de province en province 3 quelquefois
on le fait par mer , foit d’une extrémité de
l’état à l’autre, comme de Provence en Normandie ,
foit de côte en côte, ou -de port en p o rt, comme
de Bretagne en Saintonge, ou de Marfeille à
■Toulon.
. Commerce extérieur. Il renferme toutes les:
efpèces de c o m m e r c e , ou prochains, ou lointains ,
p a rte rre , ou par mer, que les fujets .d’un même
état ont coutume de faire au-delà de la frontière,
& hors les bornes de fon enceinte. -
• Si dans les idées que vous vous formez fur le
c o m m e r c e i n t é r i e u r & e x t é r i e u r - , vous faites entrer
comme objets principaux & feuls eflentiels , les
premiers producteurs & les premiers confommateurs ;
alors l’intérêt du c o m m e r c e , & celui de l’état, ne ,
font plus qu’une .feule 8c même chofe : autrement
, ces deux intérêts peuvent être fort oppofés. ,
Commerce en gros. C’eft celui oùTon vend
feulement les marchandifes en cailles , en balles, ou
du moins en pièces entières. Ce c o m m e r c e a une
efpêce de noblefle, que n’a pas le détail j aufli y
a-t-il des états .où les nobles l’exercent : & en
France , non-feulement Louis X I I I , par fon. ordonnance
du mois de janvier 162.7, permet aux marchands
groflîers: de prendre la qualité de nobles $
mais encore Louis X IV , fon fils & fon fuccefîèur,
par la fienne de la fin du dix-feptième fiècle, les
déclare capables , fans quitter le c o m m e r c e , d’être
revêtus des charges de fecrétaire du roi, qui donnent
la noblefle à ceux qui les pofsèdent actuellement,
pu qui les ont pofledées vingt années, auffi-bien qu’à
, toute leur ligne directe.
Outre la noblefle du c o m m e r c e e n g r o s , -il eft
encore confîdérable par fon étendue j & ce font les
marchands qui en font profeffion, qui arment ces
flottes , qui par leur retour enrichi fient les nations
de l’Europe des dépouilles des Indes & de l’Amérique
, o u , pour tout dire, des tréfbrs de toutes les
parties du monde.
L’on peut diftinguer trois fortes de c o m m e r c e e n
g r o s , particulièrement en France.
L’u n , qui a le moins d’étendue, fe borne aux manufactures
qui fe fabriquent, ou aux marchandifes &r
denrées qui croiflent dans le royaume, pour en faire
magafin, foit à Paris , foit dans les principales villes
des provinces , pour les débiter enfuite dans ces
mêmes villes ", ou fous corde, ou en pièces, aux
détailleurs & autres qui en ont befoin.
Ic i, comme on voit, Savary paroît exclure du
c o m m e r c e , non-feulement les premiers.producteurs
& les derniers confommateurs, qui en font l’eflènce,
mais encore les manufacturiers & tons les façoniieurs
qui en font le premier & le principal acceffoire ,
prefque toutes les denrées ayant befoin de travail
avant d’être commercées.
La fécondé efpêce de c o m m e r c e e n g r o s ? eft celui
qui fe fait avec l’étranger, en y envoyant les marchandifes,
drogues & fabriques du cru du royaume.,
qui font propres aux nations avec qui l’on trafique ÿ
ou en tirant d’elles ce qui fe fait ou qui croît chez
elles, dont la France a befoin ; ou enfin en prenant
chez les unes , pour porter aux autres , & de
toutes enfemble, ce qui convient au négoce qu’on
fait.
Ce fécond c o m m e r c e e n g r o s , eft proprement
borné aux états de l’Europe. Mais l’on peut dire que
la troifiéme efpêce embrafle tout le refte de la terre ,
ou déjà découverte , ou qui refte à découvrir. C’eft
le c o m m e r c e d e s v o y a g e s d e l o n g c o u r s , trop vafte
pour des particuliers , & qui ne fe fait bien que par
des c o m p a g n i e s capables d’en foutenir la dépenfe ,
&. d’en attendre patiemment les profits. Ils font
immenfès, quand une fois les compagnies fe font
bien affermies 5 mais ils ne répondent pas toujours