
commerce , il eft moins néceiïaire de la fraxÉer f
ici.' '
3°, Nous voulons écarter tous les reprochés qu’on
pourroit nous Faire de raifonner d’après des fyftê-
mes, d’après des généralités qu’on ne peut appliquer
aux détails , d’abandonner, les faits & autres imputations
vagues qu’on prodigué ordinairement contre
ceux qui cbnnoiîTeht & ^ui font valoir la Force des
raifons contre les préjuges ou l’intérêt j:& puifqu’ii
faut raifonner d’apres des faits.1, nous raifonnerons
d’après des"forts, nous bfons le dire , mieux couf-
tatés 3c mieux examinés que ceux qü’on oppofe a la
liberté du-commerce.
4°. En foi nous voulons donner au x défenfeurs de
la compagnie tous les avantages qu’ils peuvent f
avoir pbtir leur caufe , & nous'placer- nous-mêmes !
dans le pofte où ils peuvent s’imaginer qu’ils nous
forceront avec plus de facilité.- ,
L ’cejet qui nous occupe ic i, intéreiïe l’état &
les actionnaires de la compagnie.
L’état -qui peut fouffrir dè la déflation du privilège
excluflf t s’il lui eft utile , ou de la continuation
, s’il lui eft. onéreux.
■ Les actionnaires qui peuvent défirér la continuation
de leur commerce dans i’efpérance de voir
augmenter, leur'fortune, ou craindre d’y confom-
-mer le refte de leur capital.
Il me paroît foivre .delà que toutes les quef-
tions qu’on agite relativement à la compagnie
des I n d e s , peuvent fe réduire aux fuivantes.
. i° . Eft—il de l’intérêt des. aCiionnaires de continuer
f exploitât! on de leur privilège excluflf?
z°. Les actionnaires peu-yent^iis continuer l’exploitation
de leur privilège excl&flf?
3°. Eft—il de l’intérêt de , l’état de conferver à la,
compagnie fon privilège excluflf ?
Je ferai précéder l’examen de ces trois queftions
d’une hiftoke fuccintc du commerce de Y In d e par
les compagnies. Franco i f es , depuis fon origine
ju-fqu’à l ’entier établiffement de la compagnie des
"Indes , aCtuelle ; ce récit, fera une introduction naturelle
aux difeuftïons dans, lefquelles je me pro-
pofe d’entrer. J ’accompagôeraiTes principaux faits
de quelques réflexions qui ne. feront point étrangères
à. mon objet.
H I S T O I R E S U C C I N T E
P u coTtimerce de VInde , p a r les compagnies
Fra n co ife s > depuis fo n origine ju fq u 'e n /y z y .
La première compagnie Francoife , à privilège
excluflf pour le commerce de,l’Inde , fut formée en
1604. Elle fut exemptée de tous droits fur les mar-
chandifes .qu’elle apporteroit de fes deux premiers
voyages , & en pofieflïon du privilège excluflf" de
çavio-er aux Indes pendant quinze années.
En 16 n elle «’avoir encorç fait aucune expédition.
Son .inaCtion pouvoir encourager d’autres I
négocions à tenter le commerce de l’Inde- 3 mais la *
côihpàgnîe pour écarter plus fortement toute efpéce
dé rivalité-, fe fit xpribuvèller pour douze années
fon privilège excluflf, par lettres - patentes de
Louis XIII , du z mars tév r.
En 1 615 la compagnie les I n les ne faifaut encore
aucun ufoge de fon privilège , des négocians
de Rouen proposèrent d’entreprendre le même
commerce. Fa compagnie s’y oppofa d’abord. Leur
différend fut terminé par des lettres.-pacefltes du 2
juillet 1615- , qui formèrent des anciens privilégiés
& des nouveaux entrepreneurs, line- feule compag
n ie , & ‘renouvellèrent ’le privilège, excluflf pour
douze ans , à compter de la première expéd ition.
Cette compagnie qui fut appelle la flo tte de M o n t-
morenci ou la compagnie des M o lu q u e s, ne rit
'enpore aucun ufage de fon privilège.
• De 1624 à 1635 ( on peut remarquer que c’eft
depuis l’expiration du privilège dé la compagnie ,
| obftacle éternel aux eSorts- du commerce particulier
)' quelques hégobîans de Dieppe firent plufîeurs
voyages dans l’Inde & à Madagafcar. Le capitaine
Reginiont l’im d’eux, qui y avoit é té ‘en 163 3 ,
forma en 1^3 5: ' Une compagnie ( fans p riv ilè g e
excluflf ) qui envoya lin vàîiïeau! aux Indes:-: Il en
revint richement charge* Encouragé par eê premier
fuccès , -'il s-’affocia le capiràine Ri tank , & lés
deux navigateurs firent encore quelques : voyages
avantagëû t ( fans p riv ilèg e excluflf. )"
Le cardinal de Richelieu crut faire profoérer ce
commerce , encore davantage en lui accordant, en
1Ù4?-. j un privilège èxclùfif pendant dix ans. L ’événement1
ne juftifia pas Tes ëfpéfânoes; La compagnie
avoir envoyé' en '1^43 un vaifleau- qui devoir
former un érâbliiïemënt à Madagafcar (' quatre autres-
partirent‘en 1644 & 1648 3 mais vers 1670 elle
avoir cefle tous ’fos envois. - '
Cependant (felpn l’ufagé des compagnies à privilège'
excluflf )■ celle-ci fit renouvelier le flen pour
quinze années par lettres-patentes du 4 décembre-
i Ç ï z f -
En 165 4 Ië maréchal de la Meîlleraye voulant
profiter dé l’ina&ion de la compagnie , envoya
deux vaiflèaux à Madagafcar & s’empara du Fort-
Dauphin dont la compagnie avoir jette les fon-
'demens.
. En 1660 la' compagnie s’étant accordée avec M,
de la Meîlleraye , envoya un va-ïfle’au qui périt dans
un combat avecUes Algériens.
En -1663 M. de la Mei-ileraye y envoya quatre-
vingt Colons deftinés à fe joindre à ceux qui s’y
étoient établis ; mais les François s’étant attirés la *
baine des habitans du pays par les- tentatives qu’ils ,
a voient faites pour les aflujettir , cette entreprife-
devint toute militaire , & fes fuites ne peuvent plus
entrer dans l’hiftoire du commerce»
En 1664 fut créée la compagnie des Indes Orientales.
Le roi lui accorde les plus grands.encoura-
gemens. Les principaux articles énoncés dans les
lettres-patentes qui font encore aujourd’hui la baze
des privilèges de la compagnie font x
Le privilège excluflf au commerce depuis le Cap
de. Bonne-Efpérance, dans toutes les Indes & mers
Orientales & dans les mers du Sud pour le temps
de cinquante années. ( art. ^7 )•
. La propriété & feigneuries de toutes les places,
terres & ifles que;,1a compagnie pourra conquérir,
& occuper, (arc. 2.8 ).
La 'promefle de défendre la compagnie envers &
contre.tous par. la force, des armes eniraifant èfcor-
ter fes envois & retours, non-foulement lur toutes
les côtes de l’Europe & de 1 Afrique , mais meme
juTques dans l’Inde. ( art. 40 )•
■ - L’exemption-de tous' droits d’entrée & de fortie
pour les, bois., chanvres , fers , cordages & munitions
néceffaires à la conftruftion & ravitaillement
de fes vaiflèaux, & celle de cous les droits de bris &
d’amirauté, ( art. 4 3 ).'/ : •
L’exemption de cous droits pour les marchandiies
des Indes , mifes en entrepôt, ( art. 44).
- U ne avanoe de .trois millions , (• cette fomme fut
portée en 1668 à quatre millions ; & puis abandonnée
en propriété à la compagnie ) faifant le
cinquième des fonds de quinze-millions, auxquels
on fixa. le. fonds" de la compagnie. Ladite avance
Faite fans intérêts pendant dix ans , & devant fuppor-
ter. en totalité, la perte que la compagnie pourroit
Faire.fur Ion capital , julqu’à la concurrence defdics
trois millions, (art. 45
Enfin une-gratification de 50 1. par tonneau de
marchandifes que la compagnie fera fortir du royaume
pour porter dans fes conceflions, & de 75 1.
pour les marchandifes de l’Inde qu’elle rapportera
dans le royaume. ( art. 46 )..
- Quoique lé fonds' de quinze millions , qu’on
avoit voulu former p.our le commerce de la compagnie
y. ne-.fucpas entièrement rempli, les actionnaires.
n’aÿant fourni que cinq millions, le roi, quatre,
ce capital de neuf millions de livres étoit bien con-
fidérable en ce temps-là.
. En effet , le marc d’argent , à cette époque ,
étoit appelle 2.6 i. 10 f., ainfl neuf millions dè livres
déflgnoienc envargent fin 33^,622 marcs.
Cette quantité d’argent fin feroit appellée aujourd'hui
environ dix-nuit millions , le marc étant
à" peu près à 511.
: Cette eftinration, pour le dire en panant, eft la
plus foible qu’on.puifle faire j car il eft plus que
•probable que non-feulement on obtenoit en 1664
autant de denrées , de marchandifes, de travail
avec uil marc d’argent qu’on en obtient, aujourd’hui
3 mais encore le commerce n’ayant pas autant
d’aftivité & autant d’étendue alors , & la .concur-
• rence des vendeur? d’argent, acheteurs de denrées
& de travail , étant moindre & moins. animée , ils
obtenoient pour la même quantité _d’a rg en tb e au coup
plus de toutes les c'hofes vénales qu’on n’en
obtient- aujourd'hui.
Mais , à ne partir que du fait inconteftable de la
différ cnce de dénomination de l’argent, & à fuppo-
fer feulement l’égalité de-valeur vénale réciproque
des chofes vénales & de l’argent dans les deux
époques , il eft toujours bien clair que la compagnie
commença alors fon commerce, avec ce que
nous appellerions aujourd’hui dix-huit millions de
capital.
Ses retours de. 1664 & 1675 furent eftimes par
fes états à 4,700,000 1. qui évalués d apres la
même obfcrvation que nous venons de faite , formeraient
une valeur au jourd’hui appellée 9,400,0091.
Cependant par i’expofé qui fut foit en une afleiti-
biee générale du 8 ' mai 1675. La compagnie avoir
déjà confommé tous fes bénéfices & plus des deux
tiers de fon capital , puifqu’il ne lui reftoit que
2,5:00,000 1. ( qui foroiènt aujourd’hui cinq millions
de livres. )
La fituation de la comp a g n ie ne dégoûta pas
le gouvernement de lui fournir des fecouts. Le
roi lui abandonna totalement les quatre millions
qu’il' lui avoit avancés j mais la confiance du public
diminuait, & les! actionnaires ne fourniiToienc
pas le' refte de leurs: eugagenuens. Pour les y déterminer
on accorda à ceux qui les avoient déjà
f remplis ou qui les rempliroient. avant le premier
! juillet fiiivanc, une répartition de dix pour cent de
leur capital.
Depuis 167 5 jufqu’èn 1684: la compagnie avoir
expédié quatorze vaiflèaux, les retours avoient produit
4,400,000 1..
Cependant le fonds capital étoit encore diminué
& réduit à environ deux millions en effets, vaifo
' féaux & marchandifes. Elle devoit à Suratte 900
mille livres, dont elle payoit l’intérêt à neuf pour
cent. - . . ^ , .
Les. commiflaires du confeil , après avoir examiné
les comptes de la compagnie , décidèrent
que les trois quarts du fonds capital ayant été con-
fommés , les actions ne repréfentoient plus que le
quart de leur première’valeur : il fut ordonné aux
actionnaires , par arrêt du confeil du 18 Novembre,
de payer , dans le délai d’un mois, [le quart en fus
des fommes auxquelles montoient leurs aCtions,
pour fervir de nouveaux fonds audit commerce, fi-
non qu’ils feroient rembourfés du quart de leurs
aCtions , fçavoir de la moitié dans un an , & de
l’autre moitié un an après, le tout fans intérêt»
Cette opération ne rétabliflant pas encore le
crédit de la com p a g n ie , on eut recours à un autre
moyen employé depuis trop fréquemment , & qui
ne paroît pas-bien conforme à l’efprit de droiture qui
doit préfider à. une entreprife de commerce : ce rut
de faire des répartitions de bénéfice, tandis qu'il-
n’y avoit que de la perte. C’étoit un p-iége tendu
aux propriétàiiés d’argent. Un -négociant ne fe per*'
mettroit pas un pareil expédient pour engager un
cpmmaudkarre. qui lui auroit fourni des fonds, à
P | en. .prêter encore dans u» moment où le commercé
leroit 'en perte. Or , on ne voit aucune rai-
fon de penfer que les principes de la morale du
commerce , pour les compagnies , ^ puiffent être
"différentes de ceux qui" lient les particuliers.