
connoîtceux qui votent pour ou contre la nation.
Non-feulement il connoît les difpofitions de
chacun des membres de la chambre des communes
j il connaît de plus les fyftêmes politiques
d'un très - grand nombre de ceux qui veulent le
devenir : & aux nouvelles élections, que diverfes
caufes rendent affez fréquentes, & fur-tout à
l'éleèfcion générale { i ) * il purifie fucceffivement ,
ou tout- à-la-fois , laffemblée législative > & , fans
changer le gouvernement , il en réforme le principe.
Quelques perfonnes douteront des vues politiques
8c fuivies que je prête au peuple anglois;
elle m objecteront le défordre des élections. Je
parlerai plus bas de cet abus ; je conviens ici que
celui dés candidats 3 qui donne la plus belle fê te ,
a fouveht beaucoup d'avantages. Mais fi 3 d'un
coté 3 les démarches du gouvernement, & de
F autre 3 la lâcheté 8c la baffeffe de la plupart des
membres -des communes , donnoient une alarme
férieufe à la nation , on verroit alors fe déployer,
pour le maintien de la liberté , les caufes qui
ont concouru à l'établir. 11 fe formeroit une com-
binaifon générale , & des membres Au parlement ,
demeurés fidèles à la caufe commune , & des
citoyens de toutes les conditions. On tient des
conférences en pareil cas 3 on ouvre des fouf-
criptions pour foutenir les défenfeurs du peuple ;
les électeurs ouvrent les yeux 3 8c ils ne choi-
fiffent plus que celui des candidats qui montre
le plus d'amour de la liberté.
C'eft. ainfi que fe formèrent les parlemens qui
fupprimèrent tes impôts & les emprifonnemens
arbitraires 3 8c la chambre étoilée > c'eft ainfi que
fous Charles I I 3 le peuple 3 revenu de la forte
d'enthoufiafme avec lequel il rendit la trône à
ce prince 3 compofa la chambre des communes
d’hommes attachés à la chofe publique j c'eft
ainfi que 3 ferme dans une conduite que les cir-
confiances rendoient nécelfaire, il éluda les rufes
du gouvernement. Charles II fe permit de diffou-
dre trois parlemens confécutifs ; mais il retrouva
toujours 3 dans la chambre baffe , les mêmes
hommes dont il vouloit fe débarraffer.
C'eft ainfi que Jacques I I , à qui des promeffes
qu'il étoit bien réfolu de ne pas tenir , procurèrent
d’abord toute la faveur du peuple 3 vit^ce
peuple revenir de fon erreur , 8t foutenir opiniâtrement
des repréfentans patriotes. Ç'dft ainli
que ce prince ayant voulu s'obftiner à fon tour,
termina fon règne par la cataftrophe que chacun
fait.
Les loix & Angleterre font dirigées à l'avantage
de tous3 8c on les obferve exaélement. Le particulier
le plus foib le , léfé dans fa perfonne ou
dans, fa propriété 3 eft auffi fur de faire condamner
le citoyen le plus accrédité 8c le plus riche,
que celui-ci poùrroit l'être 3 s'il étoit l'offenfé 3
& que l'autre lu t l'offenfeur (2).
Le pouvoir même de ceux qui gouvernent, ce
pouvoir 3 auquel tout cède dans les autres pays y
eft invinciblement fournis aux loix. Les crimes,
appelles ailleurs coups d’état ; que dis-je ? la plus
petite violation du droit de propriété, commise
par les ordres exprès des miniftres 3 y eft infailliblement
& publiquement réparée (3).
(ï 'i Elle a lieu tous -les fept ans : au boutde te terme, le roi doit «Moudre ie -parlement, fi. i. Geo. i. ƒ a. c. 38.
fa ) Lés deux feuls .privilèges ( privilégia) qu’aient les pairs & les membres des -communes , fo n t; i° . de ne pouvoir
être laifïs perfonnellement .pour l’exécution des fentences rendues en matière civile : le pair jouit toujours de ce privilège,
& le membre des communes n’en jouit que durant une feffion, & pendant les quarante jours qui la précèdent & qui la
fuivent; 2°. ils ne peuvent être appelles en juftice, -en matière civile, tandis que le parlement uège; mais ce privilège,
qui a pour but d’empêcher que les membres des corps légiflaitifs ne foient détournes des affaires de .l’é ta t, finit ayec fa
caufe. Les llatuts r2<}uil. III. ch. 3. & "Geor, II. c. 24, dédatent qu’immédiatement aprè.s la diftblution ou prorogation
du parlement, & dans le cas où une des chambres fe feroit .ajournée pour un terme plus long que deux fera Aines, la
juftice ordinaire reprend fon cours; que tout membre du parlement, foit pair, fait eommoner, peut alors -etre aâionné
comme une autre personne, & dqpoifédé juridiquement de fés terres ou biens meubles.
Ces deux privilèges ceffent d’avoir lieu, s’il s’agit d’un crime ou fimplement d’uïie atteinte à la fureté perfonnelle de qui
que ce foit : la plainte, dans ces cas, eft reçue en tout temps,; Le ftatut a & 3. Anne. c. 18, dédarede plus, qu’un membre
Ju parlement peut être pourfuivi auffi en tout temps, pour des malverfations dans un emploi public. Enfin , pour la
fureté du commerce, le ftatut 4. Geor. III. c. 33 , permet d’adionner pendant la •feffion. Un commerçant ayant privilège
de parlement, peut être a&îonné pendant la feffion, s’il s’agit d’une dette montant à cent livres fterling; & fi le débiteur
ne paie pas dans l’efpace de deux mois, on regarde cette ômiffion comme un ade de faillite.
S’il étoit befoin de prouver qu’un;homme qui fe ferc des moyens que lui accorde la Joi pour la.fureté de fa perfonne
ou le recouvrement de fa propriété, ne court jamais aucun rifque, je citerois ce qui arriva en l’année 'i ‘7o'8 à l ’ambaflfa-
deur du Czar Pierre. Cet ambaffadeur ayant contradé des -dettes-à -Londres î-fês-epéaneier-s Je -firent-arrêter dans-fon carroffe.
-Le Czar Pierre demanda que les officiers qui avoient emprifonné fon ambafladeur fuflent punis de mort. Mais ., â
l*étonnement de cette cour despotique, die M. BJaclcftone, de. qui je tiré ce fait ,' la reine Chargea fon miniftrè de
répondre « que la loi d’Angleterre n’ayant pas encore protégé les ambafladèürs dàiîs ‘le'cas de non paiement de leurs
=> légitimes dettes, ceux qui avoient emprifonné le miniftrè de Ruffie n’étoient point coupables ; & qu’elle ne pouvait
•c faire infliger de peine au dernier de fes fujets, fans y être aurorifée p a rla foi du pays ».
Le parlement pafla à cette oedafien an ade qui défendit d’arrêter u-n ■ ambafladeur ou ceux .de fes. domeftiquesqu’il
a fait -enreeiftrer chez le fecrétaire d’état, 8c de faifir fes effets. On. envoya à Mofcow une copie de l’ade.
(3 ) Je pôurrois en citer plufieurs exemples.: je me contenterai de rapportèr un fait connu du public. Un MeJJagerrd’Jtat
faifit les papiers de quelques ouvriers imprimeurs, foupçonnés d’avoir impriinéûn libelle*. Le warrant' dont II étoiCmunii
^toit .figné par le fecrétaire d’état ; mais les noms des perfonnes foupçonnées s’y trouvoient en blanc, il étoit illégal.
Les imprimeurs dénoncèrent le meffager, & celui-ci fut condamné à une amende de trois-cens livres fterling ( environ
*8fô iiv. de•>Fr. ), en faveur -de quelques-uns d’eux féparcment, & de deux cens livres fterling en faveur des autres,
M. Wilke s , accule d’avoir écrit le libelle, & donc les papiers "Avoient été auffi fai fis, en vertu du même warrant t dé»
nonça le ^Ècréiaire d’état lui-même, qui fut cçndarané à quatre mille livres fterling, de dédommagement,
En un mot i l on peut dire ( aucun de ceux
qui connoiffent Y Angleterre ne trouvera cette affer-
tion exagérée ) , que lorfqu'il s'agit de 1 éxecution
des loix 3 la naiffancé 3 lés richeffes | les digni -
té s , le pouvoir même, font abfôlument fans effet.
C e qui prouve encore la bonté des principes
fur lefquels eft fondé le gouvernement Angleterre
, c'eft le peu de précautions qu'il emploie
pour b fûreté. Bien différent de ces puiffances
ômbrageufes3 q u i, foibles avec toute la force
des lo ix , fe croient perdues, fi elles n'exercent
pas une forte d'oftracifme, fi elles n'ont pas des
dictateurs 8c des inquifîteurs d 'é ta t, fi elles ne
peuvent condamner fans forme de procès > le gou-
yernement & Angleterre n'eft _ occupé que de la
protection des individus, -il ne s'arme que quand
une loi précife déclare le moment de l'attaque (1) :
& cette loi elle-même a réduit à fi un petit nombre
les cas où le gouvernement petit fe croire
en dangeri elle a exigé fi peu du particulier,
qu'un étranger, en Angleterre, eft tenté d'abord de
croire qu'il 'n'exifte aucun pouvoir fupérieur au
fien.; il ne s'apperçoit enfin qu'il exifte un gouvernement,
que par la fûreté dont il jouit (2).
Quelque fujet de plainte qu'ait pu former la
nation angloife contre plufieurs de fes parlemens,
on ne voit pas qu’ils aient jamais .donné ni permis
qu'on donnât atteinte a des loix effentielles
à la liberté : on ne voit pas qu'ils aient facrifié
les jurés ou la liberté de la pref fej on ne voit
pas qu'ils aient négligé l'exécution de l'aCte d*ha-
beas corpus s qu'ils aient rendu au roi le droit de
difpenfer des loix 5 qu'ils aient mis de la^ négligence
à confervêr le droit d'établir des impôts : on
ne voit pas enfin que la fûreté particulière ait jamais
ceffé. I l y a eu fans doute des chofes irrégulières ,
parce que c'étoient des hommes, apres tout, qui
formoient le gouvernement : les ^ouvrages extérieurs
de la liberté , fi je'puis m'exprimer ainfi ,
ont fouffert des ébranlemens, mais le corps lui-
même s'eft confervé immobile.
Ceux q u i, après avoir étudié la nature du
gouvernement d3Angleterre, en examineront les
effets, c'eft-à-dire , en viendront à la meilleure
|preuve que, dans des chofes de ce genre, on
puiffe adopter, avoueront qu'il a , par-deffus tous
les gouvernemens qui nous font connus, trois avantages
effentiels ; qu’il protège le plus fûrement i
qu'il exige les plus petits facrifices, & qu'il eft le
-plus fufceptible de perfection.
» Comme toutes les chofes humaines ont une fin,
:m dit Montefquieu, Y Angleterre perdrafa liberté,
» & elle périra. Rome, Lacédémone & Carthage
V o n t bien péri : elle.périra lorfque la puiffance lé-
»> gîflative fera plus corrompue que l ’exécutrice ».
Mais cette époque eft bien plus éloignée qu'on
ne le croit} & la conftitution angloife n'ayant pref-
que aucun rapport avec les conftitutions des républiques
anciennes , il ne faut pas juger ici par
analogie.
Si les nations libres de l'antiquité font tombées
fous le joug en affez peu de temps, c'eft qu'elles
avoient confié la garde de la liberté à des corps
ou à des individus qui en étoient les ennemis.
» Des machinés politiques, dit M . de Lolme ,
» n'ayant pour mobile que la vertu, pour point
» d'appui, que la modération, avoient à furmon-
'» ter la force vive 8c directement oppofée, de
» l'ambition , dé l’intérêt perfonnel, qui dévoient
» les démonter bientôt.
» L a conftitution d’Angleterre dirige à fes fins
» cette force elle-même i c'eft fur l'amour de foi
» qu'elle a fondé le jeu de fes diverfes parties ;
» & il ne faut point comparer des gouvernemens
» où la liberté tenoit à des caufes foibles, inter-
» mittentes & puiffamment contrariées, à celui
» où cette même liberté eft établie fur des caufes
» agiffantes , & agiffantes dans tous les temps ,
» dans tous les lieux & fur tous les hommes ».
Par un art qu'on doit admirer, elle a fait dépendre
le maintien de la liberté de l’oppofition
des diverfes parties du gouvernement, 8c elle a
rendu cette oppofîtion perpétuelle; mais, par un
bonheur fingulier, les moyens d'oppofition fe
trouvent de nature à en prévenir les dangers. Ils
ne mettent les" diverfes parties en état d’agir que
par contre-coup, fur les volontés l'une de l'autre ;
ils leur rendent néceffaire une certaine perfévéran-
c e , & ne peuvent opérer que de certains facrifices.
Ainfi le parlement peut, en refufant des fub-
fides, ôter au roi les moyens de faire ufage de
fes prérogatives , mais il ne peut toucher à ces
prérogatives; il peut difpofer les chofes de manière
que le roi trouve de très-grands avantages
à confentir à une lo i , mais il ne peut l'y obliger.
D'un autrç c ô te , le roi peut, dans les temps
de fermentation, énerver le pouvoir du peuple ,
par la diffolution ou la prorogation de la chambre
des communes ; mais ce moyen n'eft jamais que
paffager. Le gouvernement ne peut fubfifter une
année fansunechambre des-communes j &les membres
aCtuels ne craignent la diffolution ou la prorogation
que jufqu'à un certain point : ils font furs que
des caufes puiffantes les feront bientôt rappeller.
Quelque long, quelque profond qu'ait été le
fommeil des repréfentans du peuple , l'inftant de
leur réveil eft celui où ils commencent à réparer
les brèches de la conftitution. Si la liberté a fouf-
<1 ) Lors des invàfions du prétendant, l’aâe d’haVeas corpus fut fufpendu ; mais cette précaution fut prife .par les
repréfentans du peuple, & fixée à un terme précis; fur-tout elle ne priva perfonne de fes moyens de juftification. Les
.pérfonnes arrêtées ne purent être jugées & condamnées que par leurs pairs, & eurent comme auparavant leurs droits
"de récufation péremptoire, &c. '
•(2. ) Je ne parle ici que des étrangers doués d’un bon efprit ; car les autres font bielles de voir que le citoyen m-,
Aafflicui n’j trerabl'e pas devant l’opulence ; ils traitent i ’infolence l’ait Sei du peuple qui ne craint que les loix.