
fuperftitieux que l'eft le fang ottoman , qui a
donné fon nom à la nation turque , 8c toutefois
nul fouverain n'eft. perfonnellement aufli chancelant
fur fon trône que le grand-feigneur fur
le fien. Tout fouverain qui n'eft pas appuyé
d'un peuple agricole , ne peut régner que par
des donatives (O à fes foldats ou a ie s officiers,
& il ne peut le foutenir qu'en faifant des lar-
geffes à la mifère de fes villes faftueufes & prétendues
opulentes.
De ce genre de largeffes font les approvijionnemens
publics , qui , chez les nations civilifées ,
occupent fouvent la follicitude difpendieufe des
gouvernemens. Les fubfiftances vont naturellement
& d'elles-mêmes aux lieux où fe trouve la
foule j car les hommes ne demeurent guère qu'aux
lieux où ils trouvent les moyens de profiter &
de gagner des falaires 3 8c ces gains ou falaires
fournifTent à leur confommation 3 8c donnent aux
denrées la valeur vénale dont elles ont befoin &
qu'elles cherchent ; mais lorfqu'une adminiftra-
tion aveugle ou déroutée fait enchérir les objets
de confommation au-delà de leur valeur natUr
relie 3 qui fe borne à la reftitution des frais qu'ils
coûtèrent à obtenir &■ à tranfporter ; quand j
par des contributions perçues aux portes des villes
fous le nom de droits.3 de douanes^, d'octrois
3 ,& c . on enchérit les denrées 8c les mar-
chandifes , & l'on dérange les proportions naturelles
entre les travaux & les dépenfes , alors il
faut que, le gouvernement rende avec ufure d'une
main ce qu'il r.eçoit de l'autre , 8c qu'il veille à
tenir à bas pris i à fes propres fraix 3 du moins
les denrées de premier befôin.
Mais cela ne fe fait fans de grandes précauT
tions, ni d’ordinaire fans prévarication; car peu
de gens fe montrent fcrupuleux de gérer avec
exactitude & défintéreffement ce qu'on appelle
les affaires du p ub lic, d'après ce proverbe qui
dit que celui qui fert La commune ne fertperfonne j
enfin cela donne lieu fou vent à des conçu fiions 3
parce , que les-, villes , tyrannifent leurs banlieues 3
les forcent à garnir les marchés , 8c qu'elles condamnent
à des amendes*, à des faifîes , &c. en
vertu de loix municipales toujours attentatoires à
la propriété. 1 ; _
Le gouvernement perd lui-même beaucoup à
toutes ces chofes ; carv&n preffure d'autant ..les
cultivateurs 8c les propriétaires de .fonds > qui
font tous receveurs de fa part 8c portion fur les
récoltes; &.les fraisqu'ils fouffrent alors fon t,
par le déchet qu'ils occafionnent > le double en J
effet de ce qu'ils paroiffent en quotité, attendu
qu'ils portent fur les avances de la culture* q u i,
félon l'ordre naturel ^ font deftinées à doubler
dans la.terre , & à rapporter cent pour cen t, fi
on n'intercepte pas leur libre emploi. Mais, outre
ces dommages qui retombent en partie fur
le gouvernement , op lui fait d'ordinaire dé-
bourfer les frais des approvijionnemens publics , &
de cette manière il fe trouve que la fouveraineté
paye un tribut à la populace.
On ne doit pas comprendre dans la claffe des
approvijionnemens publics les magafîns qui fe font
pour les armées, les places fortes 8c les entre-
prifes de guerre fur terre 8c fur mer ; c a r , quoique
ce foient de grands approvijionnemens ils font
néanmoins pour le compte du fouverain & pour
fes affaires privées,. qui tendent bien à la con-
fervation de la chofe publique, mais .qui font
une charge de fon patrimoine à lui. Quoiqu'en
général on ne puiffe trop tendre à fîmplifier les
dépenfes , 8c qu'il foit de principe qu'au moyen
d'une bonne police , fans laquelle aucune a fie râblée
d'hommes ne peut profpérer ni même durer,
les vivres & les denrées fuivront toujours
la foule ; quoiqu'on ne puiffe douter que les ap-
provijionnemens d'effets confommables, fe trouveront
où font les approvijionnemens d'hommes , s’il
eft permis de s'exprimer ainfi : cependant il eft
des cas , très-rares à la v érité, où les approvi-
î Jionnemens privilégiés de certains genres de co-
meftibles peuvent être utiles. C'eft une opinion
dont la négative entraîneroit trop de difcuffion ;
ainfi, fans nous y arrêter, nous pourrons dire
qu'il fuffit de-profcrire entièrement les approvisionneurs
pour toute ville ou affemblée féden-
taire ; mais que , dans tous les cas où ils font
tolérés, on doit être bien attentif à furveiller
les entrepreneurs monopoleurs, c'eft-àrdire uniques
quant à 1% .vente , pour qu'en vertu de leur
prétendu privilège, ils ne foient^ pas du moins
monopoleurs qtf&nt à l’achat. L'on aura encore
affez de peine \ les empêcher de le devenir par
aftuce & par l'habitude de toutes les manoeuvres
de la fraude ; mais ce feroit bien pis fi le gouvernement
les appuyoi* & les autorifoit ainfi à
dévafter les domaines de la fouveraineté.
A l'égard des approvijionnemens publics 3 c’eft
un mot 8c une chofe que l'on doit à jamais prof-
crire. ( G )
A Q U I T A I N E , duché ou royaume d'Aquitaine.
Voye^ le Dictionnaire de Jurifprudence.
A R A B IE , grande région de l'Afie en forme
(1) Les donatives étoient & font encore des libéralités faites aux foldats par , les fouverains à leur avènement aia
t rô n e .'Elles furent finvtout en ufage chez, les romains , où les empereurs les employèrent d’abord pour témoigner aux
croupes leur facisfa&ion & leur reconnoiflance d’avoir été- mis par eux en pcfleffion de l’enipire'j mais eec ufage des
donatives fut enfuite regardé; comme un. droit acquis à. la toldatefque, qui >. ayant la force en main & faifant &c dé-
faifant à fon gré le,s empereurs , exigea d’eux, â chaque mutation de fouverain des diftriButions pécûniaires plu*
fortes que celles faites par fes prédéceffeurs ; ne regardant plus-en quelque forte- ces diftiibutions . qiiélnue fqrtes qu’ellea
fuflenc que comme une mince récômpenfe de leur fuffrage & un foible prix de l’empire. Le trône & fes çréfors furent
^infi dépendans de la milice qui -çnibraÛçk prefque toujours;le parti du plus offrant*
de £éninfule ; elle a environ 6gg lieues de longueur
> 8c $00 dans fa plus grande largeur. Voye[
fa pofition dans le Dictionnaire de Géographie.
T ou t le monde fait qu’on la divife en Arabie heu>
reufe , ou terre d’Yemen , en Arabie pétrée, 8c
en Arabie déferte. Elle contient huit provinces
indépendantes les unes des autres ; favoir Ardel-
Yemen , Hadramant, Bofman, les jpays fitués le
long du Golphe perfique, Hadsjar, Nedfied,
Héafias, 8c le pays habité par les Bédouins.
La province d'Yemen le divife en quatorze
diftriCts , d'une étendue fort inégale, dont les
principaux font le pays d'Yemen , proprement
d i t , la feigneurie d'Aden , la principauté de Kau-
keban , le diftriét de Chaulan , de Kachtan , &c.
Il y a plus de diilriCts dans un canton que dans
l'autre » nous allons en donner la raifon. Dans les
montagnes où les habitans, à la faveur de leur genre
de vie uniforme 8c frugal, ont fu.conferver la plus
grande portion de leurs droits primitifs , on
trouve une multitude de peuplades. La vigueur
dufentiment, qui anime chacune de ces peuplades
, a fuppléé plus d'une fois au nombre des
habitans.
Elle eft fous la domination du roi d'Yemen
8c de différens chérifs ou émirs , les uns
indépendans, les autres tributaires du grand feigneur.
Les plus puiffans font ceux de la Me.cque
8c de Médine.
Précis de l ‘hiJloire politique & de l’état adtuel du
gouvernement d’Arabie. Les arabes méridionaux partagèrent
la bonne 8c la mauvaife fortune des
califes, tant de la race des Ommiades, que de
la maifon des Abaffides. Le pouvoir de ces grands
pontifes de Tillamifme ayant été détruit par les
gardes qui s’emparèrent du palais , & par Uam-
bition des gouverneurs qui fe rendirent indépen-
dans dans les provinces , l'Yemen, tantôt reprit
fes anciens droits, 8c tantôt fut affujetti. L 'E gypte
, gouvernée par les fultans Ayoubilts , cir-
-caffiens & ottomans, fit plufieurs tentatives, fur
ce beau pays. Salaheddin , ou Saladin-le-Grand ,
le Sultan Guri & Soliman I I , conquirent la plus
grande partie de l'Yemen, mais il y eut toujours
quelques cantons des montagnes qui défendirent
leur liberté contre les turcs. ,
La révolution de i 6$o chaffa les turcs. Khaf-
fem-al-Kbir ou le Grand, l'unjdes fcheichs, ayant
obtenu l'alliance 8c l'amitié des autres fcheichs
ou feigneurs, parvint à déloger les bachas turcs,
8c à les faire fortir du. pay$. Ils n'y «font jamais
rentrés. La Porte conferye des officiers dans YA-
rabie pétrée & fur les confins de Y Arabie déferte
; mais les beys d'Egypte q u i, depuis le
temps des circaffiens, font reliés comme indépendans
dans leurs diftriéts , ne tardèrent pas à conquérir
ou à affranchir ces deux provinces.
La révolution caufée dans l'Yemen , par le mérite
8c la valeur de Khaffem, eft devenu une époque
très - mémorable dans l'hiftoire de XArabie 3 puifque
la maifon régnante des imans ou rois d’Y e men,
tire fon origine de ce fcheicn. Ifmaël fon
f ils , confolida le plan de fon p è re , & prit la
qualité d‘iman,
L'Arabe , accoutumé à l’indépendance , ne
plie que fous les ordres de Dieu & de celui qui
eft chargé des ordres divins,, ce qui a fait prendre
. la dignité de prêtre aux anciens califes, 8c
aux imans des temps, modernes.
Tous les defeendans d’ Ifmaël, & de Khaffem,
étant de la fainte race des imans , afpirent au
droit de commander les fidèles. Cette égalité de
titres à caufé plus d’ une fois des concurrences
& des guerres inteftines, qui ont affoibli la vénération
des peuples jafour ces prêtres ; plufieurs
fcheichs ont profité de ces troubles pour fe rendre
indépendans, & les rois de l’Yemen doivent
craindre d’avoir un jour le fort des califes, dont
la puiffance, ayant dégénéré en tyrannie, s’é-
clipfa 8c s’anéamit.
L e premier miniftre du pays de l’Yemen n’a
d’autre titre que .celui de fa k ik , nom que l’on
donne aux fecretaires 8c aux favans. Lés gouverneurs
des provinces , nommés dolâs , dans
l’Y emen, font ordinairement rappellés au bout
de deux ou trois ans. Si l'iman trouve à propos
de prolonger le gouvernement d’ un de ces dolâs,
il lui envoie un cheval , un caftan 8c un fabre ,
8c l ’officier confirmé dans fon emploi, eft obligé
de fortir de la capitale de fon gouvernement ,
pour recevoir avec refpeét les grâces & les bienfaits
de fon fouverain.
Pour reftreindre le pouvoir des dolâs, l'iman
leur afifocie un baskateb ou contrôleur , qui ne les
quitte jamais.
Parmi les terres de la domination de l'iman,
il y a plufieurs diftri&s qui fe font révoltés , &
qu’on n’a pu faire rentrer fous le joug ; telle eft
la feigneurie d’Aden, qui s’eft fouftraite à l’obéif-
fance de l’iman en 1740 5 les habitans élurent
un fcheich, & renvoyèrent à Moka le dola 8c
tous les-foldats de l’iman.
On ne. s’étonnera, plus de la promptitude de
ces révolutipns, dès que l’on faura que leslieute-
nans du roi d’Yemen né font que des juges de
paix , dont l’autorité n'excède point celle qu'a-
yoient les juges ou les, chefs de tribu parmi les
ifraëlites.
. Lorfque les turcs poffédorent encore une bonne
partie de la province d'Yemen, il y eut une famille
illuftre parmi les montagnards , qui fe maintint
dans la poffefiion de fes droits ; cette famille
fubfifte encore , 8c elle n'eft pas foumife au roi
d'Yemen.
Parmi les diftriéls indépendans qui font dans
le pays d’Yemen , on compte en outre la grande
contrée de Hafchid 8c Bekil, où il y a plufieurs
chefs appelles Nakil. Ils font alliés de l'imam
C ’eft de ces. diftriéts, qui paflent pour les plus
1 belliqueux j que l'iman. tire fes meilleures troupes*